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Critique du film et du DVD Zone 1
COUNTDOWN 1967

 

Lee (James Caan), un astronaute américain sans connexion militaire, est choisi pour être le premier homme à se rendre sur la Lune ceci afin de battre les russes qui viennent de lancer leur propre programme lunaire.

Au premier abord, on imagine mal l'auteur de GOSFORD PARK, THE PLAYER ou SHORT CUTS s'intéresser à un récit de science-fiction. Mais au fur et à mesure que COUNTDOWN avance, on remarque quelques éléments de mise en scène qui nous font comprendre non seulement les choix visuels mais également le regard très particulier du cinéaste sur les rapports humains. On peut dès lors rattacher facilement ce film au reste de l'œuvre du réalisateur. Explications...

COUNTDOWN se détache des autres récits de science-fiction des années 60, à la 2001, L'ODYSSEE DE L'ESPACE ou encore ROBINSON CRUSOE SUR MARS, de par son approche plus réaliste que science-fictionnelle : une sorte d'indifférence au formalisme attendu. Ce qui intéresse les auteurs : le parcours personnel de l'astronaute. Son entrainement. Ses Doutes. L'impact sur son entourage. Et sa rivalité avec son meilleur ami Chiz (Robert Duvall). Ceci larvé entre les enjeux politiques, les luttes intestines de pouvoirs – articulé par un formidable scénario de Loring Mandel. En fait, à lire les thématiques développées, se dessinent celles de THE PLAYER, entre autres !

Robert Altman adopte une démarche narrative résolument scientifique quant à l'examen de l'humain. D'abord afin de contrer la contrainte budgétaire. Mais surtout en créant une œuvre fictionnelle humaniste, traquant les moindres fissures du personnage principal. Sûr de lui dans le premier quart, Lee devient hésitant, balbutie et butant à la fois sur son action et ses paroles face à sa femme Mickey (Joanna Moore). Un doute qui planera en permanence jusqu'au cœur de sa mission.

Les scènes de groupe sont élaborées de telle manière à ce qu'aucun dialogue ne prenne le pas sur un autre. Un habile mélange entre l'écriture cinématographique et la semi-improvisation. Lorsque des personnages conversent au premier plan, ce sont surtout les deux autres en arrière-plan qui discutent à voix basse qui attirent l'attention (voir la 1e scène de la conférence de presse, ou encore celle de la fête, à la 18ème minute). Chacun se coupe la parole, bégaye, aucune phrase ne se termine. Une méthode que Robert Altman amplifiera par la suite, qu'il s'agisse de BEYOND THERAPY ou de son raté PRET–A-PORTER. Comme l'indique d'ailleurs Geneviève Page dans son interview du DVD français de BEYOND THERAPY «Altman aime le bordel (…) c'est un voyeur». Les scènes de groupe où les humains se télescopent sans jamais s'écouter sont ainsi devenues monnaie courante chez le réalisateur.

La mise en scène est au diapason, comme si parfois la caméra se désintéressait de son propre sujet. Le dialogue sur le lit entre Lee et sa femme (56ème minute) juste avant le décollage de la fusée se solde par un long travelling depuis leur visage, le long de leurs corps puis se terminant dans le vide de la pièce. Comme si Lee et Mickey n'existaient plus. Très curieux choix. Un manque de sollicitude au genre et aux personnages qui apparaissent par instants désincarnés.

LES NAUFRAGES DE L'ESPACE ou encore DANGER PLANETE INCONNUE célèbrent l'héroïsme de l'homme dans une situation extraordinaire. COUNTDOWN glorifie la banalisation de l'aventure humaine dans un tel contexte. Le film dénature la rêve américain de grandeur et de réussite en maintenant jusqu'au bout une certaine ambiguïté. Une démarche que Robert Altman emploiera souvent par la suite, dans BUFFALO BILL ET LES INDIENS, entre autres. Une démystification de l'idéal spatial propre à John Kennedy mêlé de démythification des rites et du rapport au héros. Il en va de même avec la perception de la science-fiction. Il y a bien les vaisseaux spatiaux, les décors, les costumes… mais le film se centre sur une réalité propre à 1967, le tournage sur les lieux mêmes de Cap Kennedy ou Houston se couple à l'aventure de Lee. Là aussi, la caméra démonte le rêve science-fictionnel du spectateur. Le meilleur exemple demeure la séance d'entrainement en apesanteur où les subterfuges remplacent l'action. Ceci se poursuit au moment de la mission où Robert Altman ne montre que l'intérieur de la capsule, l'image rivée sur le visage de James Caan captant l'interrogation, le désarroi, la peur. Jamais une caméra n'avait capté ce sentiment de solitude face à un espace infini – mais réduit à une navette spatiale supposée élargir l'espace de compréhension. Ce paradoxe ne sera pas élucidé avec un plan final en trompe l'œil.

Les amateurs de maquettes pop en seront pour leurs frais. Car le but des auteurs ne révèle pas une propension à aligner les séquences à effets spéciaux. Ceux-ci n'interviennent que sur les dix dernières minutes du film. On passera allègrement sur la représentation aléatoire et fausse de l'atmosphère lunaire. Le reste n'est qu'artifice (génial) de mise en scène. Un moyen habile d'éviter un surcoût qu'on aurait imaginé phénoménal à l'égard de l'ampleur du sujet. Mais également un brillant exercice de metteur en scène qui ne trahit jamais sa ligne directrice. Comme montrer un aveuglement du soleil sans jamais voir l'astre de lumière lui-même. Déjà, en 1967, Altman en connaissait un rayon.

Pour le point d'histoire, le film est entré en production en septembre 1966 à un moment où l'homme n'a pas encore marché sur la lune et anticipant, au passage, les problèmes d'Apollo 13 mais donnant surtout une impulsion nouvelle à la science-fiction américaine de par son regard si particulier. Il s'agit de William Conrad qui est crédité comme producteur exécutif pour le compte de la Warner. Connu surtout pour être le héros de la série CANNON, LA LOI EST LA LOI ou encore L'HOMME A L'ORCHIDEE, il a réalisé pour la Warner quelques films de genre non dénués d'intérêt : UNE GUILLOTINE POUR DEUX ou encore l'intéressant BRAINSTORM en 1965. Les plus curieux reconnaitront sa voix lors du commentaire télé couvrant l'événement dépeint dans le film. Enfin, COUNTDOWN est sorti coincé entre LA PLANETE DES SINGES et 2001, L'ODYSSEE DE L'ESPACE, ceci expliquant en grande partie sa chute dans l'oubli général et qu'il soit demeuré inédit en France depuis près de 45 ans.

Le film est sorti aux Etats-Unis dans la collection Warner Archive, donc du DVD à la demande au contenu rachitique. Le disque présente une copie qui offre néanmoins le respect du format original, 2.35:1 (COUNTDOWN a été tourné en Panavision), et d'un transfert 16/9ème d'une tenue globalement satisfaisante et d'une durée complète de 101 minutes et 21 secondes. La vision du film a été effectué via un lecteur Blu-ray OPPO BDP 83 et donc a bénéficié d'un "upscaling" qui donne ici de bons résultats. Des couleurs éclatantes notamment dans la scène de fête dès la 17ème minute aux costumes élaborés spécialement pour faire exploser l'ambiance pop à l'écran. Hélas, on notera des effets de peigne dès les premières secondes du générique et de manière régulière dès l'apparition d'un travelling latéral. La compression reste généralement de bonne tenue mais il ne faut pas s'attendre à un miracle. Les gros plans révèlent des détails intéressants notamment lors des séquences où James Caan se trouve dans l'espace. Aucune griffure ni de rayures apparentes. A moins de vouloir chercher la petite bête : on la trouve, comme le signal de changement de bobine à 59 minutes et 57 secondes. Idem pour la bande sonore anglaise en mono, codée sur deux canaux. Clairs, les dialogues sont facilement audibles et la partition musicale de Leonard Rosenman (dont on sent les accents qui émailleront PROPHECY : LE MONSTRE douze ans après) transparait de manière évidente, sans distorsion ni souffle. On se prend à rêver d ‘une édition Blu Ray avec de la HD native qui rendrait hommage au magnifique travail sur la lumière, les couleurs et les décors… c'est beau, de rêver. Enfin, aucun sous-titre en vue.

Comme tous les films de la collection Warner Archive, le menu est minimal et identique aux autres. Une pré-bande-annonce de films de collection et un menu fixe avec un choix de lancer le film ou d'accéder au film annonce. Aucun menu d'accès par chapitre même s'il y en a un de défini toutes les dix minutes. Et le film annonce d'époque s'avère le seul bonus de disponible. Et pour les amateurs non anglophones, la seule solution demeure d'apprendre enfin la langue de Shakespeare, passeport obligatoire aujourd'hui pour la découverte de ce COUNTDOWN… et nombre de métrages fabuleux inédits en France.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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L'édition vidéo
COUNTDOWN DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Support
DVD (Simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h41
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Aucun
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