Header Critique : ANGOISSE (ANGUSTIA)

Critique du film et du Blu-ray Zone B
ANGOISSE 1986

ANGUSTIA 

En raison de problèmes de santé, John perd petit à petit la vue. Paradoxe puisqu'il travaille justement dans une clinique spécialisée dans les problèmes des yeux. Assez mal considéré, la vie de John va basculer dans une spirale meurtrière sous l'influence de sa mère possessive qui voit en son fils une personne exceptionnelle dont il ne faut pas se moquer.

Designer, peintre et photographe, Bigas Luna est un artiste pluridisciplinaire qui ajoute le cinéma à ses activités dans le courant des années 1970. Aujourd'hui, le cinéaste est avant tout connu en France pour JAMBON JAMBON et MACHO. Mais au cœur de sa filmographie se trouve un film assez atypique. En effet, avec ANGOISSE, le cinéaste espagnol se tourne explicitement vers le cinéma d'horreur, chose alors inédite dans sa carrière. Evidemment, il était déjà question d'un psychopathe dans BILBAO, celui-ci établissant une relation étrange avec une strip-teaseuse arrondissant ses fins de mois en s'adonnant à la prostitution. Le rôle principal était interprété par Angel Jovè, un comédien qui fera un bout de chemin avec le réalisateur. L'acteur sera d'ailleurs plus directement impliqué dans la création de REBORN, un film où Bigas Luna parle de la foi et de la religion au travers d'un personnage portant les stigmates du Christ. Pour ANGOISSE, Angel Jovè répond de nouveau présent et va incarner l'un des personnages principaux. On notera que le comédien n'a, finalement, que peu de lignes de dialogue. En fait, comme la plupart des comédiens, il lui faudra s'imposer grâce à son charisme naturel et à un jeu essentiellement corporel. A cet effet, on remarquera que la plupart des séquences efficaces du film ne reposent en rien sur les mots. Plus surprenant encore, la plupart des séquences dialoguées, particulièrement celles avec les jeunes actrices, sont celles qui fonctionnent le moins bien. Le talent des comédiennes est, peut être, un peu en cause mais il s'avère, surtout, que leurs personnages sont, en quelque sorte, un peu creux, moins riches que ceux de la partie fictionnelle de ANGOISSE. Mais comment parler du film sans en révéler certains de ses rouages ? Car ANGOISSE n'est pas qu'un simple film d'horreur. Il est même probable que ce ne soit pas la motivation première de Bigas Luna. Le réalisateur espagnol va surtout développer une idée surprenante de manière à réaliser un film d'horreur conceptuel, limite expérimental !

ANGOISSE est une mise en abyme à laquelle participe le spectateur. L'expérience est ainsi complète lors d'une projection en salles. Aujourd'hui, il sera néanmoins assez difficile de trouver un cinéma qui passe le film et il faudra plus sûrement se contenter d'un visionnage en vidéo. Cela ne retire pourtant rien à la force de ANGOISSE. Le film ne se reposant pas bêtement sur son simple artifice. Bigas Luna s'en sert et joue avec le spectateur, tout comme il joue avec ses protagonistes. Le réel répond ainsi à la fiction et inversement. Contre toute attente, c'est justement lors de passages juxtaposant au moins deux narrations différentes que Bigas Luna réussit à instaurer de véritables passages flippants comme lorsque l'une des héroïnes est coincée dans les toilettes. Des moments brillants, ANGOISSE en aligne pas mal sur ce qui n'est, à l'origine, qu'un film d'horreur basique. Les spectateurs assistent à un film décrivant un psychopathe entouré d'oiseaux et dirigé par une mère envahissante. Autant dire que par certains côtés, ANGOISSE se rapproche du PSYCHOSE d'Alfred Hitchcock. Cette partie de l'histoire sera aussi l'occasion pour Bigas Luna de placer quelques séquences surréalistes plutôt excellentes tout en mettant en avant l'obsession du tueur pour les yeux de ses victimes. Une obsession qui n'est pas anodine puisque l'œil est l'organe essentiel de celui qui regarde, donc du spectateur. Et le spectateur devient un véritable acteur des intrigues de ANGOISSE. En effet, lorsque le tueur du métrage entre dans une salle de cinéma, il va alors se trouver au milieu de ceux qui regardent le film. De quoi se poser des questions, à ce moment là, sur les inconnus qui partagent, avec vous, l'expérience du grand écran. Dans une salle de quartier comme le Brady à Paris, avec ses va et vient dans les allées et (paraît-il) les toilettes, le concept de ANGOISSE est complet ! Bigas Luna développe plus avant son concept et amène quelques surprises. Soyons franc, lorsqu'un seuil est atteint, il n'y aura plus beaucoup de surprises. Mais le cinéaste plutôt malin va alors surtout redoubler d'efforts sur l'aspect esthétique de son film à force d'un montage élaboré et de cadrages surprenants. Bigas Luna va même réussir le temps d'une séquence à brouiller l'unité de temps et de lieu du spectateur provoquant un effet étonnant.

Si l'on peut émettre une réserve à propos de ANGOISSE, ce n'est certes pas sur sa mise en image mais plutôt sur le fond. En substance, le métrage délivre un message qui n'est pas entièrement faux mais qui pourra être assez mal perçu. En gros, les images d'un film sont si fortes qu'elles peuvent influencer ceux qui les regardent. Impossible de remettre en cause l'impact des images sur les spectateurs. Mais le raccourci est vite fait. A savoir que le cinéma d'horreur pourrait fabriquer des tueurs à même de reproduire ce qu'ils voient sur un écran. Des procès d'intention ainsi que des raccourcis de ce type, on en a déjà vu dans les faits divers. ANGOISSE est avant tout un exercice de style et peut ensuite amener une véritable discussion sur le sujet. C'est là où il faudra faire attention puisque ANGOISSE n'apporte pas de réponse, il ne fait que poser les bases d'un éventuel débat. A ce sujet, on notera que le film adopte deux approches cinématographiques. La première est manifestement plus influencée par un cinéma horrifique européen. La partie avec le tueur et sa mère est ainsi très stylisée dans la mise en scène ou les éclairages. Au contraire, la partie américaine du film se montre, en quelque sorte, beaucoup moins inventive, plus naturelle dans les couleurs. Même l'arme du tueur se montre totalement dénuée de panache. Cela participe très certainement à une réflexion qui met en concurrence la puissance d'une œuvre artistiquement travaillée avec un quotidien plus terre à terre. Enfin, on notera que l'œuvre artistique a une particularité surnaturelle qui semble contaminer le réel. L'aspect purement «Fantastique», on le retrouve avec la communication irréelle entre le tueur et sa mère. Dès lors, l'épilogue, pour le coup un peu prévisible, conclut le film de manière aussi illogique que d'une façon totalement irréelle. Si cette issue s'avère prévisible, c'est probablement en raison du fait que d'autres œuvres ont proposé des idées similaires, parfois en se reposant complètement dessus. Par exemple, il est impossible de ne pas évoquer DEMONS et DEMONS 2 de Lamberto Bava. Ou, un peu plus tard, dans la même décennie, le LECTURES DIABOLIQUES de Tibor Takacs ainsi que LE FANTOME DE L'OPERA version Dwight Little. Et quitte à citer des films, évoquons par exemple la séquence d'introduction de BLOW OUT de Brian De Palma qui annonce de manière un peu brute l'une des manipulations du spectateur employée dans ANGOISSE. Mais de tous les exemples connus, aucun n'approchera la qualité de la mise en scène de ANGOISSE pas plus que son aspect jusqu'au-boutiste de l'expérience conceptuelle jusqu'à un dernier pied de nez visuel sur le générique de fin ! Enfin, le film de Bigas Luna donne parfois aussi l'impression d'aller piocher dans des images évocatrices de l'histoire cinématographique comme un plan qui ramène directement à 2001 L'ODYSSEE DE L'ESPACE de Stanley Kubrick. Un peu comme si ANGOISSE se nourrissait des films autant qu'il joue avec la perception de l'image cinématographique.

Extrêmement travaillé par son réalisateur, ANGOISSE contient un défaut tout de même assez surprenant. A croire qu'à l'instar de Mario Bava, Bigas Luna ne s'intéresse pas tellement aux comédiens. En dehors de trois d'entre eux, la plupart des interprètes du film se montrent assez moyens. Cela n'a pas un impact énorme sur le résultat final, le film ayant assez de qualité pour s'affranchir de ce souci. De plus, Michael Lerner s'impose assez naturellement comme un tueur aussi redoutable que pathétique, une vision récurrente dans le film de psycho-killer. Angel Jovè est, lui aussi, au diapason dans un rôle plus énigmatique mais c'est surtout Zelda Rubinstein qui trouve là un rôle à sa mesure. Essentiellement connue jusqu'ici comme la médium de POLTERGEIST et sa suite, elle devient à l'écran une inquiétante maman ! Un atout de plus pour ce ANGOISSE qui doit impérativement être vu par toutes personnes qui s'intéressent au cinéma !

En France, ANGOISSE était resté inédit en DVD. Heureusement, Filmedia propose de sortir le film sur ce support mais également en Blu-ray. Dans les deux cas, on peut donc revoir le film avec un transfert 16/9 au format respecté (2.35). Sur le Blu-ray, nous avons affaire à un transfert en 1080p. La norme actuelle, pour les films de cinéma, est le 1080p/24. Ce qui est une petite subtilité reste toutefois, à notre sens, importante surtout aujourd'hui. En gros, l'image est bien proposée avec une image en haute définition (1920x1080) en mode progressif. Mais le défilement de l'image n'est pas exactement celui du film tel que vu au cinéma. Soyons honnête, à la vision du disque, cela n'est pas flagrant et la plupart de ceux qui regarderont ce Blu-ray ne s'en apercevront pas. En tout cas, s'il s'agit d'un tout nouveau master en haute définition, la copie utilisée n'est pas exempte de défaut. Ainsi, on pourra noter des défauts de pellicule ici ou là. Mais lors d'un passage en particulier, il y a tout de même pas mal de petites tâches qui font leur apparition accompagnées aussi de rayures. Cela surprend, au même titre que les marques de fin de bobine, à notre époque où ce type d'éléments est retiré des copies vidéo. En tout cas, l'image est bien en haute définition, on pourra le constater par exemple sur les plans du pull de l'héroïne ou dans le côté palpable de certaines surfaces et objets. Néanmoins, l'image se montre aussi un peu limité, un défaut très certainement dû aux contraintes techniques. Pour autant, tout cela participe pleinement à l'expérience de ANGOISSE, l'image étant finalement très cinéma, en rien vidéo, fleurant bon l'image des films des années 80.

Pas de remix 5.1 et, quelque part, ce n'est pas plus mal. L'éditeur a préféré offrir les pistes originales. ANGOISSE a été mixé en stéréo surround à l'origine. Si vous êtes équipé d'un ampli audio/vidéo, il faudra forcer le mode ProLogic dans le cas où votre appareil ne détecte pas automatiquement ce mode sonore. Sans quoi, vous ne bénéficierez pas pleinement de la piste audio pour vous contenter d'une simple stéréo (le Dolby Surround est encodée à l'origine sur deux canaux). Par contre, le piste française est quant à elle bien plus plate et il apparaît évident qu'elle n'a pas subi le traitement surround. En dehors de cet aspect purement technique, la piste originale anglaise ne fait pas non plus de grands miracles. Le résultat est, en tout cas, très satisfaisant !

Supplément indispensable dès lors que l'on parle d'un film, l'interview de son réalisateur. Cela tombe bien, le disque contient un entretien d'un peu plus de vingt minutes avec Bigas Luna. Le cinéaste revient sur l'idée qui l'a amené à faire ANGOISSE ainsi que les difficultés à monter un projet qu'il aurait voulu, à l'origine, en 3D. Cela s'avère plutôt logique puisque au début des années 80, le relief est de retour dans les salles. Toutefois, ce procédé ne sera pas utilisé, le film ne se fera qu'une poignée d'années plus tard et sans l'aide de producteurs hollywoodiens. Le cinéaste évoque aussi un éventuel remake qu'il verrait bien se monter en 3D. Seul l'avenir nous le dira. Cet entretien s'avère fort sympathique mais aussi un peu frustrant. En effet, Bigas Luna semble des plus loquaces et il est dommage de ne pas avoir creuser plus avant que ce soit sur ANGOISSE ou bien son rapport avec le cinéma et donc ses autres travaux. Venant juste après, la petite introduction du film par Fausto Fasulo, rédacteur en chef de Mad Movies, se montre bien moins intéressante. Rien de surprenant puisque la plupart des informations ont déjà été évoquées par Bigas Luna lui-même. Cela reste tout de même fort sympathique bien que l'on puisse trouver un peu curieux l'aspect découpé et écrit de cette intervention. En complément, l'éditeur est allé repêcher un grand nombre de bandes-annonces et spots TV en provenance des Etats-Unis et du Canada. Voilà qui est louable mais lorsque l'on doit regarder des spots de 30 secondes à une minute de longueur, il aurait peut être fallu proposer le choix de regarder tout cela de manière individuelle, comme c'est le cas ici, mais aussi de manière continue, évitant de revenir sans cesse au menu pour relancer ces nombreuses petites vidéos promotionnelles. En tout cas, cette édition offre un contenu éditorial réussi alliant l'information, les interviews, et un aspect plus «collectionneur» avec cette flopée de spots et bandes-annonces.

Rédacteur : Antoine Rigaud
4 news
635 critiques Film & Vidéo
2 critiques Livres
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Un film d'horreur conceptuel particulièrement réussi !
L'interview de Bigas Luna
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L'édition vidéo
ANGUSTIA Blu-ray Zone B (France)
Editeur
Filmedia
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
France (Zone B)
Date de Sortie
Durée
1h21
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Stéréo Surround
Francais Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Interview de Bigas Luna
    • Présentation du film par Fausto Fasulo
    • Bandes-annonces
    • Spots TV
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