Header Critique : MANOIR MAUDIT, LE (METEMPSYCHO)

Critique du film et du DVD Zone 2
LE MANOIR MAUDIT 1963

METEMPSYCHO 

Deux jeunes femmes pénètrent dans un château dont la comtesse Irène, a disparu il y a 20 ans. Elles se retrouvent assassinées par un homme défiguré. Arrivent alors le docteur Darnell et sa fille Anna (Annie Alberti) qui semble être la réincarnation de la comtesse.

LE MANOIR MAUDIT, ou METEMPSYCO voire encore THE TOMB OF TORTURE pour son exploitation américaine, est le seul et unique film d'Antonio Boccaci, qui signe ici, comme bon nombre de ses confrères transalpins sous un pseudo anglicisé (Anthony Kristye), favorisant ainsi le fait (à l'époque) de faire croire qu'il s'agit d'un produit plus américain qu'autre chose.

Pour appréhender LE MANOIR MAUDIT, il faut impérativement laisser de côté son sérieux et ses espoirs. En effet, s'il se rattache au cycle de films d'horreur gothiques italiens du début des années 60, il se trouve à des années lumière des qualités visuelles et narratives des TROIS VISAGES DE LA PEUR ou de L'EFFROYABLE SECRET DU DR HICHCOCK. Voire même des univers. Ce manoir sorti en France en 1963, ne brille en effet hélas ni par son originalité ou sa facture technique.

L'affiche a fait fantasmer bon nombre de cinéphiles (moi y compris) : attirante avec son monstre défiguré et sa rutilante atmosphère de château lugubre. Malheureusement, ce sera un peu trompeur, le film (en noir et blanc) se révélera tout autre.

Pourtant, les choses commencent relativement bien. Même si le scénario empile des scènes sans queue ni tête, le premier quart du film se révèle étrangement prenant. Une bonne petite ambiance sadique qui fleure bon les années Brady de la meilleure époque. Un homme défiguré (dont on ne saura jamais rien, d'ailleurs. il est juste « là »), au maquillage plutôt réussi de visage en bouillie avec un oeil qui tombe, ricanant devant les deux suppliciées avant leur mise à mort. Glauque, un tantinet violent pour 1963, même si tout cela ne fait guère réaliste - les victimes ne se défendant pas des masses. Néanmoins, les effets trouilles et la chambre des tortures produisent leur petit effet. On a par ailleurs beaucoup de mal à comprendre l'époque où le film se passe. La scène d'ouverture laisse penser une aventure contemporaine avec les costumes des deux jeunes filles et leur coiffure-couettes très Sheila/Françoise Hardy période Yéyé. Puis lorsqu'arrive la calèche tirée par des chevaux et le véhicule du journaliste, les années 30 sautent aux yeux. Très curieux. En même temps, cela fait partie à la fois des nombreuses avaries de logique du film, tout comme du charme qui en émane, en fonction de son degré de tolérance.

Après, c'est la déconfiture. Ce prologue ne servira d'ailleurs à rien dans la suite de l'histoire, puisqu'aucune explication ne sera apportée sur le pourquoi du comment. Nul doute qu'il fallut compléter le métrage du film pour arriver aux presque 90mn règlementaires, saupoudré d'un peu de violence et d'érotisme pour attirer le chaland. Il faut s'enquiller des tunnels de dialogues inutiles, d'où surnage une jolie scène d'épouvante où Anna (une Annie Alberti dirigée comme une charcutière) s'égare dans la crypte des tortures. Et d'y d'être assaillie de monstre, armure menaçante, créature surgissant d'un tombeau… un beau catalogue faisant penser à un train-fantôme! Scène faisant référence à ce qu'a vécu la pauvre Comtesse Irène (Annie Alberti dans un double rôle). D'où la métempsycose référentielle du titre initial italien. Hormis cela, le film porte péniblement son budget plus que bas.

En fait, Antonio Boccaci pourrait presque prétendre à être le Bruno Mattei 60's. Tant de dévouement à une histoire dénuée de logique fait honneur. Il faut simplement parfois subir l'amateurisme de l'interprétation, les décors répétitifs et des scènes parfois ahurissantes. Un timide érotisme : on décèle même un tout petit bout de poitrine féminine, puis le journaliste joué par Marco Mariani (sus pseudo de Mark Marian) en deviennent de joyeux symptômes. Son arrivée au bord de la rivière est un moment de n'importe quoi qui touche au sublime. Une démarche mi-Bourvil, mi-Aldo Maccione qui frise le ridicule. Pour tomber en plein dedans, puisque le lendemain, Anna, en mode « prends-moi comme une ouvrière », en est follement éprise et on y parle aussi sec mariage entre les deux tourtereaux. Effarant. Mais touchant de naïveté cinématographique, à considérer rétrospectivement et avec énormément de recul tant les auteurs semblent avoir du mal pour savoir par quel bout prendre le film. Il faut mentionner l'épouvantable musique d'Armando Sciacia, totalement décalée dans certaines scènes et produisant l'effet inverse voulu. Des scènes de suspense teintées de pop-bontempi guillerette allant jusqu'à une présence envahissante, un peu comme un parasite sonore qu'on chasse mais qui revient de plus belle à la charge. Epuisant.

Le film se poursuit cahin-caha vers son aboutissement à grands renforts de maitresse refoulée insatisfaite, sévère et les cheveux savamment tirés en arrière (le syndrome Harriet Whte Meddin, quoi), d'apparitions fantomatiques et de macabre final. LE MANOIR MAUDIT récupère ainsi un peu de son lustre, avec un dernier quart certes totalement maladroit dans sa mise en scène d'éléments d'épouvante et de suspense, mais réjouissant! Le scénario laisse totalement en plan une série de personnages dont on ne sait ni pourquoi, ni comment ils sont arrivés là. Mais si le cinéma Bis trouve bien ses racines quelques part, c'st bien dans les fondements d'un film comme celui d'Antonio Boccaci. La marque d'un cinéma fauché d'un autre temps, témoin inextinguible d'un savoir-faire (ou pas) artisanal suranné, bourré de stéréotypes, qui conserve malgré tout quelques sublimes fulgurances.

Le film arrive pour la première fois en DVD français au format 1.66:1, signal 16/9e. En noir et blanc d'origine, et d'une durée complète de 83mn51. Le télécinéma semble avoir été réalisé depuis une copie 35mm française (avec le carton pré-générique de Cosmopolis Films/Les Films Marbeuf), puisque malheureusement nous ne bénéficions ici que du doublage français d'origine, avec du Jean Amadou full force, et donc pas de version originale - le film ayant été tourné en italien.

Ce sera donc une immersion en mode total Brady. Une copie noir et blanc rayée qui fait peur à son lancement. Cela s'arrange quelque peu après le (très beau) générique, mais les changements de bobine font très mal aux yeux avec l'avalanche de rayures noires qui envahissent l'écran. Griffures, poussières en rafale, image parfois instable, définition approximative, quelques effets de peigne… on imagine aisément que le matériau de base de devait pas être dans un bel état, mais il faut bien savoir ce qui attend le fan qui mettra la galette dans le lecteur. Pour la piste audio française, on reste au diapason de la copie video : une piste encodée en Dolby Digital mono sur deux canaux. Avec pas mal de souffle, de griffures sonores et des bruitages quelque peu en arrière des dialogues et de la pénible partition musicale. A noter que vers 17mn52, le film passe en version anglaise, le tout avec des sous-titres français (pendant une vingtaine de secondes). On peut donc comprendre qu'il s'agisse d'un morceau de dialogue manquant dans la copie française, qui a été repris visiblement de la piste sonore ayant servi au DVD US et sous-titrée pour l'occasion. La piste audio est enregistrée beaucoup plus basse pour les dialogues, avant que la VF ne reprenne le dessus, plus aiguë, contenant plus de bruitages mais plus généreuse en parasites sonores.

Maintenant, il apparait évident qu'il s'agisse de la seule possibilité de visionner ce film aujourd'hui en notre contrée. Il faut donc faire contre mauvaise fortune bon coeur, et apprécier également le film (et sa copie) pour ce qu'ils sont. On assiste, quelque part, à une séance de cinéma bien ancrée dans un cinéma de quartier, mais en direct de son salon (ou de son ordi personnel, en fonction).

Côté suppléments, on retrouve Alain Petit, entrecoupé d'extraits du MANOIR MAUDIT, qui parle pendant près de 26mn sur le sujet du film, allant de ses interprètes jusqu'aux équipes ayant participé au tournage. A noter qu'il faille aller vraiment jusqu'au bout (à savoir au delà des remerciements de l'éditeur) pour une remarque tout à fait judicieuse sur les hamsters du film! Un diaporama des différents graphismes utilisés pour l'exploitation internationale, un très beau jeu de photos d'exploitation françaises et américaines, photos de tournage… des documents très précieux. Ainsi que des films annonces du catalogue de l'éditeur, de la collection «Chef d'oeuvres du gothique italien» auquel LE MANOIR MAUDIT se rattache. Ce DVD s'adresse clairement aux nostalgiques du cinéma d'épouvante 60's, d'autant que sa rareté lui confère une aura étrange. Celles et ceux qui sont insensibles aux codes du cinéma gothique, aux films sans budget et bricolés à la va-vite déchanteront assez vite.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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La rareté d’une série B inédite en DVD en France
Le charme discret d’un cinéma fauché
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Pas de VO Une copie très fatiguée
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L'édition vidéo
METEMPSYCHO DVD Zone 2 (France)
Editeur
Artus
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h24
Image
1.66 (16/9)
Audio
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • La chambre des tortures par Alain petit (25mn51)
    • Diaporama
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