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Critique du film
MASKS 2011

 

Stella (Susen Ermich), une aspirante comédienne, est retenue dans une école privée d'art dramatique à la réputation sulfureuse. Dans les années 70, son fondateur, Gdula Matteusz, a mis au point une «méthode» très déstabilisante qui a poussé au suicide les apprentis comédiens. Bien que Gdula soit également décédé, Stella va découvrir que sa présence malsaine est toujours bien présente dans l'école.

On vous avait déjà parlé de MASKS lors de notre rencontre avec son réalisateur, l'allemand Andreas Marschall, lors du Marché du Film de Cannes 2011. Déjà auteur du très bon TEARS OF KALI en 2004, Marschall peinait depuis à lancer un deuxième long-métrage dans un paysage allemand totalement réfractaire au cinéma de genre. Il finira par s'autofinancer pour les besoins de MASKS, un tout petit budget destiné à rendre hommage aux giallos italiens des années 70. Investissant une école d'art dramatique pendant les vacances, intégrant les étudiants au projet à la fois devant et derrière la caméra, Marschall construit laborieusement MASKS avec les moyens du bord. Pas encore visible lors du Marché de Cannes en mai 2011 (pour cause de bande son non achevée), le film entame la route des festivals dès l'été. Malgré son statut de petit film autoproduit, MASKS fait le tour des plus gros évènements de genre notamment en Europe (entre autres le Ravenna Nightmare Film Festival en Italie, le Festival de San Sebastian en Espagne, le Razor Reel en Belgique, le TIFF en Roumanie). En France, le film est programmé lors du PIFF à Paris où il remporte le prix du public. Un très beau parcours pour un métrage qui, malgré la modestie de ses origines, le mérite amplement.

MASKS est très clairement inspiré de SUSPIRIA de Dario Argento. Le canevas narratif est le même avec cette jeune comédienne atterrissant dans une école oppressante dont les secrets sont dissimulés dans une aile abandonnée de l'établissement, derrière une porte fermée à double tour. Toutes personnes s'approchant de la vérité sont exécutées par un mystérieux tueur ganté, surgissant de nulle part, pour donner lieu à des meurtres particulièrement sanglants et outranciers. Stella percera le mystère de l'école avec l'aide d'une amie étudiante, non sans être manipulée par le personnel ambigu des lieux. MASKS sent la copie carbone et pourtant, le film est doté d'une personnalité propre qui nous emporte littéralement. Le film ne mise pas sur «le conte de fée pour adulte» mais plus sur le thriller fiévreux et cauchemardesque. La force de MASKS est de nous donner l'impression, non pas de visionner un hommage aux giallos, mais de voir un authentique giallo d'époque qui se serait égaré dans les méandres de l'histoire du cinéma. MASKS est un SUSPIRIA-like que l'on aurait enfermé dans une «time capsule» pendant 40 ans pour ne l'ouvrir que maintenant.

Nous sommes plongé dans l'ambiance dès le début du film grâce à l'excellente musique signée par des membres du groupe de métal Orden Organ, ici reconverti en auteurs de ritournelles Goblinesque du meilleur effet. Si les effets de couleurs photographiques sont bien au rendez-vous, c'est surtout la narration très onirique du film qui nous ramène au charme inégalé du giallo. Le fil narratif est effectivement très étonnant pour un film moderne, n'hésitant pas à nous perdre dans la désorientation de Stella sous l'emprise de l'école. On décroche parfois ponctuellement dans ce labyrinthe de situations que nous ne parvenons pas toujours à bien relier entres elles, sans aucun doute un effet indésirable d'un tournage très morcelé par les contraintes économiques. On est parfois frustré que d'excellentes séquences ne soient que des scènes isolées, sans réelle incidence sur la suite de l'histoire (la formidable séquence où les étudiants comédiens apprennent à se libérer de leur égo en portant les fameux masques du titre). Mais le film parvient toujours à retomber sur ses jambes grâce à ses nombreuses idées visuelles, grâce à la qualité de son interprétation, le sadisme de ses séquences de meurtres (dont une égorgement au ciseau insupportablement réussie)... Le film emporte l'adhésion aussi et surtout grâce à son excellente ambiance s'alourdissant au fur et à mesure que l'intrigue se resserre sur le mystère de la disparition de Gdula Matteusz, dont les secrets seront percés dès lors que Stella parviendra à ouvrir cette intrigante porte condamnée.

Le final du film se rapprocherait quant à lui d'INFERNO, toujours d'Argento, mais avec une dimension rationnelle qui le rapprocherait plus de l'effet «twist». Cette toute dernière partie, très impressionnante tout en étant incroyablement grisante, possède la force d'un dénouement tel que le final de SAW. Le film nous lâche alors sur une excellente note, nous faisant immédiatement oublier les quelques errements du film. MASKS est donc une très bonne surprise qui ravira les amoureux du giallo mais aussi les cinéphiles au sens large, heureux de trouver (enfin) un film qui ne confond pas hommage et caricature.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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