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Critique du film
#HORROR 2015

 

Un groupe de jeunes filles d'une douzaine d'années passe une fin d'après-midi ensemble dans la maison de la richissime mère de l'une d'entre elles (Chloé Sevigny). Obsédées par leur smartphone, postant des photos en rafale sur Instagram et compagnie, elles se laissent aller à des comportements de harcèlement par réseau social interposé. Jusqu'à ce que Sofia (Hayley Murphy), la plus garce, expulse Sam (Sadie Seelert) hors de la maison. Pendant ce temps, le père de famille (Balthazar Getty) se fait violemment trancher la gorge dans sa voiture par un mystérieux agresseur.

#HORROR est le premier long métrage écrit et réalisé par Tara Subkoff, designer, actrice et plasticienne américaine qui a également travaillé à la production de THE KILLER INSIDE ME de Michael Winterbottom. A mi-chemin entre un VIRGIN SUICIDES 2.0, empruntant les codes des jeux vidéo et du langage des réseaux sociaux. Mêlant le tout à un récit de serial killer aux confins de la schizophrénie pré-adolescente. Il semble par ailleurs inspiré d'événements réels, la tuerie liée au Slender Man où deux jeunes filles de douze ans ont tenté d'assassiner une de leurs camarades de plusieurs coups de couteaux. le tout pour impressionner un personnage de légende urbaine, le Slender Man, sorte de néo-croquemitaine numérique.

Le film déroute déjà par sa nature propre. Cette frénésie de couleurs, la métamorphose de l'enfance au prochain niveau (un peu comme un jeu de plate-formes) avec sa cohorte de couleurs agressives, de hashtags... une civilisation du « tout, tout de suite » passée au crible d'une création numérique visuelle au diapason des horreurs simplifiées que se propagent les jeunes filles. Des jeux de dupes/jeux de rôles adolescents que l'ennui trompe et que seule la technologie permet d'accéder à un état d'envie/jalousie numérique décuplée par la connectivité. Une sociologie d'objet de désir : la volonté du média social afin de ressentir quelque chose - n'importe quoi. Quitte à passer à l'acte du fait même de souhaiter verbalement la mort de son prochain. Et d'avoir l'approbation de ses « amies », toutes perdues dans le labyrinthe des fantasmes : arranger les détails qui gênent, s'inspirer du réel pour mieux le déformer. Harceler son prochain, quoi, d'aliénation en cruautés diverses.

En vertu du mimétisme que permettent les objets connectés, elles imitent la vie adulte. Séance d'habillage, de photos prises à la volée et de vacheries sur le physique ingrat de l'une, sur l‘air de lesbienne d'une autre, de la méchanceté considérée comme art du rire. le tout sur l'air de démission parentale. Chloé Sevigny en mère alcoolique, ayant elle aussi perdu la notion de valeur de l'argent et du relationnel. N'hésitant pas à laisser sa fille et ses amies seules le temps d'une rencontre entre Alcooliques Anonymes… alors qu'en parallèle les jeunes s'enivrent à grand coup de vodka « pour faire comme les parents ». Timothy Hutton en père possessif hystérique, brandissant couteau envers chacune lorsqu'il apprend que sa fille Sam a été expulsée de la maison et erre perdue en pleine forêt.

Dommage que la représentation du monde adulte, aussi responsable soit-il, se fasse sur le mode de la caricature la plus explicite. Hutton et Sevigny sont en mode roue libre total. Ceci sert certes de contrepoint au monde faussé créé par l'obsession de l'image que possède la progéniture grandissant trop vite. Il n'y a guère que Natasha Lyonne qui bénéficie d'un rôle absent de toute exagération. Même l'apparition de Taryn Manning n'est pas exempte de grotesque.

La grossissement de chaque trait demeure le maître mot de #HORROR. Une construction scénaristique curieuse : mettant en avant un meurtre sauvage en séquence pré-générique, pour glisser vers une après-midi de fun ado - en apparence. Le film excelle dans la fine observation de tangentes prises par chaque protagoniste. Une guerre larvée de pouvoir psychologique, à savoir qui prendra le dessus en balançant la plus jolie saloperie. Un harcèlement moral en règle comme moteur sociologique. Devenu quelque part normal, démultiplié par les réseaux sociaux et la rapidité de propagation des mots. Ce qui rejoint en pointillé le slasher australien 6 PLOTS (dont nous vous avions parlé lors de son passage au Marché du Film en 2012) utilisant déjà la technologie contemporaine comme moteur narratif et le visuel attenant pour ponctuer les actions. Qui pervertissait sa fonction première de communication en matériau de voyeurisme sur le web et en outil de destruction.

La mise en image souligne cependant assez lourdement le trait. Couleurs vives, sons crispants, montage haché…on comprend ce que souhaite faire Tara Subkoff, mais la fable devient très démonstrative dans sa dénonciation des effets pervers du harcèlement virtuel. Elle perd en force en croisant l'ensemble avec le récit de tueur en série qui bat la campagne. Le dernier quart du film se focalise sur la traque de l'ensemble du casting. Avec des effets plus ou moins réussis, louchant vers le Home Invasion, le tueur orné de masque rappelant furieusement THE STRANGERS. Le plus curieux étant que l'inspiration du film vienne d'un fait réel - rendant encore plus insupportable l'issue du récit.

La caméra et le format Scope tentent de tirer parti au maximum de l'habitation atypique où se déroule l'action. Très géométrique, tapissée d'œuvres d'art (dont certaines prennent littéralement vie !), aux multiples recoins cachés, couleurs agressives - perdue en contraste au milieu de bois solitaires enneigés. Une topographie accidentée des lieux aux pièces asymétriques qui répondent à la psychologie oblique de chacune. Même si au milieu du film les masques tombent via la seule discussion honnête que les filles échangeront. Où l'absence parentale est clairement pointée du doigt. On notera une très jolie scène où l'une des jeunes se trouve enfermée de nuit dans une pièce translucide sur fond de court de tennis, se cognant aux parois de verre, son sang éclaboussant tout à son passage.

Malheureusement, #HORROR ne choisit jamais ce qu'il souhaite être. Un slasher. Un objet expérimental croisant la palette numérique des écrans disponibles qui s'offrent à chacun. Une étude sociologique sur l'impact des réseaux sociaux et autres légendes urbaines sur les pré-adolescents. Une satire contemporaine arty-branchouille sur les relations viciées entre parents et enfants. Un petit morceau de chacune de ces influences, mâtiné d'un ton trop forcé et donneur de leçons pour être efficace. L'iconographie choisie est certes originale, tout comme la mise en images - la fin est un petit modèle sur l'immédiateté de la satisfaction individuelle, la diversité des écrans devenant plus une arme qu'un vecteur de connaissance. #HORROR ennuie rarement sur ses 90 minutes règlementaires mais demeure trop écartelé entre ses multiples influences pour posséder une identité propre.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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