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Critique du film et du Blu-ray Zone A
LEVIATHAN 1989

 

LEVIATHAN se profile fin 1988 à un moment où Hollywood se prend d'une frénésie de films fantastiques sous-marins. On vous a déjà parlé récemment de MUTANT AQUATIQUE EN LIBERTE de chez Carolco/Tri Star qui fut le premier à dégainer (avec malheur). D'autres pointèrent le bout de leur nez : LEVIATHAN (MGM), ABYSS (20th Fox), L'ABIME de Juan Piquer Simon ou encore l'inévitable (et épouvantable) production Roger Corman LES SEIGNEURS DES ABIMES.

Dans une station minière sous-marine menée par le géologue Beck (Peter Weller), un groupe de foreurs termine sa mission de 90 jours. Lors d'une exploration hasardeuse, Six Pack (Daniel Stern) découvre un bâteau soviétique échoué : le Leviathan. Après avoir récupéré divers objets dont le journal de bord du capitaine, ils apprennent que le navire a été délibérément coulé. Peu après, les membres de l'équipage tombent malade, victimes d'une mutation génétique.

Il est très difficile de parler objectivement d'un film qui tient une place particulière dans le coeur d'un cinéphile. La vision sur un médium autre qu'une salle de cinés et un écran géant biaisera forcément le rapport à l'image. L'impact visuel, sonore, émotionnel quel qu'il soit en sera modifié. De constater qu'un film confectionné par ses auteurs pour la projection en salle se remet difficilement d'une nouvelle vision sur petit écran, (ou home cinéma) à fortiori en digital alors que tourné à l'origine en 35mm.

George P. Cosmatos était un réalisateur de la race des seigneurs. Le vrai chef du plateau, le roi de son domaine. Qui prenait pleine responsabilité des choix artistiques, qu'ils soient bons ou mauvais. Porté par les succès coups sur coups de RAMBO II ou de COBRA, son choix tomba sous l'évidence. D'autant qu'il travailla à plusieurs reprises en Italie pour Carlo Ponti et habitué des méthodes de travail locales. Produit par la Filmauro de Luigi & Aurelio de Laurentiis, le tournage eut lieu à Rome fin 1988, puis à Malte et dans le golfe du Mexique. Un choix d'acteurs alors au sommet de leur carrière: Peter Weller sortait tout droit du succès de ROBOCOP. Richard Crenna vint à la demande de Cosmatos, suite au tournage de RAMBO II. Meg Foster gardait son aura magnétique de LA FORET D'EMERAUDE ou encore de INVASION LOS ANGELES. Hector Elizondo était un second rôle de confiance, tout comme Ernie Hudson (SOS FANTOMES et SOS FANTOMES 2) que Cosmatos sélectionna personnellement. David Peoples (BLADE RUNNER) et Jeb Stuart (PIEGE DE CRISTAL) se collent au scénario. Alex Thomson à la photographie demeure l'assurance d'un travail expert. Ron Cobb (ALIEN), crée les décors, tout comme l'équipe de Stan Winston se mobilise pour les effets spéciaux mécaniques et ILM pour certains effets optiques. Cosmatos refait appel à l'immense Jerry Goldsmith pour la partition musicale. Sur le papier, tout pour plaire.

Le film connu une gestation difficile, comme en attestent les interviews contenues dans les bonus du Blu-ray de chez Shout! Factory. Malgré les aléas, le constat demeure : LEVIATHAN passe allègrement le cap des 25 ans d'existence, gardant une insolente vitalité pour un spectacle de divertissement fantastico-horrifique.

La grande innovation du film fut de pouvoir donner l'impression de filmer sous l'eau sans avoir recours à des cameras sous-marines. Ceci va notamment pour la première scène post-générique de début. Les moyens apparaissent clairement à l'écran, tant par la grandeur des décors que l'ampleur de la scène. Beaucoup de décors différents en intérieur permettant nombre de mouvements de caméra amples. Egalement une emphase sur les choix de couleurs à l'écran. le bleu apparaissant comme une évidence - une large palette que décline à foison l'immense directeur photo Alex Thomson, ayant oeuvré sur EXCALIBUR, LA FORTERESSE NOIRE ou ALIEN 3. Une riche convergence de faisceaux de couleurs froides expertement élaborées, donnant au film une patine classieuse. Ajoutée à la solide direction de Cosmatos et à un Peter Weller décontracté, gagnant en force graduelle, LEVIATHAN accède à un statut de film supérieur. Enfonçant allègrement le M.A.L de Sean S. Cunningham ou la baudruche hypermétrope à l'égo surdimensionné de symbolique lourdingue qu'est ABYSS.

Le scénario n'évite cependant pas les clichés inhérents aux antécédents auxquels il se rattache. Y compris la règle stupide du film de genre des années 80/2000 où le seul acteur noir y passe de manière tout à fait inutile. Un choix scénaristique qu'aujourd'hui encore Ernie Hudson a du mal à comprendre. Le récit mélange alors diverses influences, allant d'ALIEN - qui est déjà lui-même un compendium de IT THE TERROR FROM BEYOND SPACE et de LA PLANETE DES VAMPIRES - en passant par THE THING. On pourra arguer qu'il ne s'agit en rien de militaires mais de civils se battant contre une dégénérescence génétique. Il n'empêche, la structure narrative reste hyper-classique. Ensuite, les scénaristes y vont de la ritournelle donneuse de leçon. Donc les buveurs de vodka : votre envie précipitera votre perte. Alcool = pas bien.

Là où Peoples et Stuart excellent, c'est dans la mise en place des personnages. La première scène reste un modèle en la matière. Quelques dialogues bien sentis, l'éruption d'un danger qui précipite les relations entre chacun. Le médecin joué par Richard Crenna, un peu paria. Peter Weller, le géologue à l'évident problème de management. Amanda Pays restant loin du faire-valoir féminin habituel sans atteindre le niveau d'une Ripley, Meg Foster en Directrice froide et calculatrice, Daniel Stern en hâbleur beauf... en 10 minutes, le schéma inter-relationnel apparait établi. Hélas, la suite abondera une ligne consensuelle à la «Dix petits indiens» subaquatique, avec zoom sur un couple reconstitué. Il y aura bien des commentaires économico-politiques sur les implications de la catastrophe sanitaire qui se joue dans la station minière. Versus les enjeux financiers en surface. Traduire les travailleurs émérites qu'on laisse crever pour le beau jeu du libéralisme et des cours boursiers. Face à un système sans âme, froid et manipulateur parfaitement incarné par une Meg Foster tétanisante : l'humain jetable, à la merci également de tripatouillages génétiques... de russes. Encore des adversaires bien pratiques, éternels générateurs de mal ambiant. Militaire ou médical.

En fait, Cosmatos a suivi toute sa carrière un style visuel suivant un individu ou un groupe de révoltés contre l'ordre ambiant. Coincés dans des événements historiques (SS REPRESAILLES ou encore BONS BAISERS D'ATHENES), dans un endroit clos (D'ORIGINE INCONNUE, LE PONT DE CASSANDRA...) LEVIATHAN poursuit ce style de tentative d'échappée de l'enfermement et de non résignation face à un ennemi insaisissable.

A y regarder de plus près, LEVIATHAN suit la même destinée que LIFEFORCE. Un budget confortable qui accouche d'un chef d'oeuvre à la résonance de série B. L'utilisation du J-D-C_Scope, alors très en vogue dans les années 80. Un visuel indiscutable, handicapé par un scénario prévisible et une production peut-être pas assez maitrisée dans son ambition finale. Il en résulte un film bancal, peu original dans son approche mais violemment sympathique à la vision. Il possède un suivi culte ayant poussé Shout! à sortir le film des caves de la MGM. Bien lui en a pris, car redonnant un lustre inespéré à un film injustement méprisé. Et qui surtout à la lueur de récents films de monstres prend une ampleur inattendue. Il faut redécouvrir et apprécier LEVIATHAN (le seul, l'unique). C'est plus qu'un conseil pour une vie saine et équilibrée. C'est un ordre!

Le Blu Ray américain de chez Shout! Factory, via leur label Scream Factory, offre indiscutablement la meilleure image et le meilleur son pour visionner LEVIATHAN avec son édition en 1080p AVC-MPEG 4 sur un Blu-ray de 50 Giga. Ceci au format 2.35:1 et d'une durée complète de 98 minutes. On notera tout d'abord un souci sur la jaquette : erronée, elle n'indique que deux des trois bonus présents tout comme le mixage DTS HD Master Audio 2.0 de la piste anglaise. Alors qu'il n'en est rien, puisqu'on trouve un mixage 5.1 DTS HD Master Audio, provenant de la piste sonore enregistrée en Dolby Stereo Spectral Recording d'origine. La jaquette s'avère cependant réversible, permettant d'apprécier deux visuels différents.

Les heureux spectateurs qui ont vu le film en salle en janvier 1990 pourront retrouver avec bonheur la riche étendue de couleurs bleutées qu'Alex Thomson a su capturer à merveille. Surtout palpable dans les scènes d'attaque vers le dernier tiers, au moment où Beck s'échappe seul de la station. Mais ne serait-ce que le générique de début et sa plongé vertigineuse dans les fonds marins, l'écran déborde de sublime bleu profond. Les textures des noirs et des bleus étonnent de par leur profondeur. Superbe définition des visages, des teintes naturelles pour l'ensemble des peaux, grande précision des détails en arrière plan, tout en gardant une redoutable précision sur le gros plans. Jamais les yeux de Meg Foster ne furent aussi glaciaux, tout comme le visage terrifié de Richard Crenna... Tout ceci permet de profiter au mieux des incroyables éclairages et sources de lumières disséminées le long de scènes afin de donner un maximum de profondeur à l'image.

Pour s'en rendre compte, un simple comparatif avec les éditions précédentes DVD Z1 de chez MGM ou même l'ignoble édition allemande soit-disante «HD» de chez CMVIsion qui offre une qualité parfaitement atroce. Tout d'abord d'une durée de 93mn48 (vs 98 pour le Blu Ray de chez Shout!), La durée est identique à l'édition DVD de chez CMVision, ce qui suggère qu'il s'agit du même matériel qui a été utilisé. Un DVD upscalé à la hache ? Quoiqu'il en soit, la qualité d'image est déplorable, la définition aléatoire, les contrastes grossiers et une lumière qui surexpose les plans. Aucune finesse. Aussi, le mixage sonore est un simple Dolby Digital (donc compressé) en 5.1, provenant lui aussi du DVD allemand. Le seul avantage étant de présenter intégralement le dossier de presse allemand (sur 7mn32!) ainsi plusieurs importantes galeries de photos et documents relatifs au film. Ici, totalement absentes de l'édition américaine. Où l'on voit entre autres, ému, une fiche cinéma française indiquant un budget de 22 millions de dollars et que selon les mots de George P. Cosmatos, il a voulu faire «un thriller scientifique qui se veut un divertissement (...) également une métaphore, un appel à la vigilance». C'est beau.

Pour le nettoyage des conduits auditifs encrassés, deux pistes offertes aux gourmands audiophiles que vous pouvez être. Un mixage 5.1 DTS HD Master Audio : un son non compressé du plus bel effet. Le générique de début avec la musique très à propos de Jerry Goldsmith sort des multiples canaux de manières naturelle, sublime. Il s'agit surtout d'une composition qui utilise effectivement des effets stéréophoniques avec une balance de gauche à droite d'effets électroniques. Le mix 5.1 reprend magnifiquement cette séparation des canaux et faire profiter un maximum des effets ainsi créés. Tout en respectant une fluidité audio des dialogues et dynamisant l'atmosphère par des effets surround bienvenus - surtout dans cet environnement sous-marin confinant à l'étouffement. La piste 2.0 émane directement du mixage original, respectant donc l'expérience cinéma. Moins dynamique, elle n'offre cependant pas moins en termes d'effets, découpant remarquablement les effets stéréophoniques sur chaque canal. L'effet Goldsmith demeure! Ceci se complète de sous-titres anglais amovibles qui ne destine le produit qu'aux anglophiles. Dommage, une fois de plus, de ne pas avoir gardé l'option des sous-titres français sur le DVD MGM. Mais il demeure clair que les francophones ne font pas partie des préoccupations de l'éditeur américain.

George P. Cosmatos étant hélas décédé, il sera impossible d'avoir l'avis du maître pour expliquer l'aventure LEVIATHAN. Shout! a cependant concocté quelques interviews néanmoins très éclairantes, Notamment Ernie Hudson qui revient largement sur le fait d'avoir été étonné de l'appel du réalisateur qui voulait impérativement travailler avec lui. Pareil pour Hector Elizondo dans la partie «Dissecting Cobb», un second rôle présent notamment dans tous les films de Garry Marshall, qui offre une vision très fun du tournage et du style Cosmatos. Qui visiblement était parmi les derniers représentants du réalisateur tout puissant sur un plateau. Exigeant, grande gueule et assumant ses choix. Le témoignage le plus troublant étant probablement celui de l'équipe de Stan Winston. De Tom Woodruff, Jr à Alec Gillis, s'étant occupés de certains effets spéciaux mécaniques sur le tournage. Sur un peu plus de 40 minutes, des souvenirs très précis, de l'arrivée sur le plateau de Cinecittà à Rome, aux difficultés rencontrées sur l'animation de la créature, l'engueulade à portes fermées entre le réalisateur et Stan Winston... Mais également sur les frustrations de l'équipe à ne pas avoir été sur le tournage de ABYSS, que d'aucuns considéraient comme plus intéressant. Un sentiment assez curieux parcourt le spectateur : de savoir si vraiment l'équipe technique était pleinement tournée vers LEVIATHAN ou déjà ailleurs. Voir le commentaire sur le trucage de la main d'Hector Elizondo où l'on sent clairement l'absence d'envie de travailler dessus. Néanmoins, les informations recueillies sont passionnantes et témoins d'un temps pas si lointain mais déjà tellement révolu en termes d'effets spéciaux !

LEVIATHAN arrive en Blu-ray via une copie résolument splendide. Et au son qui rappelle, pour celles et ceux qui l'ont vécu, les splendides projections et la puissance sonore via les gigantesques enceintes Cabasse logées sous l'écran incurvé du Grand Pavois (Paris XVe). Il va de soi que pour les amateurs de l'oeuvre, les fans de film de genre et le collectionneurs de tout poil, cette édition de LEVIATHAN est très recommandée. Et ce même si on ne peut s'empêcher quelque part d'être déçus de l'absence de tout commentaire audio ou de document d'époque.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
1233 news
397 critiques Film & Vidéo
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Un chef d’oeuvre B au budget de série A
Une copie absolument splendide
Qualité audio et visuelle optimale
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Un scénario peu original
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L'édition vidéo
LEVIATHAN Blu-ray Zone A (USA)
Editeur
Shout
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
USA (Zone A)
Date de Sortie
Durée
1h38
Image
2.35 (16/9)
Audio
English DTS Master Audio 5.1
English DTS Master Audio Stéréo
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • Interview Hector Elizondo (12mn36)
    • Interview Ernie Hudson(15mn01)
    • Interview Tom Woodruff Jr et Alec Gillis(40mn26)
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