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Critique du film
STORAGE 24 2012

 

Après avoir copieusement parasité le cinéma de genre avec le film de couloirs et sa shakycam, voici désormais son antithèse : le film de hangar avec travellings latéraux qui tiennent du supplice. Le digne représentant de ce cinéma horrifique nouveau genre : STORAGE 24.

Charlie (Noel Clarke) vient de se faire larguer par Shelley (Antonia Campbell-Hugues). Il se rend avec son pote Mark (Colin O'Donoghue) au hangar 24 où sont entreposés ses affaires dans un box. Manque de pot, Shelley s'y trouve déjà pour faire le tri avec deux de ses amis. Au même moment, un avion militaire s'écrase sur Londres, lâchant un container avec une créature extra-terrestre. Celle-ci s'introduit dans le hangar 24, dont l'électricité vacillante bloque la grille d'entrée. La chasse peut commencer.

Pour le spectateur non initié, les noms de Noel Clarke et du réalisateur Johannes Roberts ne diront pas grand chose. Noel Clarke est un acteur, scénariste, réalisateur et producteur connu outre-manche pour ses films KIDULTHOOD et ADULTHOOD, ou a encore joué récemment dans les récents HEARTLESS de Philip Ridley, DOGHOUSE de Jake West ou encore CENTURION. Beau CV. On ne peut pas forcément en dire autant de Johannes Roberts, auteur des sinistres DARKHUNTERS et HELLBREEDER, et du médiocre FORREST OF THE DAMNED avec Tom Savini. Il remonta la barre avec F., en 2010, et le voilà donc aux manettes de STORAGE 24.

Une première chose étonne au lancement du film : le logo Universal, ancienne version puisqu'il a été modifié début 2012 pour le centenaire de la firme. La version projetée au Marché du Film à Cannes sera sûrement retouchée d'ici sa sortie, la bande-annonce utilise le nouveau logo, mais cela indique surtout que le métrage va certainement bénéficier d'une distribution aisée sur les territoires britanniques et irlandais, et ce dès le 29 juin 2012. Avec un acteur en vue et un sujet de film de genre, ça peut le faire. Maintenant, hors des frontières locales, c'est juste pas possible.

Le cinéma anglais de genre est donc arrivé en force au Marché du film de Cannes 2012. On va en déduire que la production est florissante... Mais au détriment de la qualité. Avoir l'idée de filmer un hangar de stockage pendant 90 minutes est déjà saugrenu. Mais l'effectuer avec un sujet aussi con et de manière aussi quelconque, c'est l'arrêt de mort du film.

Car à l'instar de BEFORE DAWN ou du canadien TRUTH, on a encore droit à un couple en crise qui va régler ses comptes (bâillement). Ce n'est plus dans un cottage isolé, dans un chalet loin de tout mais dans un hangar. C'est sexy, un hangar. Et on va en manger, du hangar, sous toutes ses coutures. Leeeeeeent travelling latéral de droite à gauche sur les couloirs sans fin. Plan de coupe dans un box. Suspense. Travelling latéral de gauche à droite sur les couloirs. Effet-surprise avec «ouh fais-moi peur» à la clé. Engueulade du couple. Suspense. Travelling latéral de droite à gauche sur les couloirs sans fin. Attaque avec shakycam en furie. Voilà, en gros, la structure de STORAGE 24. Et le métrage ne déviera pas d'un iota de cette matrice, partant d'un plan large de Londres pour se terminer sur le même plan. La boucle est bouclée : un film sans fin avec des scènes répétitives.

Hommage ou pas, STORAGE 24 s'inspire outrageusement d'une bonne cinquantaine de titres de films de genre. Vu le métrage, on penchera plutôt pour la facilité. Une sorte de version adolescente, anglaise et méchante de SUPER 8, tant la ressemblance est flagrante : accident, convoi militaire, cargaison secrète, échappée de la bêbête, groupe d'humains témoin, ici une bande de vingtennaires décérébrés empêtrés dans des imbroglios sentimentaux positivement consternants. Après, il ne reste plus qu'à suivre la recette éprouvée par un MUTANT AQUATIQUE EN LIBERTE, en y ajoutant LA MOUCHE 2 (on retrouve les mêmes plans des deux pattes animées mécaniquement du monstre) avec RELIC pour l'endroit clos filmé dans le noir et SKYLINE, entre autres, pour les récents opus aliénisants. Le réalisateur repique également au passage les mêmes scènes d'ALIENS (et RELIC, encore) de l'héroïne reniflée de près, voire léchée, par la créature l‘ayant coincé dans un coin. A y regarder de près, on se dit aussi que sans ATTACK THE BLOCK, cette version bobo d'attaque extra-terrestre sanglante n'aurait jamais vu le jour.

Il s'agit aussi d'un film très très très long à subir. De son concept déjà périmé avant même d'avoir commencé, sur des tranches de vie venues tout droit d'une sitcom avec greffe d'une attaque alien. Les films dans des endroits clos, c'est bon pour de petits budgets. Il semble ici assez bas, mais vu le peu d'ambition de l'ensemble, on se dit que ça n'est pas très grave. Car il en ressort un film tourné en Scope, avec des personnages sortis tout droit d'un EMMERDALE ou d'un CORONATION STREET aux enjeux aussi étroits qu'un fil à couper le beurre. Et les personnages sont cons, mais cons ! Entre l'inévitable scène de frotti-frotta des deux amants adultérins dans un box vide, du débitage au kilomètre de dialogues sans intérêt – hormis peut-être pour des spectateurs adeptes de Clearasil, on a le droit à une belle leçon de morale où le méchant lover sera bien évidemment puni. Ceci dit, aux spectateurs – dont votre serviteur - qui se lamentent des films de genre où les minorités visibles (ou invisibles) se font dépecer rapidement mais ne survivent pratiquement jamais (on mettra joliment entre parenthèse LES DENTS DE LA MER 4 !), l'issue ici ne fait guère d'illusion tant tout est prévisible à des kilomètres. Il n'y a guère que la créature qui ait de l'envergure et de la gueule. Si au moins elle les avait tous massacrés. Mais même pas.

Reste à se consoler avec des effets spéciaux qui ont une très bonne tenue pour leur majorité en dehors le plan final qui semble bâclé. La créature est splendidement animée, impressionnante par moments, et judicieusement révélée petit à petit. Son arrivée et son évolution à l'intérieur du hangar ne sont guère crédibles, mais l'équipe qui a élaboré et mis en images ses apparitions ont vraiment fait du bon boulot. N'attendez pas cependant de gore explicite : on sent que le produit est bien calibré pour des adolescents, donc tout élément choquant ou un tant soit peu sanguinolent est absent.

Résultat : on s'ennuie ferme devant un spectacle désolant de platitude. Sur un sujet similaire, le français DEAD SHADOWS pourtant pourvu d'un budget encore plus bas, réussit à être original. Ce n'est pas le cas ici, STORAGE 24 enfilant tous les stéréotypes possibles et imaginables des films de SF/fantastique de ces trente dernières années. Aristote a dit que «La Nature a horreur du vide». Nous aussi mais pas de bol, Johannes Roberts l'a filmé pendant une heure et demie.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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