Header Critique : SKJULT (HIDDEN)

Critique du film
SKJULT 2009

HIDDEN 

Après MANHUNT, COLD PREY ou DEAD SNOW, la Norvège continue son exploration de thèmes fantastiques. Et voici la livraison de SKJULT (ou HIDDEN pour son titre d'exportation international) présenté lors du Marché du film de Cannes 2009. Où cette fois-ci le cinéma nordique s'aventure sur le terrain du film de terreur psychologique mâtinée de Fantastique.

Kai Koss (Kristoffer Joner, vu récemment dans NABOER) revient malgré lui dans la petite ville qu'il a fui 19 ans auparavant. Devant régler une succession, il se trouve pris au piège d'une présence inexplicable qui semble ressurgir du passé. Peut-être en rapport avec la cruauté de sa mère qui l'enfermait dans une pièce secrète et d'un jeune garçon qui a perdu ses parents dans un accident… et dont leurs trajectoires se croisèrent au moment où il s'échappait de sa prison ?

Les différentes publicités présentes annoncent la couleur «Peut-être le film norvégien le plus effrayant à ce jour». Peut-être ? En tous cas, pour les standards actuels de l'effroi, SKJULT ne parvient que peu à déclencher le trouillomètre. Ce qui ne l'empêche pas de posséder quelques qualités qui le met à part dans la production Fantastique actuelle. Mais le caractère éminemment soigné de la production est freiné par sa propre complexité, ce qui par ricochet le rend trop déroutant pour être effrayant.

Les éléments de décors et de la narration ne sortent pas vraiment des sentiers battus. Qu'il s'agisse de la forêt primitive et des sous bois mystérieux, (rappelant VILLMARK, le précédent film Fantastique du réalisateur), de la personnalité borderline du héros, du secret à percer ou de la maison hantée. SKJULT se trouve à ce moment à quelques encablures de THE SHINING… Pourtant, le scénario amorce un point de vue intéressant, à savoir l'influence des contes de fées (H.C. Andersen par exemple) pour l'histoire terrible du gamin enfermé par sa mère et qui s'échappe en creusant un tunnel. Au début du film, un enfant assiste à la mort de ses parents au bord d'une route en pleine forêt, puis assiste à la poursuite d'un autre enfant en sous bois par une ombre. L'autre enfant (Kai Koss) semble s'échapper tandis que l'autre est fait prisonnier par l'ombre, victime de substitution. La suite est beaucoup plus nébuleuse, tant le suspense du film se focalise sur l'éventualité de la double personnalité de Kai Koss (ou son Doppelganger) contre le fantôme du jeune garçon. L'ombre de Bruno Bettelheim plane allègrement sur le métrage avec ses réminiscences de sorcière, d'ogresse et de psychose enfantine.

Constante dans le cinéma nordique, le rapport problématique au passé (fantasmé ou non) qui continue à hanter les mémoires. Qu'il s'agisse des nazis dans DEAD SNOW, du monstre de COLD PREY, du tueur de JAR CITY ou du fantôme de DUGGHOLUFOLKIÐ, le passé enfoui finit par exploser à la figure des principaux protagonistes. Lorsque Kai Koss revient sur les lieux de son traumatisme enfantin, non seulement sa raison vacille mais les locaux n'apprécient guère son retour. Et ils le lui font savoir de manière brutale. Avoir disparu brusquement à la vue d'un événement tragique, les suspicions vont bon train et font de lui un coupable idéal lorsque des jeunes campeurs disparaissent au moment où il réapparaît.

Le plus rebutant pour le spectateur aguerri sera le rythme et la progression dramatique délibérément lentes. Pål Øie en profite pour réaliser des compositions de plans parfois magnifiques : les paysages norvégiens se prêtent à merveille aux tentatives de peurs extérieures, le tout dans un format Scope judicieusement choisi et utilisé. Les scènes au bord de la cascade demeurent en la matière parmi les plus réussies du film. D'un autre côté, certains plans d'intérieur (l'hôtel et la fameuse pièce où l'enfant était enfermé) introduisent un malaise palpable de par l'attente créée. La chambre en trompe-l'œil, l'intrusion d'éléments surnaturels (ou non), l'atmosphère de suspicion sont décrits avec minutie et le réalisateur s'ingénie à mélanger les thématiques visuelles et sonores avec brio. La photographie naturelle et délicate de Sjur Aarthun aide grandement cette nature.

Le souci reste que le suspense n'arrive jamais à un point de rupture, si bien que le scénario demeure trop obscur pour parvenir à ses fins. Le spectateur ne ressent pas réellement de peur à proprement parler, au mieux une déstabilisation et/ou un questionnement sur la nature du mal en présence. Quelques éléments sont par ailleurs laissés volontairement inexpliqués, ce qui enragera les amateurs du prédigéré hollywoodien et du facilement compréhensible. Ce qui n'empêche pas le spectateur dans le dernier quart de se trouver confronté à des rebondissements sans réelle surprise et occasionnant peu de tension.

A noter la performance de Kristoffer Joner, un des acteurs norvégiens les plus en vue, dans le rôle du héros, qui vire parfois au tout de force. Quelques dialogues abrasifs couplés à une fragilité et une instabilité en constant équilibre font de ce comédien un atout majeur dans le sentiment de perdition qu'offre le film.

Au final, SKJULT offre plus que ses confrères norvégiens vus récemment. Il ne s'agit pas simplement d'une simple illustration ou d'un démarquage local d'un genre précis et balisé. Le film de Pål Øie s'aventure dans un univers bien à lui, tentant de jouer avec les nerfs des spectateurs souhaitant l‘accompagner dans son cauchemar. Le film a d'ailleurs remporté un beau succès lors de sa sortie locale le 3 avril dernier, devenant le film norvégien à ce jour ayant remporté le plus de succès en 2009. Toutefois, il est moins facile d'accès qu'un MANHUNT ou un COLD PREY. Plus hermétique plus orienté sur le thriller psychologique, il trouvera moins facilement le chemin de nos écrans ou au mieux, de nos lecteurs DVD ou Blu Ray. Et remportera beaucoup moins de suffrages de par sa nature trop complexe et sa progression arythmique.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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