Header Critique : SONNO PROFONDO

Critique du film
SONNO PROFONDO 2013

DEEP SLEEP 

Le titre évocateur de SONNO PROFONDO laissait entrevoir un hommage au Thriller à l'italienne), c'est à dire le Giallo. Mais ce premier long-métrage de l'argentin Luciano Onetti est, à l'arrivée, une énigme pour ceux qui ont pu le découvrir lors de son passage, hors compétition, au Festival du Film Fantastique de Gérardmer en 2014. Et ce même si l'ambiance du très kitsch Cinéma Paradiso de Gérardmer collait parfaitement au film ! Bien que provenant de l'Argentine, le film a été tourné en italien. Toutefois, cela ne dérangera pas tellement les spectateurs puisque les dialogues se font très rares...

Un tueur traumatisé par des souvenirs d'enfance va s'attaquer à une jeune femme sans se douter qu'il a été observé lorsqu'il était en train de commettre son crime. Il reçoit alors une enveloppe contenant des photos le prouvant, puis devient à son tour la proie du mystérieux témoin. L'histoire va alors se dérouler à travers l'œil du tueur représenté ici par la caméra.

Luciano Onetti est un cinéaste autodidacte dont les talents sont très variés. En plus de son métier de commissaire priseur, il est également musicien, réalisateur et même magicien ! SONNO PROFONDO a d'ailleurs été produit par son frère Nicola Onetti, collaboration qui va se poursuivre puisque les deux frères travaillent déjà sur un second métrage, de nouveau un Giallo.

L'ambition de SONNO PROFONDO, ce qui est une qualité, est de faire un Giallo comme dans les années 70, à la grande époque des thrillers italiens de Dario Argento, Sergio Martino ou, bien évidemment, Mario Bava. Et les références ne manquaient pas, déjà avec le titre qui évoque immédiatement PROFONDO ROSSO (LES FRISSONS DE L'ANGOISSE) voire même une contraction de NON HO SONNO (LE SANG DES INNOCENTS), deux métrages du Maître Argento. Mais l'hommage ne s'arrête pas là car Luciano Onetti reprend tout les codes du thriller à l'italienne de l'époque. L'histoire se déroule dans un décor des années 1970 jusque dans les moindres détails : des voitures aux vêtements, le téléphone, l'Art... La musique composée par Luciano Onetti lui-même est également très présente et fait directement référence à celles composées par Ennio Morricone pour les Gialli des années 1970 (LE CHAT A NEUF QUEUES, QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS...). Le déroulement du long-métrage suit également ces mêmes codes puisque l'on découvre que le tueur, ayant subi un trauma dans son enfance, se livre à des rituels fétichistes : du crayonnage de dessin enfantin représentant un crime, fixation sur des vieux jouets, le fameux couteau et même des instruments chirurgicaux. Sans oublier la traditionnelle obsession des femmes aux mœurs légères considérées comme diaboliques et donc cibles parfaites du crime. Bien entendu, le film n'oublie pas une ritournelle de boîte à musique venant déclencher le passage à l'acte tout en ponctuant le métrage de cette note paradoxale qui fait le lien entre l'univers enfantin et une violence adulte.

En outre, le film a été tourné avec les techniques du Giallo à cette époque comme l'utilisation massive de gros plans. Rien de surprenant puisque la caméra représente l'œil du tueur tout au long du film. Et c'est là que l'hommage au Giallo s'arrête, car la plus grande lacune de SONNO PROFONDO réside dans son scénario qui ne tient pas la route. Le film est une succession de plans longuets sur des objets, des jouets, et un peu tout ce qui tombe sous la main du cinéaste ! Le fait qu'Onetti s'attarde sur le visuel au détriment des dialogues rend le long-métrage très subjectif. Par ailleurs, nous voyons rarement les personnages en entier en raison de cette profusion de gros plans. Il n'y a pas (ou peu) de dialogues, et le spectateur doit essayer de deviner ce que le tueur a dans la tête pour tenter de comprendre quelque chose à l'histoire (et ce n'est pas évident ! ). Si l'idée était de nous faire partager la mentalité du tueur au travers de la caméra sans jamais montrer tout en voulant conserver une aura de mystère, le cinéaste loupe le coche. On se retrouve assez vite perdu et il apparaît difficile de s'identifier aux personnages puisque l'on ne voit rien d'autre que des trottoirs, des routes, des objets et tout ce sur quoi la caméra s'attarde longuement, bien trop longuement...

Le film est tellement axé sur sa volonté de coller aux standards purement esthétique du Giallo qu'il en devient grotesque. A un tel point qu'on se demande si la volonté de Luciano Onetti n'était finalement pas de faire une parodie. D'ailleurs à la fin de la projection, on se pose encore la question. La caméra s'attarde souvent sur la paire de gants en cuir du tueur, lequel se retrouve plutôt embêté pour composer un numéro de téléphone sur un combiné à cadran ou encore d'insérer une petite clé dans une porte ! Il désigne d'une manière tellement évidente sa victime en pointant sa photo du doigt qu'il en prendrait presque le spectateur pour un benêt. Oui, on avait forcément compris son intention meurtrière ! Après avoir rincé son couteau maculé d'une peinture rouge représentant le sang, le tueur passe des gants en latex pour caresser non plus son couteau mais des instruments chirurgicaux. Fous rires garantis mais, au moins, cela permet de faire passer un message de prévention même si ce n'est pas l'intention d'origine... Sortez couvert !

L'espoir de découvrir un véritable hommage dans les formes au Giallo est anéanti au fur et à mesure que le film se déroule. Consternation et rires involontaires laissent la place aux frisson des Gialli d'antan. SONNO PROFONDO est un film basé uniquement sur son visuel, sans véritable histoire et personnages. On a beau aimer ce genre de films et aduler les maîtres incontestés du genre, n'est pas Dario Argento qui veut. Evidemment, on peut difficilement ne pas faire un parallèle avec les expérimentations d'Hélène Cattet et Bruno Forzani, lesquels proposait aussi, à leur façon, un hommage au genre. Suivant les mêmes traces, on ne comprend pas très bien où Luciano Onetti veut réellement en venir avec SONNO PROFONDO. Mais une chose est sûre, il nous a laissés dans un profond sommeil. Si le renouveau du genre doit se faire, ce sera très certainement sans lui !

Rédacteur : Anne Barbier
22 critiques Film & Vidéo
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