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Critique du film et du DVD Zone 1
THE BLOOD 2012

 

Shinji est un salaryman japonais pétri de solitude depuis l'assassinat de sa femme. Lorsque cette dernière lui apparaît sous forme de fantôme pour lui donner des indices quant à son meurtrier, Shinji va s'engouffrer dans la nuit tokyoïte en quête de vengeance. Il croisera le chemin de divers personnages, eux-mêmes blessés dans leurs âmes.

Réalisateur indépendant, français passionné par le Japon, Guillaume Tauveron a déjà derrière lui une longue filmographie faite de courts-métrages, dont SURVIVAL que nous avions chroniqué dans nos pages. Lorsqu'il se lance dans le projet THE BLOOD, le film n'était alors qu'un autre format court. Pourtant, l'ambition était déjà hallucinante par rapport à ses autres métrages : tourner le film au Japon avec une équipe japonaise ! Ce pari fou, Guillaume Tauveron le relève pourtant malgré toutes les difficultés possibles. Le tournage risquera même de s'annuler au dernier moment à la suite du séisme de mars 2011 qui provoqua la terrible catastrophe de Fukushima. La motivation et la bienveillance de l'équipe locale, tenant absolument à aller de l'avant durant cette période critique, sauvera le projet et permettra au film de se tourner comme prévu. Mieux que prévu devrait-on dire, puisque le réalisateur tournera au-delà de son plan de travail grâce à l'émulation de son équipe et de ses comédiens. De retour en France, Guillaume Tauveron commence à assembler le film et aboutit à un premier jet d'une durée bâtarde de soixante minutes. Grâce au soutien de nouveaux investisseurs, Guillaume Tauveron écrit quelques nouvelles séquences et repart au Japon quelques mois plus tard pour transformer THE BLOOD en long-métrage.

Le film suit l'errance de Shinji interprété par Takahiro Ono, aperçu dans le génial CONFESSIONS de Tetsuya Nakashima. A la recherche du meurtrier de sa femme, guidé dans les méandres des rues urbaines par le fantôme de celle-ci, Shinji s'ouvre à la violence, au désir de vengeance. Il se plonge simultanément dans une introspection d'une tristesse affolante, rongé par le doute. Car qui est le véritable meurtrier de sa femme ? L'homme qui lui a ôté la vie ? Ou bien Shinji lui-même, tellement absorbé par le travail que sa femme était déjà de son vivant un fantôme pour lui. THE BLOOD est donc collé à ce personnage de japonais voyant son monde s'écrouler, réalisant l'insuffisance de sa propre personne. Au-delà d'une image très proche du personnage, la narration se bouscule régulièrement pour littéralement entrer dans la tête de Shinji. Les flashbacks coupent le temps présent, nous perdant parfois quelques instants, pour mieux nous faire comprendre à postériori la chronologie de la détresse de cet homme.

THE BLOOD prend une autre dimension dès que Shinji rencontre, au gré de ses pas, toute une galerie de personnages habités par des douleurs faisant échos à ses propres contradictions. Tout d'abord un yakuza ultra violent, dont les grimaces menaçantes se révèleront n'être qu'une façade. Shinji sauvera par inadvertance Tomoko, une adolescente ayant fugué de chez elle pour fuir les assauts incestueux de son père. Tomoko est formidablement interprétée par la débutante Mari Yoshida, véritable révélation du film tant la jeune comédienne accroche la lumière et élève THE BLOOD. Formant dès lors un duo improbable, leur errance culminera dans l'appartement confiné d'une femme quarantenaire. Divorcée, ayant attaqué son employeur en justice, ce personnage incarne toute la détresse de la femme japonaise au rebut, hors course, «obsolète».

THE BLOOD est donc bien plus qu'un simple film de fantôme ou de vengeance. Il intègre avec beaucoup de bienveillance et de pudeur le film de «personnages», où les destins se croisent et influent les uns sur les autres. Il se dégage très rapidement du métrage une forme de spleen, de vide existentiel très clairement exacerbé par une mégalopole qui ne dort jamais, qui répond au moindre de vos besoins avant même que ces derniers ne puissent s'exprimer, mais qui oublie de rendre les gens heureux. Parfois très noir et désespéré, THE BLOOD s'oblige pourtant à l'optimisme, notamment lors d'un dénouement jurant quelque peu avec le reste du métrage.

THE BLOOD est donc une belle réussite, touchante et incarnée. Bien entendu, visionner le film implique de la part du spectateur quelques souplesses face au budget absolument ridicule du projet. THE BLOOD manque régulièrement de sophistication, d'une direction artistique forte dans les décors. Le découpage serait plus efficace avec quelques plans supplémentaires, le montage est parfois un peu rugueux. Mais quelles sont ces réserves face à l'incroyable défi de la réalisation d'un tel film ? Guillaume Tauveron se place avec ce métrage dans la courte liste des cinéastes ultra indépendants, assoiffés d'un cinéma neuf et lumineux à une époque où l'industrie professionnelle stagne dans la redite et les formules. THE BLOOD a été présenté au Festival de Yubari au Japon et a bénéficié d'une diffusion télévisée locale. En France, Mari Yoshida a été récompensée pour sa performance par les OFF de Cannes, une cérémonie alternative dédiée à la promotion des talents de demain. Sélectionné par le Festival du film japonais à Paris Kinotayo, diffusé lors de séances uniques à travers la France, nous espérons maintenant que THE BLOOD bénéficiera bientôt en France d'une distribution plus large.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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L'édition vidéo
ATTACK OF THE PUPPET PEOPLE DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Support
DVD (Simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h19
Image
1.33 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
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      Aucun
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