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Critique du film et du DVD Zone 2
TRAUMA 1993

 

Après le film à sketches DEUX YEUX MALÉFIQUES, pour lequel il réalise l'épisode LE CHAT NOIR, Dario Argento tourne à nouveau aux USA, avec TRAUMA. Ce scénario se base sur une de ses histoires originales (il a notamment l'idée d'un thriller tournant autour d'une jeune fille anorexique), complétée par deux scénaristes italiens : Franco Ferrini (fidèle collaborateur de Dario depuis PHENOMENA) et Gianni Romoli (qui vient de rédiger le script de THE SECT (titre vidéo), une réalisation de Michele Soavi, produite par Dario). Pour écrire le scénario définitif, Argento remet tout ce travail à plat en se faisant aider par l'écrivain américain T.E.D. Klein.

Le réalisateur envisage de tourner TRAUMA à Pittsburgh, où a été filmé DEUX YEUX MALÉFIQUES, mais il se replie finalement sur Minneapolis, une autre ville du Nord des USA. Il obtient un modeste budget de sept millions de dollars, en établissant un financement partagé entre des partenaires italiens et américains. Ces derniers lui imposent de travailler avec le compositeur Pino Donaggio (célèbre pour les belles partitions qu'il a signées pour Brian De Palma, et qui avait déjà écrit la musique de DEUX YEUX MALÉFIQUES). Argento aurait mieux aimé travailler avec son fidèle Claudio Simonetti. Pour les effets spéciaux sanglants, c'est à nouveau un autre membre de l'équipe du CHAT NOIR qui est employé : et pas des moindres, puisqu'il s'agit du légendaire maquilleur Tom Savini, le roi du gore américain des années 1970-1980. C'est par contre la première fois que Dario dirige sa fille Asia qui, depuis une apparition dans DÉMONS 2 et son premier vrai rôle dans SANCTUAIRE (titre vidéo), menait une carrière de jeune actrice assez bien remplie. Pour les seconds rôles, il obtient quelques comédiens marquants, comme Piper Laurie (CARRIE...), Brad Dourif (L'EXORCISTE, LA SUITE...) ou Frederic Forrest (APOCALYPSE NOW...). Par contre, il peine à trouver un jeune premier convaincant. Il envisage des comédiens assez connus, mais ils déclinent son offre, et il se rabat finalement sur Christopher Rydell.

David, dessinateur de presse, recueille Aura, une jeune anorexique qui semblait sur le point de se jeter dans les eaux du Mississipi. Rapidement récupérée par la police, elle est ramenée à ses parents, deux émigrés roumains. Sa mère, Adriana, est, par ailleurs, une médium réputée. Suite à une séance de spiritisme qui tourne mal, cette dernière s'enfuit dans les bois, où elle est rejointe par son mari. Aura les poursuit, mais elle arrive trop tard : ils sont assassinés sous ses yeux ! L'adolescente a juste le temps de voir le tueur brandir leurs deux têtes décapitées ! Aura rejoint alors David. Ils vont tenter de démêler cette mystérieuse affaire, apparemment liée à d'autres cas criminels...

A partir de PHENOMENA, Argento, reprenant certaines idées établies dans son INFERNO, a mis au point un cinéma unique, n'appartenant qu'à lui, dans lequel il mêle influences policières, fantastiques et horrifiques sans souci de réelle cohérence stylistique. Il sacrifie dès lors la narration traditionnelle à des rebondissements délirants, dictés plutôt par son intuition poétique de cinéaste que par une quelconque logique dramatique. Cette approche onirique n'est pas du goût de tous, et PHENOMENA est accueilli tièdement, tandis que son film-cauchemar le plus fou et le plus onéreux, TERREUR A L'OPÉRA (titre vidéo), lui est renvoyé à la figure par la critique internationale. Suite à cet échec et à divers problèmes personnels, il choisit l'exil et va réaliser aux USA l'épisode LE CHAT NOIR de DEUX YEUX MALÉFIQUES, toujours dans un style faisant la part belle à ses délires les plus personnels. Il lui est alors beaucoup reproché de s'être éloigné de ses giallos des années 1970, et particulièrement des FRISSONS DE L'ANGOISSE. Il opère alors un virage à 180 degrés et s'attelle à la réalisation d'un nouveau film policier, qu'il annonce comme le prolongement modernisé de ce titre. Ce sera TRAUMA.

TRAUMA a donc de nombreux points communs avec LES FRISSONS DE L'ANGOISSE. Ainsi, l'esprit de la victime d'un serial killer se manifeste au cours d'une séance de spiritisme, et proclame que le tueur est dans la salle. Puis, la médium ayant convoqué le défunt est rapidement assassinée sous les yeux d'un témoin (Aura). D'autres éléments typiques de l'univers d'Argento sont bien sûr de mise. Ainsi, le héros exerçant une profession artistique (dessinateur, en l'occurrence) et la jeune adolescente confrontée à un environnement impitoyable, deux personnages-types de ses films, sont ici réunis, et vont mener l'enquête de concert. Certaines ficelles du récit policier vu par Argento sont bien présentes, et renvoient à certains de ses classiques, comme L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL. Enfin, à de nombreuses occasions, Argento fait des clins d'œil à son public : les décapitations renvoient à la mort de Clara Calamai dans LES FRISSONS DE L'ANGOISSE, mais aussi à QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS, dans lequel cette forme de mort vire à l'obsession ; un lézard happant un papillon rappelle INFERNO ; le parcours sinueux de la caméra parmi des figurines en papier évoque les jouets mystérieux des FRISSONS DE L'ANGOISSE...

Adieu, donc, aux rebondissements apocalyptiques de TERREUR A L'OPÉRA, car TRAUMA peut se prévaloir d'un récit policier globalement cohérent et d'une facture tout à fait honnête. Ce film est pourtant peu captivant. Le plus gros manque, si on le compare aux précédents thrillers de son réalisateur, est sans doute l'absence de séquences-chocs significatives. Il s'agit en effet de l'œuvre la moins effrayante de son auteur : même sa comédie historique CINQ JOURS DE RÉVOLUTION (titre vidéo) s'avère plus violente ! Argento s'essaie à l'épouvante suggérée (plans très court, travail sur la bande-son...), mais rien n'y fait, les scènes de meurtres, pourtant nombreuses, laissent indifférent. Enfin, Argento ne semble pas se passionner pour son intrigue qui tend à patiner méchamment à partir de son milieu.

Là où il marque des points, par contre, c'est dans les portraits de ses deux personnages principaux : David et Aura. La description et l'explication de l'anorexie de cette dernière semble lui avoir particulièrement tenu à cœur (sans doute plus que le récit criminel), ce qui n'étonne guère quand on sait qu'une adolescente de sa famille a souffert de ce mal. Et les liens qu'Aura noue avec David, des liens plus fraternels qu'amoureux, sont vraiment touchants.

Enfin, si TRAUMA est sans doute la réalisation la plus "calme" de son metteur en scène, elle ne manque pourtant ni d'élégance, ni de finesse (belle combinaison de format scope et de steadicam, notamment). Argento ménage, comme toujours, des moments d'invention insolites (plan subjectif adoptant le point de vue d'un papillon en plein vol, énigmatique plan final tourné à la Louma...) et des touches d'humour noir assez cocasses.

TRAUMA nous révèle donc un Dario Argento différent. Apparemment apaisé, il semble plus enclin à compatir à la souffrance d'une jeune fille se heurtant à la dureté de la réalité, qu'à se complaire dans l'épouvante sanglante. Malheureusement, faute de scènes vraiment impressionnantes et d'un récit suffisamment rythmé, ce renouvellement n'est qu'à moitié convaincant, et laisse sur une impression mitigée. Par la suite Argento va tenter de faire un nouveau film aux USA, traitant encore d'un trouble psychologique grave : LE SYNDROME DE STENDHAL. Mais l'élaboration de cette production américaine échouera, et il devra revenir en Italie pour le tourner, à nouveau avec Asia Argento.

A l'occasion de sa sortie, TRAUMA ne sera pas véritablement mieux accueilli que TERREUR A L'OPÉRA et DEUX YEUX MALÉFIQUES. Il est donc distribué, à travers le monde, dans une certaine indifférence. En France, il est à peine montré, dans quelques salles, avec une extrême discrétion (la presse de cinéma fantastique ne relaie même pas sa distribution très confidentielle, mais on peut en trouver des traces dans d'autres journaux, comme "Télérama", qui lui consacre une critique).

TRAUMA a déjà connu plusieurs éditions à travers le monde, notamment en Grande-Bretagne ou en Italie, mais elles ont toujours été considérées comme relativement décevantes. Un des principaux problèmes posés par ce titre est que, comme PHENOMENA et LE SYNDROME DE STENDHAL, il a été distribué en Italie dans un montage légèrement plus long (de six minutes, en l'espèce) que dans le reste du monde. On ne peut pas vraiment parler d'un Director's Cut à ce sujet : il s'agit plutôt d'une version alternative. Ce montage n'a été doublé qu'en Italie, et il est proposé sur le DVD italien de ce titre, DVD qui, hélas, ne propose pas de sous-titres anglais ou français.

Or, le nouveau DVD français, sorti chez Metropolitan, n'offre, lui, que la version internationale de 106 minutes. Si ce choix est compréhensible (cela permet de conserver la version originale de la bande-son, en anglais), peut-être les scènes supplémentaires auraient-elles pu être proposées dans la section bonus du DVD ? Ce n'est hélas pas le cas.

Le film est présenté dans son format 2.35 d'origine (avec option 16/9), avec un assez beau télécinéma. On repère quelques poussières par-ci par-là, des scènes agitées légèrement floues, ainsi que des passages sombres manquant légèrement de profondeur. Pour un film ayant dix ans d'âge, dont les éditions étrangères ne sont pas réputées pour leur grande qualité, et dont la distribution a été, en son temps, franchement discrète, il s'agit tout de même d'un résultat de très bonne tenue.

La bande-son est disponible en anglais ou en français (dans son médiocre doublage d'époque), en stéréo d'origine, ou dans de nouveaux remix 5.1. Le choix d'une piste en langue anglaise impose la présence d'un sous-titrage français.

La section bonus (sous-titrée) fait assez fort, puisqu'elle ne propose que des suppléments exclusifs, la plupart d'entre eux ayant été produits spécialement pour ce DVD ! On a d'abord accès à un document vidéo de onze minutes, tourné par des journalistes français dans des décors naturels de TRAUMA, deux semaines avant que son tournage ne commence. Dario et Asia Argento, ainsi que le chef-opérateur Raffele Mertes, y discutent, dans un joyeux méli-mélo de français, d'anglais et d'italien, à propos du film qu'ils préparent.

Un autre document filmé est constitué d'un entretien récent avec Asia Argento (7 minutes) au cours duquel elle lâche quelques anecdotes, en anglais et en français, au sujet de ce titre. Enfin, l'interactivité dédiée à TRAUMA prend fin avec les filmographies (soignées) de Dario et Asia.

La plus grande part des bonus est en fait dédiée à son dernier film, IL CARTAIO, déjà sorti en Italie. On trouve : un document "Autour du film" (13 minutes), intéressant et soigné, proposant des images de tournage et des entretiens avec Dario, Claudio et Fiore Argento, ainsi qu'avec l'actrice Vera Gemma et le compositeur Claudio Simonetti ; un entretien avec Simonetti (7 minutes), qui revient très rapidement sur sa carrière et expose ses projets présents et futurs ; un entretien avec Vera Gemma (4 minutes), au cours duquel elle se montre passionnée par son réalisateur.

Enfin, une section DVD-rom permet d'accéder à des interviews en format .pdf de Dario Argento et de ses collaborateurs ayant travaillé sur IL CARTAIO. Tout cela est complété par les bandes-annonces de films sortant en DVD chez Metropolitan, parmi lesquelles celle de CUBE 2.

Ce DVD français est donc, pour le moment, le plus intéressant et le plus complet dédié à TRAUMA, titre assez peu gâté par les éditeurs internationaux jusqu'à maintenant.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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Un film de Dario Argento "différent" et, donc, intéressant
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Un suspens ne fonctionnant que moyennement
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L'édition vidéo
TRAUMA DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h42
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Stéréo Surround
Francais Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Le Tournage de Trauma (11mn50)
    • Rencontre avec Asia Argento (7mn)
      • Bandes-annonces
      • Cube 2
      • Chasseurs de primes
      • Dark Blue
      • Filmographies
      • Dario Argento
      • Asia Argento
      • Il Cartaio
      • Autour du film (13mn16)
      • Interview de Claudio Simonetti (7mn50)
      • Interview de Vera Gemma (5mn12)
      • Interviews de Dario Argento, Benoît Debie, Claudio Simonetti, Claudio Argento, Sergio Stivaletti & Alessandro Bolognesi (DVD-Rom)
        Interviews parues dans "Le Technicien du film" 535
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