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Critique du film et du DVD Zone 2
SURVEILLANCE 2008

 

Une petite ville perdue des Etats-Unis est le terrain de chasse d'un couple de serial killers. Suite à une sanglante attaque des tueurs sur une route, deux agents du FBI (Bill Pullman et Julia Ormond) viennent prêter main-forte à la police locale dépassée par les évènements. Les agents vont essayer de démêler des pistes en croisant l'interrogatoire de trois survivants : un policier, une jeune droguée et une petite fille de huit ans.

Il est à parier que SURVEILLANCE ne ferait pas autant parler de lui s'il n'était pas signé par la fille de David Lynch, et surtout s'il n'était pas signé par la fille de David Lynch après quinze ans d'absence au cinéma. Jennifer Lynch commençait pourtant à se faire à prénom après le grand succès de son Journal secret de Laura Palmer, un livre de commande surfant sur l'enthousiasme engendré par TWIN PEAKS, la série télévisée créee par son père et Mark Frost. Jennifer passe pour la première fois à la réalisation avec le sulfureux BOXING HELENA en 1993. Echec aussi bien public qu'artistique, sujet de scandale pour les groupes féministes, BOXING HELENA fait aussi parler de lui pour son retentissant procès qui l'oppose à l'actrice Kim Basinger qui se désista du film à quatre semaines du tournage. Un épisode douloureux pour Jennifer Lynch qui se retire du monde du cinéma peu après. Produit (entre autres) par Lynch senior, SURVEILLANCE sonne donc comme un come-back en grande pompe : le film est sélectionné au festival de Cannes, certes hors compétition.

Nous vous avions déjà parlé de SURVEILLANCE après sa projection cannoise à laquelle nous avions assisté. Sa sortie en DVD nous donne l'occasion de revoir le film à tête reposée et de minorer également notre enthousiasme face à sa découverte. Dans sa note d'intention, Jennifer Lynch nous prévient : elle désire mettre en scène un thriller classique, mais qui se montrerait perverti par le regard cru qu'elle porte sur l'être humain. Si la première version du scénario de Kent Harper parle de sorcières, Lynch revient à la recette volontairement rabattue du tueur masqué. L'identité des meurtriers sera révélée au terme d'un jeu de points de vue où s'entrecroisent le récit des trois survivants d'une même agression, via une mécanique narrative que les auteurs disent héritée de RASHOMON d'Akira Kurosawa. Objectivement, la narration de SURVEILLANCE ne possède pas une seule seconde la complexité du film de Kurosawa où une même séquence nous était contée sous plusieurs points de vue radicalement différents, laissant au spectateur le soin de faire le «tri» (donc le montage) de la vérité dans sa tête. Dans SURVEILLANCE, la scène de l'attaque sur la route nous est racontée (quasi) linéairement par trois personnages, leurs éventuels mensonges étant immédiatement invalidés par le point de vue du film (et donc de la réalisatrice) qui nous donne à voir la scène telle qu'elle s'est déroulée. Des ambiguïtés ? Il y en aura donc peu dans cette reconstruction par «relais» tout ce qu'il y a de plus classique, où l'œil du spectateur possède dès le départ la toute puissance de la vérité.

Pour donner un peu de piment à son histoire, Jennifer Lynch nous brosse une galerie de personnages aux attitudes franchement décalées. En ligne de mire, les policiers de cette petite ville perdue (comme un Michael Ironside loin de ses prestations «hard boiled»). Ou bien ce sont de doux illuminés suite aux longues heures passées dans les bureaux du commissariat, ou bien des tarés en puissance. En effet, le policier interrogé par le FBI avoue tirer volontairement sur les pneus des automobilistes égarés pour ensuite les interpeller sadiquement dans un jeu malsain et révoltant flattant sa position de force. Sans le savoir, le policier devient de ce fait un excellent complice des tueurs, ces derniers passant derrière pour assassiner les innocents en panne sur la route. Habile quand il s'agit de montrer l'absence de construction morale d'une fillette face au carnage de sa famille, dérangeant quand il s'agit d'insister lourdement sur l'odieux comportement du flic pourri, Jennifer Lynch a cependant beaucoup de mal à se défaire de l'inspiration écrasante de son père tout au long de son film. Le décalage entre le FBI et une police de campagne, les interminables routes du désert américain (reconstituées en l'occurrence au Canada), les motels miteux, les visions «oniriques» des meurtriers en pleine furie, une scène lesbienne entre blonde et brune, les longs délires musclés sur le respect du code de la route… Un sentiment de déjà vu des œuvres de Lynch senior nous étreint régulièrement tout au long de SURVEILLANCE. Ceci n'est pas aidé par le choix des deux comédiens principaux : une Julia Ormond sortant tout juste de INLAND EMPIRE et un Bill Pullman dont la fiévreuse performance dans LOST HIGHWAY fait toujours date.

Il est difficile de parler plus profondément de SURVEILLANCE tant le film repose sur un changement de direction, on n'ose pas parler de «twist», lors de sa dernière demi-heure. Un changement de cap qui met plus que jamais le film sur les rails d'un dérèglement entrelaçant violence et sexualité. Très prévisible, ce clivage a pourtant le mérite de pousser la folie du film au maximum, à commencer par les comédiens qui se rendront coupables de performance pour le moins «autre». On peut tout à fait prendre un plaisir étrange à suivre ce SURVEILLANCE, en équilibre constant entre thriller glauque et humour morbide. Il décevra par contre tout spectateur ayant pris les intentions de Jennifer Lynch un peu trop à la lettre et qui attendent un film «cerveau» prompt à les déranger de manière inattendue. SURVEILLANCE n'est qu'un amusant petit film branque. Idéal pour passer un bon moment, mais un peu trop fragile pour annoncer en grande pompe la résurrection d'une (grande) réalisatrice oubliée.

SURVEILLANCE est édité chez nous via un disque de qualité. Techniquement, tout est parfait. L'image reconstitue admirablement la photographie granuleuse et parfois très saturée du film. Les effets sonores, pas toujours très fins d'ailleurs, sont quant à eux bien présents dans les différents canaux pour mettre la pression sur le spectateur. Agréable surprise pour les amateurs de version originale, le DTS favorise pour une fois la piste anglaise au lieu du doublage français.

Les bonus sont intéressants même s'ils ont parfois un goût de trop peu. En lieu et place d'un classique making-of, l'éditeur a la très bonne idée de nous offrir un reportage mixant images de tournage et la conférence de presse donné par Jennifer Lynch et ses comédiens à Cannes. Cet excellent mélange renouvelle intelligemment la manière de parler d'un film, même si sa courte durée ne permet pas d'approfondir un peu plus les choses. Dans la série «chutes de montage», nous avons le droit à une scène coupée d'attaque par le couple de tueurs masqués ainsi qu'aux «rushes» d'une étrange scène d'amour pour le moins crémeuse… Dernier document d'importance, une fin alternative nous est proposée. Complètement différente, beaucoup plus consensuelle dans sa conclusion, cette fin a été tournée pour rassurer David Lynch producteur qui s'inquiétait de la dureté du final. Après un bras de fer générationnel, c'est bel et bien la fin originale qui est incluse dans le film. La section s'achève avec une galerie de photos et des bandes-annonces.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
48 ans
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287 critiques Film & Vidéo
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Un thriller étrange
Des performances de comédiens surréalistes
On n'aime pas
Des intentions qui cachent mal un classicisme balisé
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L'édition vidéo
SURVEILLANCE DVD Zone 2 (France)
Editeur
Wild Side
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h34
Image
2.35 (16/9)
Audio
English DTS 5.1
English Dolby Digital Stéréo Surround
Francais Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Jennifer Lynch sous surveillance (15mn)
    • Fin alternative (5mn58)
      • Scènes coupées
      • Latex Love (5mn13)
      • L’attaque de Keith et Tina (0mn50)
    • Galerie photos
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