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Critique du film
OUTCAST 2010

 

Mary (Kate Dickie) et Fergal (Niall Bruton) sont mère et fils poursuivis par deux mystérieux tueurs (James Nesbitt et Ciaran McMenamin) aux curieux pouvoirs à base de tatouages dorsaux et rituels sauvages. Grâce à des rites ancestraux, elle protège leur fuite dans des appartements sans âme en pleine banlieue écossaise. En parallèle, Fergal se lie secrètement avec la jeune Petronella (Hanna Stanbridge), tout en constatant qu'une créature s'attaque aux locaux.

OUTCAST est un film qui tente de sortir des normes fixées. En résumé, on pourra y voir un croisement irlando-écossais entre un film de Ken Loach, le ton âpre et noir des oeuvres d'Hanif Kureishi, l'influence celte et le genre horrifique. Mais cela demeure encore assez réducteur, tout en lui conférant déjà un statut à part.

Le scénario distille peu d'informations sur les origines des pouvoirs de Mary et la raison pour laquelle Cathal le chasseur (un James Nesbitt halluciné) cherche à l'éliminer. La première scène montre Cathal se faire tatouer le dos dans une caravane au milieu du camp abandonné d'un groupe de nomades. Puis nous assistons à l'élaboration d'un rite ancestral à base de dessins mystiques et automutilation supposés créer un mur invisible empêchant de localiser la présence de Mary et Fergal à leurs poursuivants. Des sacrifices d'oiseaux dont les entrailles versées à terre donnent la direction à suivre... Du découpage de peau de cou comme matière première à même de faire parler un mort… Entre mythologies et folklores irlandais et écossais, le film réussit à élaborer un bestiaire et des règles mystico-fantastiques bien à lui. Le tout dans un quotidien fortement ancré d'une réalité ouvrière blafarde. Une banlieue sans nom aux immeubles blêmes, à la violence adolescente qui devient le théâtre d'un affrontement millénaire ou ni la notion de bien ou de mal ne semble se dessiner.

Le réalisateur effectue les choix narratif, visuel et artistique de ne jamais sombrer dans une dimension calibrée de quelque genre que ce soit quant aux thèmes développés. Pas de bimbos, pas de jeunes acteurs-mannequins ne sachant pas jouer, pas de campus, pas d'effets-trouille faciles, pas de banlieue proprette. Colm McCarthy demeure au niveau d'une sale réalité et d'une ambiance parfois crasse. Il va ainsi développer un mélange amer entre une pauvreté sociale morne et brutale, l'exploitation de la femme et de la progéniture puis d'une mythologie monstrueuse. Cela donne un film bancal, malaisé mais toujours sincère.

Côté scénario, le spectateur se voit offrir une richesse thématique inattendue. La sexualité bourgeonnante de Fergal vient contrebalancer sa vie faite d'interdits, d'enfermements et de désirs refoulés. Il va se heurter par ailleurs à la dure domination masculine séculaire que subit sa mère depuis des années. Celle-ci lui interdisant de se lier avec toute personne du sexe opposé. Son insécurité sentimentale va ainsi le pousser à se rapprocher de Petronella, sa voisine. Leur histoire d'amour naissante va ainsi précipiter leur destin et devenir le moteur du récit.

A ce moment, le scénario et la mise en scène vont égrener les éléments de réponse, tout en ponctuant la narration des attaques nocturnes de la créature (les 2 mètres 16 de Ian Whyte, précédemment en créature dans ALIENS VS PREDATOR REQUIEM et dans SOLOMON KANE). Créature qui s'attaque par ailleurs aux personnes tentant de s'interposer entre le couple mère / fils et leurs voisins. Peu d'effets sanglants dans le métrage mais quelques débordements gore efficaces dans le dernier tiers qui laissent toujours le film dans un domaine glauque et désespéré. Le réalisateur possède par ailleurs l'intelligence de ne dévoiler complètement la créature qu'en toute fin de métrage. Ceci via une ingénieuse scène d'amour entre les deux adolescents que la créature va venir troubler. Ce qui donne au passage une nouvelle direction au récit et au mystère qui entoure l'ensemble des rituels évoqués. Même si de par la structure narrative, le final fait basculer quelque peu OUTCAST vers un film de loup-garou.

OUTCAST active l'imaginaire. En plus de sa caractéristique horrifique aux forts accents légendaires, le film renouvelle le point de vue sur l'irruption du fantastique dans le réel. Son adjuvant sociologique sonne comme le vrai sujet du film, débarrassé de ses oripeaux fantasmagoriques. Trouver sa place au sein d'une société qui ignore la différence, chercher ses repères lorsqu'on est «différent», même au sein de sa propre minorité. Savoir accepter sa nature et à défaut tenter de s'intégrer : le parcours exténuant de Mary afin de s'affranchir des excès de la domination masculine tout en préservant son fils relève non seulement du fantastique mais également d'un constat du quotidien dans notre société. Dans la tourmente de la contestation des préjugés, au risque d'y perdre son intégrité, le choix de Mary se révèle douloureux : perdre son fils ou se perdre elle-même.

Malgré ses défauts de rythme aux deux tiers, sa surabondance de sujets et de personnages parfois peu nécessaire à l'histoire, OUTCAST possède les qualités de films avec des intrigues à tiroir comme MY BEAUTIFUL LAUNDRETTE ou encore SAMMY ET ROSIE S'ENVOIENT EN L'AIR qui manient avec dextérité une multitude de sujets à connotation sociale. L'essai n'est peut-être pas complètement réussi. L'aspect dépressif des héros et des situations pourra en rebuter certain(e)s. Le visuel grisâtre du quotidien ouvrier écossais n'est pas non plus un franc atout pour le succès d'un film de genre. OUTCAST aura ainsi un peu de mal à s'imposer auprès des les amateurs de drame social ou de fans de films d'horreur. Toutefois, un brin de curiosité de toute part saura faire découvrir une œuvre différente et intéressante à plus d'un titre.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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