Header Critique : SEVEN WOMEN FOR SATAN (LES WEEK-ENDS MALEFIQUES DU COMTE ZAROFF)

Critique du film et du DVD Zone 0
SEVEN WOMEN FOR SATAN 1974

LES WEEK-ENDS MALEFIQUES DU COMTE ZAROFF 

Entre son occupation d'homme d'affaires, son héritage et ses propriétés, le comte Zaroff mène une vie fort enviable, mais isolée ; pour cause, ne se suffisant pas de cette aisance, il est profondément tiraillé par des penchants sadiques, hérités eux aussi de ses ancêtres. Son majordome, Karl (Howard Vernon) veille au bien-être du comte et lui fournit ses jeunes victimes, qu'il se plait à chasser à travers les bois de son domaine. Effrayé par ses propres pulsions, Zaroff est de plus hanté par Anne de Boisreyvault, l'occupante précédente du manoir du comte, qui a trouvé la mort dans d'étranges circonstances.

Sous ce titre américain (SEVEN WOMEN FOR SATAN) se cache LES WEEK-ENDS MALÉFIQUES DU COMTE ZAROFF, film écrit, réalisé et interprété en 1974 par Michel Lemoine, plus connu pour les rôles qu'il a tenus dans les films de Bénazéraf ou chez Jess Franco. Après des débuts prometteurs au théâtre, dans des seconds rôles chez Guitry, il tient l'affiche dans de nombreuses productions italiennes dont LE MONSTRE AUX YEUX VERTS et HERCULE CONTRE MOLOCH. L'acteur s'essaie en fait à la réalisation avec LES DÉSAXÉES qui reçoit un succès important au festival de Cannes en 1972. Puis vient LE MANOIR AUX LOUVES dont le potentiel érotique retient plus l'attention des distributeurs que l'aspect surréaliste et fantastique (ce dont se désole le principal intéressé dans le portrait inclus en bonus sur le disque). Son film suivant, LES WEEK-ENDS MALÉFIQUES DU COMTE ZAROFF, reçoit un accueil très réticent puisqu'il va subir une classification X. Il trouve cependant son public à l'étranger et obtient une médaille d'argent au festival du film d'horreur de Sitges en 1977, puis sera distribué en vidéo en France trois ans plus tard.

L'idée du film reviendrait à Jean-Claude Romer, qui discutait avec Michel Lemoine de la dualité de l'âme humaine, et qui, en cinéphile, fit alors allusion au comte Zaroff. Variation autour du thème du double, LES WEEK-ENDS MALÉFIQUES DU COMTE ZAROFF est donc un lointain écho, drapé d'une réputation sulfureuse, du film LES CHASSES DU COMTE ZAROFF, réalisé en 1932 par E. Shoedsack pour la RKO, et sorti en 1932, juste avant son fameux KING KONG.

Ivan, l'effrayant majordome du film de 1932 a transmis à son fils le soin d'amplifier et de subvenir aux tentations sadiques du fils de son maître, le comte Boris Zaroff. C'est sur ce postulat que se fonde, 42 ans plus tard, le film de Michel Lemoine. Il confie au regretté Howard Vernon le double rôle des deux majordomes (Karl et son père), et interprète lui-même (de façon assez monocorde) le rôle omniprésent du comte Zaroff. Les deux hommes, fidèles de Jess Franco, s'étaient rencontrés en 1948 sur le tournage du DIABLE BOÎTEUX de Guitry puis sur SUCCUBUS de Franco. Pour parfaire le casting, Michel Lemoine choisit Joëlle Cœur, qui avait illuminé LES DÉMONIAQUES de Jean Rollin. C'est ensuite que Joëlle Cœur obtiendra un petit rôle dans JEU AVEC LE FEU d'Alain Robbe-Grillet aux côtés de Nathalie Zeiger (qui joue aussi dans le film de Lemoine, la blonde Muriel). Les points communs entre les deux cinéastes ne s'arrêtent pas là puisque Bob Wade, qui a travaillé sur tous les films de Michel Lemoine a aussi collaboré avec Robbe-Grillet.

Si le film ne conserve presque aucun élément du film-source, et se sert donc du personnage titre seulement en guise d'hommage, il possède néanmoins un univers propre, profondément onirique, qui rappelle de façon lointaine celui de Jean Rollin (LA ROSE DE FER, LES DÉMONIAQUES…) ou même de certaines séquences de Jess Franco (LA COMTESSE NOIRE ou UNE VIERGE CHEZ LES MORTS VIVANTS). Le film fait partie de cette famille cinématographique, proche de la firme Eurociné, mais il n'est pas non plus réductible à une exploitation du personnage de Zaroff en de multiples scènes dénudées mêlées dans une esthétique auteurisante. Le scénario puise profondément dans le patrimoine cinématographique et littéraire européen : cinématographique, avec LA VIE CRIMINELLE D'ARCHIBALD DE LA CRUZ, de Luis Buñuel qui a pu fournir le modèle de la perversité doublée de naïveté du personnage principal ; littéraire d'autre part tant le type de la fiancée morte vivante se retrouve dans l'imaginaire européen depuis Goethe (la fiancée de Corinthe, héritée d'une fable de Phlegon de Tralles) jusqu'aux nouvelles fantastiques du XIXème siècle (Vera de Villiers de L'isle Adam, par exemple).

Cependant cette histoire permet à Michel Lemoine de développer sa propre conception du genre. En véritable connaisseur, il se sert des lieux comme des échos à ses influences : le château du comte et les forêts labyrinthiques, la salle de torture digne des adaptations de Poe signées Roger Corman…, comme si Lemoine promenait le spectateur dans des lieux connus, tout en effectuant un décalage permanent, visant à l'égarer et perturber sa vision par l'utilisation de filtres ou de plans filmés en grand angle. Ces dispositifs perdent le spectateur, renforcent l'aspect éthéré, duveteux du métrage, à la limite du cauchemar, dont la compréhension immédiate est entravée de plus par la présence quasi-systématique de miroirs —écho visuel de la dualité du personnage— (soit dans la demeure, soit naturels comme la surface de l'étang dans lequel disparaît, telle la dame du lac, le personnage interprété par Joëlle Cœur).

Dans cet univers très personnel, Lemoine taquine le genre, ses ficelles et ses travers, et place plusieurs séquences à la limite de la parodie. C'est entre autres le couple de comédie, interprété par Robert Icart et Martine Azencot, (déjà vus dans LES PETITES SAINTES Y TOUCHENT du même Michel Lemoine), qui vient essayer de bonne grâce la salle de torture du comte Zaroff. Renforçant, sans doute de façon involontaire, et a posteriori, le côté second degré, l'esthétique pop du film reste marquée par son époque, et la bande son de Guy Bonnet, entêtante et progressive, participe de ce processus.

Et c'est sur cette esthétique que Mondo Macabro, la collection dirigée par Pete Tombs, s'appuie pour la mise en page des menus et des suppléments. Très seventies donc, cette édition présente le film dans une copie tout a fait correcte, complétée par un apparat critique bien suffisant pour apprécier le métrage et son réalisateur.

A l'exception de la séquence d'ouverture largement parasitée par de multiples griffures, l'ensemble du film est de bonne qualité, dans un format 1.60:1, proposé en 16/9ème. Deux pistes sonores en stéréo, l'une française, et l'autre anglaise, peuvent être sous-titrées en anglais : la qualité du traitement du son permet en tout cas de mettre en relief le score psychédélique totalement persistant de Guy Bonnet. Cependant, la piste française est perturbée par de nombreux craquements, et elle sonne très sourd, alors que la piste anglaise a dû bénéficier d'une équalisation plus aiguë, ce qui accentue la clarté des dialogues et la limpidité des thèmes musicaux. Plus propre, cette piste ne souffre pas non plus des parasites présents sur la V.O. mais pour le coup, elle a été un peu trop nettoyée : par exemple, lors de la séquence des retrouvailles de Boris et d'Anne dans la grange, le vent souffle dans les ouvertures du bâtiment mais cette texture sonore a disparu de la piste anglaise. Si l'on ajoute à cela quelques décalages dans les démarrages des morceaux musicaux (vers la fin du film), on ne peut que préférer la version originale.

Quant aux bonus, ils se composent de textes biographiques très complets et d'une analyse fort intéressante du film, écrite par Pete Tombs lui-même. A l'incontournable bande annonce se joint un portrait de 15 minutes de Michel Lemoine fourmillant de documents iconographiques, mais appuyé sur le seul témoignage de l'intéressé.

Mondo Macabro poursuit donc avec ce disque son travail de défrichage du cinéma étrange de tous les horizons géographiques. Le film qui ravira les fans d'horreur décalée à l'européenne bénéficie avec cette édition d'un très bon traitement.

Rédacteur : Jérôme Peyrel
32 critiques Film & Vidéo
On aime
Les qualités plastiques
La tonalité poétique
L’édition très correcte
On n'aime pas
Le rôle très monocorde de Zaroff
RECHERCHE
Mon compte
Se connecter

S'inscrire

Notes des lecteurs
Votez pour ce film
Vous n'êtes pas connecté !
-
1 votes
Ma note : -
L'édition vidéo
LES WEEK-ENDS MALEFIQUES DU COMTE ZAROFF DVD Zone 0 (USA)
Editeur
Mondo Macabro
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h25
Image
1.66 (16/9)
Audio
Francais Dolby Digital Mono
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • Formidable ! The Michel Lemoine story
    • Bande annonce
    • About the film (texte de présentation)
      • Biographies
      • Michel Lemoine
      • Joëlle Cœur
      • Howard Vernon
      • Bob Wade
    Menus
    Menu 1 : SEVEN WOMEN FOR SATAN (LES WEEK-ENDS MALEFIQUES DU COMTE ZAROFF)
    Autres éditions vidéo