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Critique du film et du DVD Zone 2
HORA 2009

 

Une femme nommé Rikke (Isabel Vibe) se fait violer par trois hommes et se venge en les tuant un par un. Sur cela, on peut greffer bon nombre de films dont le classique à l'origine de tout, LA SOURCE d'Ingmar Bergman. Sujet repris dans le cinéma d'exploitation avec LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE et ses avatars, remakes, copies plus ou moins récentes, dont les dernier avatars américains de 2013, GIRLS AGAINST BOYS ou encore CRY FOR REVENGE, avec Christina Lindberg de... THRILLER, sorti en France sous le titre CRIME A FROID. Ce dernier est, bien évidemment, un autre représentant emblématique du «Rape & Revenge» et qui nous vient de Suède. Mais c'est surtout du côté de I SPIT ON YOUR GRAVE, OEIL POUR OEIL en France, que le scénario de HORA lorgne méchamment.

Sur ce canevas archi-classique, bien connu des amateurs de films de genre que nous sommes, l'héroïne est une aspirante écrivain revenue dans la maison de son père pour travailler. Le métrage tente de greffer plusieurs éléments étranges qui tirent le film vers le dérangeant, voire le Fantastique. La scène d'ouverture montre l'agression de deux auto-stoppeuses, se faisant violer, agresser et assassiner dont l'une avec un très déplaisant plan d'un couteau enfoncé dans son vagin. Pourquoi ? Parce que ! C'est en gros, ce que l'on peut ressentir de cette scène qui ne se raccroche que très nébuleusement au wagon. Passé ? Soeur de l'héroïne ? Aucune explication, d'où cette impression de gratuité sordide qui fait la joie incompréhensible de quelques spectateurs et spectatrices. Rétrospectivement, il s'agit du moment le plus nauséeux de HORA. Le film s'illustre aussi par une quasi absence de bruits propres, hormis des sons électroniques atonaux, doublés d'une voix grave. Un choix qui apporte une ambiance surnaturelle au métrage.

Le réalisateur Reinert Kiil imprime un style qu'il souhaite proche de la vaguelette «Grindhouse». Le film fut d'ailleurs publicisé lors de sa sortie comme «le premier film Grindhouse norvégien», jusqu'à reprendre pour l'affiche un calligraphie identifiée comme rattachée à ce pseduo-style remis au gout du jour par Quentin Tarantino. Malgré un tournage en grande partie sous format numérique, des griffures et autres sautes de bobines aimeraient à faire penser à une vieille péloche 35mm qui a subi les affres du temps. Il y a même une bobine «manquante» vers la fin du film ! Mais l'artifice ne dépasse pas le stade de la simple référence. Aucune distance, aucun apport supplémentaire. Un film de fan fait avec des potes en dix jours, armé d'un budget indiqué à 240.000 couronnes (environ 28.000 euros). Tourné sous divers format : du Super8, la DV, HD jusqu'en Hi8. Pour ce que cela peut apporter de bon : l'énergie, la volonté de créer une ambiance autre - comme de pire : entre les erreurs de raccord et invraisemblances, un produit de consommation courante qui se veut extrême mais finalement très conventionnel dans son genre. Sauf peut-être le manque de son à un moment du viol qui provoque un léger malaise.

Car malgré les prémices, on reste étonné tant le film reste sage. Il y a bien deux pénis sectionnés, un ventre découpé, quelques balles qui explosent des poitrines et un cadavre trainé au bout d'une voiture – avec une mélodie d'une chanson chrétienne, assez drôle -, mais cela reste relativement sage. Comprendre : le cinéma d'exploitation a largement montré pire auparavant. Si bien que lorsque le livret du DVD commence par «Can a movie go too far ?» («Un film peut-il aller trop loin ?»), on aimerait dire que la réponse ne sera pas apportée par HORA. Il existe bien des plans TRES bizarres pendant le viol de Rikke. Des images qui viennent parasiter celles du plan en cours. En effectuant un arrêt sur image, on croit déceler ce qui ressemble fort à un anus bardé de sang (voir à 45 mn 33). Si tel est le cas, c'est dérangeant - la scène décrivant une sodomie. Mais la volonté de choquer s'arrête là. La mise en images reste fonctionnelle, jamais ingénieuse. Une provocation gratuite, n'apportant là aussi rien au film.

La narration s'offre quelques moments de diversion via des scènes qui semblent pousser le film vers le rêve et le cauchemar. En arrivant dans sa retraite campagnarde, Rikke croise une jeune femme en plein milieu de la route, sur son vélo, les pieds nus. Elle ne bougera pas, hagarde. Ceci à plusieurs reprises. Fantôme ? Ancienne victime ? A chacun son décodeur Canal Satellite pour comprendre le sens de la rencontre. On sent la volonté du réalisateur de créer une ambiance différente, un mélange fiction/réalité, une scène hors du temps. Idem lorsque Rikke semble se déplacer sans toucher terre vers Ronnie.

Tout cela paraît bien maigre comparé au reste. Il faudra attendre une quarantaine de minutes avant que quelque chose ne se passe réellement dans le film. La première partie s'ingénie à présenter les personnages et à voir Rikke en processus créatif d'écriture. Il y a bien un moment, à la douzième minute, où la supposée bobine de projection se trouve mélangée à une autre, histoire de titiller. Rebelote à la dix septième minute où cette fois-ci la copie vire au noir et blanc. Autant tourner en 16mm, Super16 ou 35mm et l'effet sera réel, pas un truc fauché d'un autre temps. Pour les autres protagonistes, il est rapide de voir que les stéréotypes d'autochtones vont mal virer. Le caissier de la supérette, joué par Gaute Næsheim, est un geek-idiot qui regarde des films violents (pour les plus bouchés : chemise boutonnée jusqu'au col est synonyme d'idiot). Le beau gars reste un obsédé de la fesse et le flic du coin est un alcoolique du samedi soir. Ceci face à une jeune femme seule dans une maison au fond d'un bois. Décor planté. La partie «viol» pointe le bout de son nez à la quarantième minute et la «revanche» à la soixante septième. Vous voilà prévenus.

A l'instar de Frigga dans THRILLER ou l'héroïne perdait un œil, Rikke perd de son intégrité physqiue hormis, bien évidemment, l'intime violé à répétition. Elle se voir graver sur son front le mot «HORA» (littéralement «Putain») : une volonté d'avilir qui fait parti du processus de revanche qui s'enclenche. Avec cette séquence, les plus cinéphiles de l'extrême penseront à coup-sûr à LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE où l'un des tueurs gravait son nom sur le torse de sa victime. Reinert Kiil a choisi Isabel Vibe pour incarner l'héroïne vengeresse. Surtout connue pour être dans le circuit X scandinave, elle offre ici sa première interprétation non-pornographique. Elle incarne un certain naturel, une volonté qui étonnent. Possédant une énergie à revendre, elle sait également montrer une facette différente sur ses gros plans de visage hagards, vide de toute émotions. La caméra n'étant pas avare de nudité féminine, le spectateur profitera amplement de sa plastique, mais sans Bertrand.

Le reste du casting s'acquitte médiocrement de leur tâche prédéfinie. Le scénario ne montrant rien d'autre que leur facette de violeur, alcoolique et attardé mental, les acteurs se cantonnent à cela. En fait, le surjeu demandé à Gaute Næsheim tout comme celui du flic bourré manquent de naturel comparé à Isabel Vibe. Un décalage pas en faveur de l'adhésion au film et de son propos. Celui-ci appuie certes le propos présentant les hommes comme des porcs victimes de leurs pulsions et de leurs frustrations, mais quoi de neuf sur le front du cinéma de genre et des interprétations cent fois vues ? Rien ! Y compris cette incroyable dextérité que les hommes ont de violer leur victime sans jamais se désaper. Pas de regret quant à cela, juste une contradiction qui renforce ce sous-genre comme l'exploitation du corps de la femme sous toutes ses formes. En refusant au corps masculin d'apparaître. Sauf sous la forme d'un couteau qui pénètre la chair, celle forcée, les jambes écartées, par le tueur.

Reste que le film a suffisamment marché pour engendrer une fausse-suite ou pour être exact un métrage s'intéressant à des événements étranges qui seraient survenus durant le tournage de HORA. Sorti à la fin de l'année 2012 dans son pays d'origine, INSIDE THE WHORE est parfois titré HORA 2 : INSIDE THE WHORE. Les amateurs de films extrêmes seront sans doute déçus, ceux et celles qui apprécient le style caméra à la main/film de copains seront aux anges. Les détracteurs du genre passeront soigneusement leur chemin. HORA est une énième illustration très peu originale d'un genre qui a déjà bien vécu. Nul doute que son côté filmage-commando lui donne un estampillage «underground» qui lui permettra de trouver le chemin du public ciblé, mais certainement pas au-delà.

Le DVD norvégien, édité par Another World, est conforme à ce que l'on peut attendre d'une source pauvre en budget. Au format 1.78:1 avec transfert 16/9, le film s'écoule sur une durée exacte de 89 minutes et 58 secondes. L'image se pare d'un look assez cheap, cette impression de DV que peuvent donner les films tournés en vacances. En même temps, le naturel recherché dans la mise en images transparait bien. Des couleurs passées, un trop-plein de lumière par moments. Ce côté glauque souhaité dans les moments de débauche et de tuerie. Les noirs paraissent néanmoins bien bouchés, et le manque de contraste est flagrant. Si bien que les séquences tournées en semi-obscurité se transcrivent assez mal à l'écran, voir la scène entre Rikke et le dernier agresseur vers la fin. On y voit pratiquement rien !

La piste sonore codée sur deux canaux se fraie parfois un chemin, de manière étouffée, vers la central si l'on tente le décodage ProLogic. Certains dialogues sont difficilement audibles, mais l'impression générale demeure moyenne. Il ne faut pas attendre de miracle. Les tripatouillages électroniques percent les oreilles, mais l'effet est voulu. Là aussi en adéquation avec le budget du film. Des sous-titres optionnels en norvégien et en anglais complètent le tout.

La section bonus s'avère fournie, un vrai plus pour cette édition. Le making-of montre à quel point le tournage a été serré en terme technique, avec une ambiance très potes et bière ! Mais il faut préciser que ce supplément est entièrement en norvégien sans traduction. Suit une interview en anglais au festival BUT de Breda au Pays-Bas, entre Isabel Vibe puis Reinert Kiil. Dommage que les questions posées ne soient pas très intéressantes. L'actrice principale nous explique que le réalisateur, scénariste, producteur et acteur du film a voulu faire un «Rape & Revenge» différent de ce qui existait déjà. Après avoir subi l'heure et demie de HORA, on aimerait comprendre en quoi le métrage diffère du reste de la cohorte de films de ce sous-genre.

L'interactivité se complète avec de courtes filmographies, un Slideshow, Trivia ainsi que le film annonce original puis ceux d'autres titres du catalogue de l'éditeur. Les amateurs de la langue d'Edvard Munch pourront compléter leur avis en lisant l'interview de Kiil dans le livret de huit pages présent dans le DVD.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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L'édition vidéo
HORA DVD Zone 2 (Norvege)
Editeur
Another World
Support
DVD (Double couche)
Origine
Norvege (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h30
Image
1.78 (16/9)
Audio
Norwegian Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Anglais
  • Norvégien
  • Supplements
    • Tournage du film (5mn31)
    • Interview avec Isabel Vibe & Reinert Kiil (5mn30)
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