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Critique du film et du Blu-ray Zone B
LES POSSEDEES DU DIABLE 1974

 

A la suite d'un pacte avec la mystérieuse Lorna (Pamela Stanford) en échange de sa réussite, le riche homme d'affaire Patrick (Guy Delorme) doit lui offrir sa fille Linda (Lina Romay) le jour de ses 18 ans. Il refuse, mais Lorna possède des pouvoirs maléfiques qu'elle emploie afin de faire plier celui qu'elle a sorti de l'ornière.

LES POSSEDEES DU DIABLE fit ses débuts cinématographiques en France le 18 décembre 1974, signé du pseudonyme de Clifford Brown. Il rencontra un succès public dans les mêmes eaux des autres films de Franco, à savoir 172 263 entrées sur 7 années d'exploitation - et plus de 50% sur se première année. Le film connut divers autres titres : LORNA, L'EXORCISTE, LORNA... THE EXORCIST, LINDA, SEXY DIABOLIC STORY, CARESSES DE CHATTES... et probablement d'autres plus ou moins avoués. A noter que malgré ce qu'indiquent certains titres anglophones, il n'y a aucun exorcisme en vue - hormis dans la tête du distributeur qui a voulu se raccrocher au wagon du film de Friedkin. Pour la première fois, le film bénéficie des honneurs d'une sortie en Blu Ray, grâce au travail effectué par Le Chat Qui Fume.

La première chose qui vient à l'esprit en terminant de regarder LES POSSEDEES DU DIABLE est : mais qu'est-ce que je viens de voir? Nos amis anglo-saxons lanceraient plutôt un What the Fuck de circonstance, et ils auraient tout à fait raison. L'inamovible Jess Franco et sa caméra tout-terrain a du fumer beaucoup, beaucoup, beaucoup de morceaux de moquette ou autres substances franco-espagnoles pour livrer cet exercice filmique assez inclassable.

Déjà, ses derniers opus produits par Robert de Nesle s'avéraient hors norme, comme LES EXPERIENCES EROTIQUES DE FRANKENSTEIN, croisant nombre de genres. Ici, on sent les prémices du cinéma pornographique se croiser avec des expérimentations visuelles qui volent assez bas, dues au budget que l'on sent quasi inexistant par instants. Les réfractaires au style Franco de la période De Nesle ne vont guère s'extasier ici - bien contraire. Les amateurs seront aux anges. Les plus curieux qui veulent s'initier au monde délirant et itératif de Jess Franco auront de quoi être désarçonnés.

A votre avis, qui vous contrôle? Qui est le monstre le plus dangereux? Sans doute, celui que vous inviterez dans votre propre maison. Lorna, donc, pour les protagonistes tout comme pour les spectateurs. Jess va mélanger les narrations : réel et fantastique, points de vue et enchainer des flashbacks. Cela commence par une Pamela Stanford totalement à la rue, le regard fuyant, comme en dehors de la réalité filmée. Mais un grande présence à l'écran. Pour virer illico à du simili-porno, avec un vagin grand ouvert aux coups de langue d'une Lina Romay déchaînée. Voilà. Vous êtes prévenu. Qu'il y en a aussi une seconde dans une baignoire entre les deux actrices. Puis une troisième. Et qu'au final, Lorna/Pamela est la mère de substitution de Linda/Lina : un curieux mélange d'inceste et d'homosexualité grâce au parfum suave de Satan (ou de toute autre entité démoniaque qui dirige la destinée de Lorna). Roulez Jeunesse!

LES POSSEDEES DU DIABLE demeurent au gré du temps un mélange incongru de sexe, de fantastique, de vagues inclusions sociologiques et de considération sur la solitude du monde moderne. Des thèmes déjà exploités dans LA FILLE DE DRACULA, avec cette caméra trainant sur des construction contemporaines mornes et désolées. Franco pousse un peu plus loin ces aventures cauchemardesques, brouille les pistes de la narration. Les images au ralenti de Guy Delorme dans une structure extérieure moderne symbolisent parfaitement cette errance. Les yeux tristes de Pamela Stanford appuient cette marche solitaire. Le ton est désespéré et d'un ténébreux assez peu commun. Le bizarre trouve son berceau, avec le corps nu de Jacqueline Laurent parcouru de spasmes névrotiques provoqués par une invasion de crabes au niveau de son entrejambe. Mais... Pourquoi? Parce que.

Franco refuse la dictature du bonheur cinématographique narratif pour se glisser dans les recoins d'un 7e art qui s'ouvraient aux plaies les plus folles. Peu d'horreur visuelle ici (un vague couteau en fin de métrage) mais la représentation sexuelle comme art. Et de foncer tête baissée dans le n'importe quoi. Des thématiques répétées ad nauseam depuis quelques années et comme un prolongement de ce qui fut initié dans NECRONOMICON, avec Janine Reynaud jouant déjà le rôle de Lorna, une strip teaseuse avec déjà cet appétit de contrôle sur les humains. Franco retrouve sa verve poétique qu'il croise avec sa caméra la plus exploitative qui soit, clairement obsédé par des parties précises de l'anatomie féminine. On s'approche du film de cul qui pense. Ou du film qui pense avec du cul. Au choix. Ou pas. LES POSSEDEES DU DIABLE, pour qui possède la patience d'aller jusqu'au bout, n'appartient à aucun genre particulier. Il végète entre les lignes, s'enhardit sur les scènes lesbiennes hardcore, déshabille l'âme, laisse une impression de bordel généralisé.

Parler malgré tout de la facture technique du film. Assez pauvre, il faut le concéder. Sans parler du doublage. Selon les éléments donnés par Gérard Kikoïne dans le segment qui lui est consacré dans les suppléments du Blu Ray du JOURNAL INTIME D'UNE NYMPHONANE, les éléments arrivaient sur à peine deux feuilles, sans aucun dialogue. Et il fallait tout créer à partir de rien. Bel effort, mais il faut avouer que cela approche le film de manière superficielle. Des voix forcées (la réunion familiale au début du film est risible), tout comme des bruits de succions parfaitement ridicules pendant la scène de sexe entre Pamela Stanford et Catherine Laferrière. Cela rajoute au côté foutraque de l'entreprise, certes, mais par instants, cela ne fait pas très sérieux - même avec 44 ans de recul.

Désespéré et psychotrope, LES POSSEDEES DU DIABLE flirte avec l'inepte et le fantasmagorique. Lina Romay se révèle plus ouverte que jamais aux expériences filmiques futures de son Pygmalion. Howard Vernon ne fait rien, il est, tout simplement. Les acteurs se prêtent aux jeux même les plus nauséabonds: le moment avec Lorna suçant le godemiché ensanglanté ayant violé et dépucelé Linda reste parmi ce qu'il y a de plus répulsif. La caméra zoome sur des parties intimes (féminines, toujours), mais reste incapable de fixer son objectif et fini par se perdre dans des flous dont on ne sait s'ils sont voulus ou non. Une musique tendance guitare délaissée, presqu'expérimentale, rythme la lancinante péroraison de l'action qui se délite. Quel drôle de film, qui n'a pas de gueule d'atmosphère. Mais pas loin.

Très bel emballage, jaquette au diapason du film, les disques coordonnés avec l'image interne...on sent l'amour de l'objet tout autant que du contenu, et ce poursuivi par une menu classieux et élégant. On apprécie l'interactivité, la justesse d'utilisation des menu pop up pendant la vision du film ou des suppléments, permettant de passer de l'un à l'autre sans ambages. Par souci de transparence, l'éditeur indique que la copie HD présentée provient de deux copies 35mmm différentes: l'une incomplète, l'autre en mauvais état. Ce qui explique les différences notables qui apparaissent au gré des 97mn42. Le film est proposé en format 1.66:1, en 1080p et sur un BD50 pour le Blu ray. De manière générale, le grain filmique est palpable, reconstituant au mieux l'expérience cinéma. Peu de réduction de bruit, ce qui donne des lumières, des couleurs et des contrastes naturels. Très appréciable. Les détails des visages abondent avec des gros plans maitrisés. Cette copie HD possède une intacte qualité filmique. On aura envie de dire que malgré les obstacles de copies 35mm aux états divergents, voir une HD aussi naturelle et précise tient du miracle, même si certaines scènes demeurent surexposées, du fait probable de l'exposition originale. De l'autre côté du spectre, la restauration n'a pu parvenir à assainir certaines grosses rayures vertes verticales (comme la séquence du dîner vers la 16e minute), provenant de la seconde copie abîmée, et que l'on retrouve fatalement le long de la vision.

Deux pistes, française et anglaise, toutes les deux en DTS HD MA 2.0 (pour la version DVD : Dolby Digital 2.0). Une piste française médiane, avec parfois un souffle proéminent et quelques craquements : vers 30e minute, la séquence dansée, ou vers la 33e minute, le dialogue avec Pamela Standford - ou pour une fois, la piste anglaise offre un bien meilleur rendu et un souffle moindre. Le pendant est que le mixage sonore de la piste française offre plus de richesse dans l'environnement, les bruitages et atmosphère entourant les scènes. Le doublage anglais oblitère la majorité des effets sonores pour se concentrer sur les échanges de dialogues, avec un très léger souffle. Voir vers la 18e minute, la conversation entre Guy Delorme et Lina Romay, où les bruitages disparaissent quasiment pour une mise en avant très superficielle des dialogues. On gage que la version anglaise a été mise pour l'export, puisque n'apportant rien à l'ensemble, hormis un aspect de complétude pour collectionneurs.

Un des gros avantages de cette édition demeure une partie suppléments dument remplie; Avec surtout deux intervenantes directement en rapport avec le film. On commencera par Jacqueline Laurent, l'actrice québécoise jouant le rôle de la mère de Lina Romay. Passionnant entretien de près de 30 minutes, rappelant ses premiers pas au cinéma, son rapport avec Jess Franco. Et surtout l'ostracisme dont elle fut victime quelques années après, lorsque le cours dans lequel elle enseignait la vira après avoir découvert qu'elle joua dans quelques films érotiques.

L'intervention de Pamela Stanford est, comment dire... autre. Nature, sans filtre... on adore son franc-parler, sa manière de raconter avec candeur et excitation sa carrière et son travail. Filmé un peu à l'emporte pièce, tout du moins de manière inhabituelle par rapport aux standards de l'éditeur - ce qui va au final assez bien avec le caractère assez en roue libre de l'actrice qui sait transmettre son enthousiasme. On l'aime!

Enfin, pendant plus de 3/4 d'heure, LE spécialiste de Jess Franco, Alain Petit, revient de manière extensive sur les conditions de tournage du film, replaçant adroitement le film dans son contexte d'époque (1974), sa production et le tout sans langue de bois. C'est un peu long mais très intéressant à suivre.

S'en suit un segment sur la restauration du film, l'écran proposant côte à côte la copie avant et après, et l'on voit le travail considérable qui a été accompli vue la qualité initiale. (ce supplément est absent de la version DVD de l'édition). Enfin, l'ensemble se complète de 5 films annonces des titres qui vont prochainement sortir chez Le Chat qui Fume.

Les amateurs de cinéma lascif d'une dimension parallèle apprécieront cette édition de LES POSSEDEES DU DIABLE car, malgré les scories, il s'agit sans conteste du meilleur rendu visuel et audio qui existe à ce jour (comparé aux éditions existantes, ce n'était pas un mal). Les autres passeront leur chemin car Franco, pervers et compulsif, part totalement en vrille. Mais les riches bonus, une marque de fabrique de l'éditeur, offrent un prisme de lecture inédit et bienvenu sur le travail du cinéaste. Recommandé.

Un grand merci à toute l'équipe de boxofficestory.com.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
1233 news
397 critiques Film & Vidéo
On aime
Un film totalement barré
Pamela Stanford éthérée
Des bonus passionnants
On n'aime pas
Un film très cheap et assez mal écrit
Du léchage de foufoune gratuit et trèèèès long
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L'édition vidéo
LES POSSEDEES DU DIABLE Blu-ray Zone B (France)
Editeur
Le Chat qui Fume
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
France (Zone B)
Date de Sortie
Durée
1h38
Image
1.66 (16/9)
Audio
Francais DTS Master Audio Mono
English DTS Master Audio Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • Pamela Stanford : La Possédée de Franco - Entretien avec Pamela Stanford (14mn06 - VF - HD)
    • Jesus et moi - Entretien avec Jacqueline Laurent ( 25mn27 - VF - HD)
    • Franco Le Possédé - Entretien avec Alain Petit (47mn12 - VF - HD)
    • La restauration du Film (4mn33)
    • Film annonce CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE (2mn39 - VO)
    • Film annonce LA SAIGNEE/THE CONTRACT (3mn20 - VO)
    • Film annonce LA ROSE ECORCHEE (2mn54 VF)
    • Film annonce COMME DES CHENS ENRAGES (3mn50 - VO)
    • Film annonce AMOUR ET MORT DANS LE JARDIN DES DIEUX (2mn30 - VO)
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