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Critique du film et du Blu-ray Zone 0
LA BAMBOLA DI SATANA 1969

 

Elisabeth (Erna Schürer) revient en Italie accompagnée de son fiancé Jack (Roland Carey) . Elle doit prendre possession d'un château qu'elle vient d'hériter de son oncle décédé. A son arrivée, accueillie par Carol (Lucia Bomez), la sévère gouvernante du lieu, elle est prise d'hallucinations et d'étranges rêves érotiques. Pendant ce temps, plusieurs personnages rôdent autour du château, ayant des idées bien précises sur ce qu'ils comptent y faire…

Cette «poupée de Satan» arrive en toute fin de cycle du cinéma gothique transalpin. 1969 voyait déjà poindre le Giallo qui venait de trouver en L'OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL et ses plus de 3,6 millions de spectateurs un nouveau filon à exploiter. Enfilant les quelques restes du gothique, LA BAMBOLA DI SATANA va tenter de se raccrocher au wagon du thriller à l'italienne, tout en ménageant sa monture… et y ajouter les derniers cris du film d'espionnage!

En effet, le film mixe une quantité impressionnante de thèmes ou genres de films qui ont cours à la fin des années 60. On retrouve donc un fantôme, un château lugubre où se déroule de mystérieuses machinations, une gouvernante altière, une sombre histoire d'héritage, un tueur masqué et ganté de cuir noir, de l'érotisme olé olé et même un gisement uranium! Un peu comme si le réalisateur/scénariste Ferruccio Casapinta (son unique film) s'était fixé le but de faire un « best of » de ce qui marche afin d'être sûr d'au moins taper juste quelque part. En fait, c'est à peu près manqué sur toute la ligne! Mais il s'agit surtout de la bizarrerie du produit fini qui en fait son charme premier. Il faudra au passage ignorer le signification du titre. Il y a bien une poupée, mais point de Satan ni de rapport avec une quelconque possession… bref, un titre racoleur qui n'a aucun rapport avec le film! Ce qui ajoute à son côté protéïforme et même prototype de ce que le bis italien peut effectuer en terme d'ingestion de genres et de régurgitation de produits.

En même temps… il apparait surtout que Ferruccio Casapinta n'est pas l'auteur à 100% côté réalisation. La raison de sa présence au générique en qualité de générique est que ce fut lui qui bénéficia du prêt financier pour faire le film. La mise en scène s'avère surtout le travail du directeur photo, Francesco Attenni! Si l'on omet un plan initial (et final) du chateau avec une sorte de malheureux halo rouge autour, résultat d'une effet visuel raté, le reste du film possède une facture technique des plus plaisante sur les éclairages, la photographie et les contrastes. De la philosophie du tournage à l'économie au produit fini, le bis transalpin a passé nombre de pseudos, faire-valoir et autre prête-noms. Rien d'étonnant à ce que cette production chaotique, aux personnages fantomatiques (les deux amis qui accompagnent Elisabeth ne servent à rien du tout!) possède son lot d'approximation. Et, soyons honnêtes, d'amateurisme dans la direction d'acteur ou encore la construction scénaristique. Qui plonge dans les évidences dès les premières images. Pour qui connait codes et références du gothique italien, rien de révolutionnaire : LA BAMBOLA DI SATANA se veut involontairement référentiel et d'une confusion relative. Accès de fumette sur le plateau? En tous cas, les personnes aux manettes du scénario et du montage étaient soit sous l'emprise d'une substance euphorisante soit des incapables notoires. Les premiers plans donnent en effet dans le mega-spoiler, le générique en forme de roman-photo/fumetti révèle tout le film… et la fin qui annonce les années Scoody-Doo vaut à elle seul le déplacement!

Malgré son nom à consonance teutonne, l'héroïne Erna Schürer (de son vrai nom Emma Constantino) est bien une citoyenne italienne. Comme de nombreuses consoeurs, elle a évolué dans les eaux troubles du bis en parallèle de roman-photos et de défilés de mode. Elle n'hésite pas à donner de sa personne (comprendre : se dévoiler) dès LE SALAMANDRE en 1969, pour ensuite virer dans des films beaucoup plus crus comme l'assez mauvais NUDE PER L'ASSASSINO, OBSESSIONS CHARNELLES, LES LESBIENNES de José Bénazeraf ou LES DEPORTEES DE LA SECTION SPECIALE SS. A la suite d'une récente interview, comme l'a rapporté l'historien David Del Valle, elle a notamment traité Ferruccio Casapinta de complet idiot, ne sachant pas ce qu'il faisait.

LA BAMBOLA DI SATANA se rattache principalement au sous-genre d'épouvante gothique. Ses auteurs s'inspirent très clairement de nombre de long métrages de la décade passée en termes de structures, visuel et rythme. En fait, on pourrait presque penser à un recyclage du MANOIR MAUDIT d'Antonio Boccaci avec son monstre défiguré, sa torture de la pauvre héroïne, mélange avec une très forte impulsion de l'excellent MANOIR DE LA TERREUR et sa copie LA VENGEANCE DE LADY MORGAN. Pas vraiment de risque pris sur l'aspect structurel du scénario, on est en territoire connu. Avec l'ajout de la couleur pour donner le change. Pour les complétistes, le démarrage d'un film avec l'arrivée de protagonistes à bord d'un moyen de locomotion (carriole ou voiture) est une marque de fabrique qui assure, puisque se retrouvant de manière régulière dans le cinéma de genre italien… voir avec les deux films précités ou encore EXORCISME TRAGIQUE, entre autres choix! L'autre influence majeure reste les récits policier anglais à la Agatha Christie. Le film transpire de thèmes propres à la grande dame du crime anglais : héritages, héroïne droguée, mystérieux tueur, longs diners émaillés de discussions… On y ajoutera une petite louche d'influence hitchcockienne, un peu de Roger Corman période gothique, la main du tueur gantée de cuir noir (iconographie Giallique, me voilà), un tueur fou, un monstre défiguré, des tortures, une pincée de Maurice Leblanc et de L'ILE AUX TRENTE CERCUEILSLA BAMBOLA DI SATANA met tout ce qu'elle peut dans son sac. Pas d'une grande cohérence, décousu, élaboré n'importe comment…mais assurément un peu fou, détonnant, d'une certaine beauté visuelle. Donc forcément intéressant et sortant du lot!

De manière assez surprenante, le film fait ses débuts en Blu Ray sur le label Twilight Time aux USA, tout en étant édité en Allemagne en parallèle sous le titre DER SATAN OHNE GESICHT («Satan sans visage»). Doté d'une couverture alléchante, en phase avec la titillation générale du film, il propose malgré tout une édition assez minimale en terme de contenu. La rareté du produit expliquant certainement le quasi-vide de documents d'époque présents sur la galette. Tout comme l'absence de réel suppléments intéressants.

La copie présentée par Twilight Time est en 1080p, sur un BD 50 au format 1.85:1 d'origine, couleurs et d'une durée complète de 89mn51. Un menu fixe reprenant le dessin de la jaquette, offrant un accès via 24 chapitres, le set up pour le choix des 3 options audio (film, commentaire et musique) et la section du catalogue de l'éditeur. Le tout est proposé dans un tirage limité de 3 000 exemplaires, comme à son habitude pour l'éditeur. Et sans codage régional.

Force est de reconnaître un master d'une beauté assez surprenante pour un produit au budget aussi bas, et que certains considéraient comme perdu. Excellente tenue des couleurs qui ressortent vivaces, éclatantes. Des rouges carmin des tentures aux tenues affriolantes bleue/violacées de la gouvernante (vers 14mn20) jusqu'aux vêtements multicolores de la très pop et désuète scène de jerk (vers 6mn50), un vrai régal pour les yeux! On remarque bien quelques poussières blanches ça et là, comme des griffures (à la 18mn, p.ex) mais la qualité de la définition l'emporte. Des gros plans saisissants dans le niveau de détail - voir les chevelures et les visages radieux et précis d'Erna Schürer et de Lucia Bomez, Une image stable, des teints de peaux naturels allié à un piqué d'image respectant le grain initial (visible surtout lors de scènes extérieures), tout en minimisant le bruit visuel.

Audio : L'unique piste italienne est en DTS HD MA 1.0, au débit binaire aisé et régulier. Le film étant quasi inédit ailleurs, il n'existe que très peu de (voire aucun) doublages complémentaires. Ici, les dialogues apparaissent relativement clairs, avec quelques parasites émanant très certainement de la piste magnétique mono d'origine. Mais très peu d'effets de distorsion, et un souffle presqu'absent. Un bel équilibre entre la partition musicale, les voix et les effets sonores. Ainsi par exemple la scène de la crypte à 31mn20 où les effets d'écho sont en harmonie avec l'ensemble des bruitages. Au bout de l'expérience, un résultat plus que satisfaisant.

Pour la partie suppléments, Twilight Time se démarque avec sa patte habituelle. A savoir l'inclusion systématique de la bande originale du film sur une piste isolée. Ici, la partition de Franco Potenza se retrouve au format DTS HD MA 2.0 : la possibilité de découvrir dans sa splendeur originelle le travail curieux et décalé de son auteur. pas toujours en rapport avec ce qui se passe dans le film (le thème du générique fait penser à une comédie!), mais là aussi un moment «autre», à l'image du film! Excellente qualité audio.

Pas de bonus ayant un lien direct avec le film : aucun film annonce, aucune galerie de photos affiches, pas d'interviews. Il faudra donc compter avec un commentaire audio de deux journalistes, David Del Valle et Derek Botelho, auteur du livre «The Argento Syndrome». Ce qui s'avère terrible: deux éminents spécialistes du cinéma de genre qui ont toutes les peines du monde à trouver quelque chose de bien à dire. En fait, même si le commentaire se suit sans peine (sans aucune sous-titre, à noter), il demeure un exercice assez contre-productif pour l'éditeur, puisque parlant d'un produit dont on comprend au final qu'il ne représente qu'un intérêt très limité… En fait, ils ne paraissent pas connaitre grand chose du film en lui-même. Ca démarre sur le titre du film…et embraye illico sur des discussions sur le film de genre italien, avec des digressions plus que curieuses : Del Valle fait remonter les origines du Giallo à… Louis Feuillade! Il veut impérativement comparer de suite Bava à Argento. Botelho tient à revenir sur le générique et sa signification. Del Valle tient surtout à parler de ce que le film aurait du être par rapport à ce qu'il est véritablement. Ils connaissent leur références, mais cette impression de se moquer du film plus que d'éclairer l'auditeur sur ce qu'il est reste un moment parfois désagréable. Cela vire à la discussion entre potes, sans aucun rapport avec LA BAMBOLA DI SATANA. L'ensemble se complète avec un livret de 8 pages bien plus enthousiasmant que le commentaire, reprenant de manière synthétique les dires du commentaire . Enfin, l'accès au catalogue Twilight Time. Qui se résume à l'ensemble des jaquettes de tous les fIlms sortis depuis 2011. Accessible par année, il n'y a malheureusement aucun film annonce.

On a du mal à saisir pourquoi Twilight Time se livre à la sortie de LA BAMBOLA DI SATANA. Un prix d'achat relativement bas, voire un film libre de droits aux USA et très probablement, avec une opération rentable au final. Il ne reste plus qu'à attendre qu'un éditeur français se décide à exhumer cette curiosité inédite sur notre territoire. Et en HD, puisque le matériel est disponible. Ceci dit, nous avons affaire à une exhumation de 1e ordre. Une perle bis inédite, véritable curiosité hors norme qui ressemble à la beauté étrange d'un déraillement de train. LA BAMBOLA DI SATANA réjouira les amateurs de Bis italien, le tout dans une édition au visuel et à l'audio des plus étonnants. Recommandé pour les amateurs!

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
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397 critiques Film & Vidéo
On aime
Un film rare à l’atmosphère autre
Une très belle copie HD
La musique du film sur une piste isolée.
On n'aime pas
Des bonus quasi inexistants
Un commentaire audio pas très intéressant
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L'édition vidéo
LA BAMBOLA DI SATANA Blu-ray Zone 0 (USA)
Editeur
Twilight Time
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
USA (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h30
Image
1.85 (16/9)
Audio
Italian DTS Master Audio Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • Commentaire audio de David Del Valle et Derek Botelho
    • Bande originale du film
    • Catalogue Twilight Time
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