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Critique du film
FRACTURE 2010

 

Paul est un homme qui a tout réussi dans sa vie. Il est marié à une superbe femme, père d'une adorable petite fille et sa situation financière est très confortable. Pourtant, quelque chose dissonne dans sa vie. Quelque chose de diffus, de latent, de malsain. Tandis que la petite famille passe un dimanche d'été au bord de la piscine, Paul se sent oppressé par un mal être sans réponse.

Produit par "De Films en Aiguille", FRACTURE est la première expérience de mise en scène de Nicolas Sarkissian. Un nom qui ne vous est peut-être pas inconnu car l'homme est monteur de profession. Après avoir travaillé sur moult documentaires ou encore bonus DVD que nous avons chroniqués ici même au fil des années (comme l'excellent making of de KILLING ZOE de Roger Avary par exemple), après avoir assemblé nombre de courts-métrages (donc beaucoup de genre), Sarkissian passe au long-métrage en 2006 en signant le montage de ILS de David Moreau et Xavier Palud. Il travaillera par la suite sur EDEN LOG de Franck Vestiel puis sur les récents DJINNS de Hugues et Sandra Martin et PROIE de Antoine Blossier. Pour son premier film en tant que réalisateur, Nicolas Sarkissian propose avec FRACTURE un film fort et déstabilisant, ce que ne manquera pas de remarquer le Festival de Cannes qui sélectionne le film à la Semaine de la Critique.

Bien que son travail de monteur l'ait souvent amené vers les chemins du genre pur et dur, Nicolas Sarkissian offre avec FRACTURE un film qui prend radicalement ses distances avec les codes et les étiquettes. Il préfère s'inspirer très librement de l'univers de l'écrivain Hubert Selby Jr pour nous faire partager la journée d'un père de famille qui va soudainement se retourner contre sa propre famille, sans raison apparente. Une histoire choquante et incompréhensible, mais qui se réalise pourtant régulièrement dans les pages des faits-divers. De par son titre, FRACTURE nous donne immédiatement une avance sur le drame qui va bientôt se jouer dans cette famille qui a tout pour être heureuse. Le but du métrage est de jouer sur la langueur d'un quotidien idéal contaminé de l'intérieur par un mal invisible et écrasant. Nous suivons les moindres pas de Paul dans les méandres dépressifs de cette journée écrasée par la chaleur, des premiers plans du film le montrant nager dans une piscine à l'estomaquant plan final qui restera à jamais gravé dans les mémoires des spectateurs.

FRACTURE pourrait être un film démonstratif. Nicolas Sarkissian choisit pourtant de filmer l'insidu, l'impalpable. Les éléments d'un malaise insondable mais qui perce furtivement le quotidien, lors d'un repas ou encore d'une poussée de balançoire. Bien que bercées par le soleil d'été, les images de FRACTURE génèrent paradoxalement une grande froideur. Une froideur accentuée par des cadres précis mettant en exergue les lignes droites et une palette de couleurs qui s'uniformisent dans la clarté. Les séquences deviennent dès lors de plus en plus anxiogènes sans que nous puissions clairement en déterminer les causes et les conséquences. Porté par un casting impeccable, le piège de FRACTURE se referme chaque seconde un peu plus sur le spectateur. Fidèle à l'élégance de sa mise en scène, Nicolas Sarkissian ne cède jamais à la représentation de la violence physique ou morale. Il déroule la chronique d'une horreur annoncée, présentant sans jugement des personnages prisonniers d'une vie engendrant la claustrophobie via une mise en scène d'une maturité et d'une précision étonnante pour un premier film. A l'issue du fameux plan final, une sorte de cri sourd exécuté de la plus choquante des façons, nous ressortons de FRACTURE perturbés par ce voyage dans les eaux troubles du refoulement. Nicolas Sarkissian a signé avec ce film coup d'essai un coup de maître. Une promesse intelligente et radicale qui donne le coup d'envoi d'un vrai regard de cinéaste.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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