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Critique du film et du Blu-ray Zone A
THE MAZE 1953

 

Kitty (Veronica Hurst) et Gerald (Richard Carlson) se fiancent sur la Côte d'Azur. Mais un message prompt Gerald à rentrer en Ecosse suite à un tragique événement familial. Sans nouvelle, Kitty décide de se rendre sur place avec sa tante Edith (Katherine Emery, son dernier rôle). Mais elle découvre que son fiancé a radicalement changé, physiquement comme à son égard. Et que le manoir où elles arrivent semble couvrir un horrible secret.

Le film reste inédit en France, si l'on omet des présentations en 3D lors des rares festivals qui le diffusèrent dans son format original. Il s'agit d'une production Monogram, un studio connu pour ses modestes productions de série B, un poil au dessus de PRC, pour donner un ordre d'idée. THE MAZE révèle toutefois une ambition supérieure, ne serait-ce que le film fut produit et réalisé en 15 jours par le grand William Cameron Menzies. Célébré surtout pour LES ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE (qui inspira un remake avec L'INVASION VIENT DE MARS). Mais il s'agit surtout d'un des plus grands chefs décorateurs des années 30 et 40, derrière des productions comme AUTANT EN EMPORTE LE VENT. Et en constatant le travail fourni sur les décors même réduits à leur plus simple expression, la patte Cameron Menzies se fait bien sentir. D'autant que le réalisateur semblait posséder une idée fixe sur les labyrinthes, puisque plusieurs de ses films en possèdent un dans leur narration.

Le scénario s'inspire d'un écrit du romancier suisse Maurice Sandoz. Les amateurs auront tôt fait de remarquer que tout se déroule dans le manoir Craven, un nom prédisposé ! Des 110 pages du roman, Hollywood effectua quelques changements d'histoire de mieux se glisser dans les standards des années 50. En effet, Kitty disparait assez vite du roman, car l'héroïne reste la tante Edith. Inversement des rôles dans l'adaptation cinématographique afin de mettre en valeur une jeune héroïne blonde. Quelques autres éléments, comme les membres du château qui doivent eux-même s'enfermer dans leurs chambres' alors que le film laisse les majordomes enfermer eux-mêmes chaque invité. Des changements à la marge qui modifient cependant quelque peu la tonalité générale.

Bien plus que dans la majorité des films B de l'époque, il faut pointer l'interprétation hors norme de l'ensemble du casting. Veronica Hurst bénéficie d'un rôle avec de la chair à défendre et sa palette d'émotions transparait aisément. D'autant que le scénario évite soigneusement de la faire hurler au moindre semblant de danger. Un véritable contre-exemple de ce que les années 50 produisirent pour la gente féminine. Le solide Richard Carlson donne aussi dans un large éventail, apparaissant fiancé énamouré bourré d'humour, virant au châtelain aigre, vieilli et parcouru de sombres pensées. Les deux ajoutent à la crédibilité du récit gothique qui se construit graduellement.

Concernant la 3D, il faut bien avouer qu'il s'agit d'un des films qui l'utilisent le mieux! Une profondeur de champ absolument phénoménale, permettant au réalisateur d'utiliser pas moins de 4 niveaux de visions successifs sur un seul plan. En plus, la plupart des éléments cadrés permettent de voir non seulement le premier plan de manière nette, tout comme l'arrière plan - voir par exemple la scène de la piscine au début du film. saisissant. Qui plus est, William Cameron Menzies possède l'intelligence de ne pas céder aux facilités inhérentes à beaucoup d'oeuvres en 3D de l'époque. A savoir de projeter inutilement des éléments au visage du spectateur... Sa conception de la 3D, au diapason de son travail de chef décorateur, s'avère beaucoup plus immersive. Même des éléments présentés devant les yeux du spectateur, surgissant de l'écran, le sont de manière intelligente et ayant un rapport avec le fil narratif. On pardonnera de ce fait la scène de cabaret, qui semble être une concession effectuée à Walter Mirisch, le producteur exécutif (derrière LES 7 MERCENAIRES ou encore SCORPIO bien plus tard), histoire de dupliquer une scène de danse de L'HOMME AU MASQUE DE CIRE en 3D, qui venait de remporter un énorme succès lors de sa sortie en avril 1953 - soit un mois avant le tournage de THE MAZE.

Menzies observe un style visuel emprunt d'atmosphère élaborée autour des étranges décors, rappelant intrinsèquement UNE SOIREE ETRANGE (dont, hasard ou coïncidence, l'héroïne Lilian Bond se retrouve ici dans le rôle de Margaret Dilling) ou encore LE CHAT ET LE CANARI. A l'instar des ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE, doté justement d'un labyrinthe souterrain, il élabore un gothique sévère et trahissant un budget relativement bas. Mais aux noirceurs et recoins inquiétants, à la volonté de diminuer la présence de l'homme dans des pièces délibérément agrandies. Une certaine démesure des éléments. Avec des décors qui rappellent ceux dessinés par Salvador Dali pour la sortie du livre, par exemple. Un style épuré, austère, qui repose aussi sur de nombreux jeux d'ombres. Idem pour le mystérieux labyrinthe du titre, vu de manière lointaine à plusieurs reprises, mais qui prend son essor dans le dernier quart du film. Une évidence d'influence conceptuelle pour le plus tardif SHINING.

On ne saurait parler de THE MAZE sans évoquer la splendide et inquiétante partition musicale de Marlin Skiles. N'essayant pas de jouer sur l'emphase, typique des années 50 pour appuyer les effets, mais reste toujours en retrait, sur un thème principal avec peu de notes. Le final qui voit enfin le labyrinthe jouer un rôle proéminent, Stiles se déchaine à juste titre. A noter qu'il composa un morceau pour l'intermission qui intervient, comme pour tous les films en 3D des années 50, vers la 50e minute. Un morceau au préalable excisé lors des versions 2D, mais qui a été retrouvé et restauré pour cette édition.

Beaucoup de spectateurs ayant vu le film par le passé pointent le final décevant. Qu'il s'agisse du scénario en lui-même que de la représentation monstrueuse. Les indices disséminés le long du film soulignent une représentation difforme, quasi lovecraftienne par de la tératologie. Oui, les éléments choisis pour représenter ce qui se cache au creux du labyrinthe peuvent plus prêter à rire aujourd'hui qu'autre chose. En fait, la vision en 3D permet de combler quelque peu cette déception, car on sent qu'il s'agit principalement ce qui intéresse Cameron Menzies. Mais on ne peut s'empêcher de penser ce qui est passé par la tête des auteurs. Une fin qui oblitèrerait presque toute la construction dramatique qui vient de se dérouler sous nos yeux. Mais il se dégage néanmoins, avec ce saut de la créature à l'écran qui a du à l'époque terroriser les spectateurs, une odeur d'inhumain tragique. THE MAZE s'éloigne alors de ses contemporains avec ses monstres ravageant la population. Il se rapproche d'une conception humaniste de l'autre, rejoignant ainsi LE METEORE DE LA NUIT dans son essence. Un film de série B quelque peu pauvre en horreur, certes... Mais riche en atmosphère lugubre et doté d'une mise en scène rigoureuse - bien plus que sa réputation ne laisse transparaitre.

Ce Blu-ray américain propose un menu accessible à la fois en 2D et en 3D pour ceux qui sont équipés. Un accès au film en version 2D et 3D, aux pistes audio et aux suppléments. Le film est présenté en 1.37:1 noir et blanc, sur un BD 50, 1080p. Et d'une durée complète de 80mn22 - et non pas de 88mn comme indique faussement le dos de la jaquette. Et quel plaisir de constater que certaines compagnies écoutent encore leurs clients et laissent l'accès chapitré (au nombre de 8) depuis le menu!

Pour la version 3D, un seul mot : ren-ver-sant. La travail de restauration via un scan en 4K de la copie et un processus d'alignement dans sa version originale apparait positivement stupéfiant. Sans aucun doute, parmi les deux ou trois plus beaux travaux de 3D Film Archive. THE MAZE n'a jamais eu un look aussi spectaculaire, riche en détails, en profondeur de champ, en clarté. De la finesse des contours de visage aux gros plans lumineux, tout est sujet à émerveillement. Il demeure évident que le film perd considérablement de son impact en version 2D. Mais le film garde son écrin, sa richesse de texture et sa beauté retrouvée.

A l'instar de THOSE REDHEADS FROM SEATTLE ou encore LE METEORE DE LA NUIT, 3D Film Archive a choisi un film avec une piste stéréo. Mais n'a pu mettre la main sur la piste stéréophonique 3 canaux d'origine, définitivement perdue. Celle-ci a été reconstituée par un ingénieur du son allemand, Eckhardt Büttner, spécialement engagé pour l'occasion. Cette édition gratifie donc de deux possibilités : du DTS HD MA 2.0 mono, tout comme celle d'une DTS HD MA 3.0. Là aussi, un mixage inattendu offre un espace sonore qui apporte une dimension stéréophonique des plus confortables. Dialogues, effets sonores, ambiance musicale : un glissement stéréo naturel, discret mais très efficace. l'ensemble des sons se détache parfaitement, avec un souffle sonore presque réduit à néant. Un remarquable travail de restauration.

Kino Lorber a d'abord opté pour offrir une jaquette réversible des deux travaux graphiques disponibles. Et en plus du film annonce en 2D et 3D, Kino Lorber propose une interview rare et récente de l'actrice anglaise Veronica Hurst. Curieuse trajectoire que cette actrice anglaise qui explique avoir été envoyée à Hollywood pour tourner THE MAZE, sans trop savoir ce qui l'attendait. Si le document reste une apparition exceptionnelle de Mme Hurst, le contenu s'avère malheureusement assez peu intéressant au final. Beaucoup de détails sur ses rapports avec Richard Carlson, qu'elle aime visiblement beaucoup. tout comme un immense respect pour le réalisateur, la participation à la promotion du film.

L'autre morceau de choix reste le commentaire audio (en Version anglaise sans sous-titres) de, Tom Weaver, Bob Furmanek (de 3D Film Archive),Dr. Robert J. Kiss, et David Schecter. Des interventions croisées d'historiens spécialistes, qui couvrent à la fois l'histoire de la production, la réception du film. Tom Weaver se lance le premier, et interviendra en fil rouge le long du commentaire. Il démarre avec un historique très précis sur l'histoire du château et des origines de l'histoire qui conduisirent au roman et à son adaptation. Avec quelques révélations sur Richard Carlson (qui se révèle un affreux bonhomme au final). Un véritable puits de science, effectuant des parallèles entre le livre et son adaptation cinématographique. Il poursuit avec un tour de la réception du film par la presse, mais surtout des inexactitudes que le film engendra sur son origine, son tournage et les sociétés qui étaient derrière. David Schecter enchaine sur la bande originale du film. Bob Furmanek de 3D Film Archive, intervient vers la 50e minute, à la scène très réussie de l'arbre mort en 3D. Il revient intensément sur le processus de restauration en 3D, les difficultés rencontrées. Et surtout les raisons qui ont permis à la vague 3D de s'essouffler aussi rapidement qu'elle débarqua. Dr Robert J.Kiss arrive ensuite vers la 61e minute pour expliquer la sortie cinéma du film, remplie d'anecdotes assez savoureuses. Dont le traitement luxueux pour sa sortie 3D (et son énorme succès)'jusqu'à son traitement de seconde zone pour sa continuation en 2D. Mais également sa diffusion à la télévision fin 1961. Pour ensuite terminer avec Tom Weaver. Indubitablement, un commentaire parmi les plus exhaustifs, passionnants qu'on puisse entendre. Une sorte de raison d'être des suppléments pour des éditions telles que celle-ci.

En conclusion, si vous êtes anglophone, fans de films bizarres ou amateurs de 3D, cette édition de THE MAZE est immanquable!

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
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L'édition vidéo
THE MAZE Blu-ray Zone A (USA)
Editeur
Kino Lorber
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
USA (Zone A)
Date de Sortie
Durée
1h20
Image
1.33 (4/3)
Audio
English DTS Master Audio 3.0
English DTS Master Audio Stéréo
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Interview de Veronica Hurst (6mn08 - VO - HD)
    • Film annonce 3D et 2D (2mn14 - VO)
    • Commentaire audio de Tom Weaver, Dr. Robert J. Kiss, Bob Furmanek, et David Schecter (vo)
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