Header Critique : OCCHIO, MALOCCHIO, PREZZEMOLO E FINOCCHIO

Critique du film et du DVD Zone 2
OCCHIO, MALOCCHIO, PREZZEMOLO E FINOCCHIO 1983

 

Lino Banfi est un monument national italien. Il a écumé les années 70 à grands renforts de comédies sexy ayant rencontré un succès certain des deux cotés des Alpes, entre LA LYCEENNE REDOUBLE, L'INFIRMIERE DE NUIT ou encore le très pénible LA BAIGNEUSE FAIT DES VAGUES. Sa filmographie est une collection de perles bisseuses à faire pâlir d'envie beaucoup d'entre nous. Mais il lui est arrivé aussi de tourner avec Sergio Martino, l'un des nombreux touche-à-tout talentueux que le cinéma populaire italien des années 70 et 80 a pu connaître.

Ainsi le réalisateur émérite du CONTINENT DES HOMMES POISSONS ou de L'ETRANGE VICE DE MADAME WARDH a lui aussi beaucoup donné dans la comédie qui tâche. L'ALLENATORE DEL PALLONE sur le monde du foot en 1983 a connu une séquelle tardive en 2008 (toujours avec Banfi), ce qui a très bien rempli les poches de tout le monde. Banfi sortait alors de deux énormes succès entre 1981 et 1982 : VIENI AVANTI CRETINO et CORNETTI ALLA CREMA avec, une nouvelle fois, Martino. De la même façon, le réalisateur italien avait connu un excellent accueil pour ses films RICCHI, RICCHISSIMI… PRATICAMENTE IN MUTANDE et SEXYCON. Ce qui est d'ailleurs assez paradoxal : les succès locaux de Sergio Martino sont en grand partie ses comédies alors qu'il est essentiellement reconnu hors des frontières transalpines pour ses opus de polizieschi, gialli, d'aventures ou encore de science-fiction. C'est donc une comédie teintée de fantastique qui nous intéresse ici : OCCHIO MALOCCHIO PREZZEMOLO E FINOCCHIO. En traduction littérale : ŒIL, MAUVAIS ŒIL, PERSIL ET FENOUIL. Un métrage qui réussit l'exploit de se classer 64ème au box office italien en 1983 devant des films comme SUPERMAN III, PSYCHOSE 2, 48 HEURES. Un métrage totalement inexploitable en France...

OCCHIO MALOCCHIO PREZZEMOLO E FINOCCHIO se divise en deux parties n'ayant aucun rapport l'une avec l'autre. La première. Tout d'abord «Il pelo della disgrazia» avec son titre difficile à traduire littéralement en français. En effet, ce qui pourrait se traduire par «le poil du malheur» est, en réalité, un jeu de mot transalpin sur «pelo» signifiant «un petit rien». Dans cette histoire, on retrouve Lino Banfi jouant de malchance. Il se croit victime d'un sort qui s'acharne sur lui et son commerce de vente de télévisions. Il poursuit alors son nouveau voisin qui lui semble être responsable de sa vie misérable. L'autre partie, «Il Mago» («le magicien») met en scène Johnny Dorelli (ARRIVA DORELLIK et M. Gloria Guida dans la vie, excusez du peu), un magicien raté rencontrant une sorcière de plus de trois siècles qui lui lègue ses pouvoirs.

Ce qui aurait pu être une amusante comédie sur les manies petites-bourgeoises italiennes tourne assez court. Plat, mou et filmé de manière strictement télévisuelle, on assiste à un numéro de gesticulation Banfienne. Puis une sexy-comédie où Dorelli offre une porte de sortie à l'hystérie de Lino. Juste bon à palier le manque d'imagination de l'ensemble, qui demeure finalement assez théâtral. Dire que la même année, Sergio Martino va sortir 2019 APRES LA CHUTE DE NEW YORK, c'est le jour et la nuit ! Moins à l'aise ici, la partie Banfi semble souffrir de ce qui allait précipiter le style Martino, à savoir l'influence d'un style télé qui allait plomber non seulement CRIMES AU CIMETIERE ETRUSQUE (série remontée en film) mais également le reste de sa carrière, en mettant un petit bémol du côté d'ATOMIC CYBORG.

Il existe toujours ce fantasme typiquement italien où des bourgeois, petits, bedonnants et laids sont attirés par des jeunes femmes sexy... Et, évidemment, que celles-ci sont attirées par le bonhomme en question. Une manière de rassurer le mâle italien quarantenaire séduit par le concept malgré la connerie ambiante, son embourgeoisement, l'embonpoint et la perte de cheveux... Ce fut Edwige Fenech dans CORNETTI ALLA CREMA et ici, Janet Agren en professeur d'aérobic. Dotée d'un accent anglais forcé, elle malmène le pauvre Lino en séance de gymnastique et autres joggings. Bien fait !

On doit quand même admettre le tour de force que Lino Banfi s'évertue à exécuter à longueur de film. Quand il ne fait pas le mari cocufié pleurnichard ou le coureur de jupons, il hurle, trépigne, grimace, pleure et virevolte comme ce n'est pas permis. C'est une centrale nucléaire au bord de l'explosion en permanence. Son accent, oscillant entre Bari et Naples mêlé à son débit ininterrompu de paroles ou insultes et menaces, rend parfois difficilement compréhensible son action : on remercie les sous-titres italiens présents sur cette édition. Les allergiques au style Banfi peuvent évidemment passer leur chemin. Mais force est de reconnaître que cette mini satire du bourgeois italien moyen dépasse les conneries ras-la-culotte de Mariano Laurenti ou Michele Massimo Tarantini. Non pas que les sept scénaristes qui se soient acharnés sur le projet aient fait des miracles – on en est TRES loin -, mais cette caricature d'un homme persuadé d'être victime du mauvais œil provoque quelques sourires mais jamais de rire franc et massif.

La légèreté du propos n'est certainement pas de mise et les traits demeurent grossiers. La sempiternelle bonne noire, la fille dévergondée et son petit copain obèse qui devient disciple d'Hare Krishna. Comme un énorme croissant à la crème, on frise l'indigestion. En fait, au bout d'une demi-heure, le scénario ne va nulle part. Il se borne à empiler les complications, claquements de porte, voisine en porte-jarretelles (ah ! Dagmar Lassander en bourgeoise grivoise !), gris-gris en tous genres et nouveaux hurlements... Il y en a un peu marre ! Et l'argument fantastique s'évente, demeurant un mécanisme narratif somme toute banal pour servir la soupe à Lino. En parlant de soupe, le titre du film fait référence à une scène où Lino Banfi prend un bain avec quelques légumes autour de lui et prononce la phrase «Œil, mauvais œil, persil et fenouil... je me baptise contre le mauvais œil» tout en s'aspergeant de liquide. Classe !

L'autre segment se veut nettement moins violemment animé, même si quelques accents hystériques saupoudrent l'action. On retrouve la thématique du mage présente dans le premier segment, mais aucun lien apparent. Et on ne peut pas dire que Johnny Dorelli pulvérise l'écran de bouffonnerie. Son registre comique est beaucoup plus ténu, favorisant la petitesse du comportement et la lâcheté. Les fans noteront un clin d'œil à SUSPIRIA lorsque le mage se rend au chevet de la vieille sorcière. La scène du lit ne rappelle pas Jessica Harper terrorisée l'arme à la main, mais l'intention est là !

Curieusement, le mage, limite escroc, est un parasite de la société. Sa rencontre avec la sorcière qui lui cède ses pouvoirs – en buvant de l'urine de lapine enceinte, vaut le détour. C'est en fait le meilleur segment du lot, de montrer un homme passer d'escroc à la petite semaine haranguant les foules sur les marchés à sorcier. Et qui transforme ses pouvoirs pour le transformer en richesse sonnantes et trébuchantes, en bon petit capitaliste moyen. Mais le scénario ne va hélas pas très loin. Condamné à remplir 50 minutes de métrage, le film fait le détour par des scènes inutiles. Comme on est dans une sexy-comédie et que la «comédie» (ahem) est présente, il faut l'argument sexy. Ca passera donc par une scène gratuite où une femme aux seins électrisés et au vagin denté viendra voir le mage pour guérir et enfin faire l'amour avec son mari. Quota de seins et fesses atteint pour cette deuxième partie. Le tout pour voir à la fin un homme aux pouvoirs illimités qui se réduit à affronter le magicien Silvian (jouant son propre rôle) dans un combat de magie. C'est un peu consternant, se termine à nouveau dans des hurlements et des grimaces. Ce ne sont pas les jeux de mots, le clin d'œil à Lino Banfi et le comique troupier qui viendront tromper l'ennui. On sent le budget étriqué vus les décors et le public anémié. Et la caméra de Martino reste vissée comme peut l'être celle utilisée pendant la diffusion du match Silvian-Gaspar. Strictement fonctionnelle.

OCCHIO MALOCCHIO PREZZEMOLO E FINOCCHIO reste un film schizophrène sur les superstitions et la petitesse de l'italien moyen. Mais sans la finesse d'un Risi ou d'un Monicelli, Banfi, Dorelli et Martino donnent un produit médiocre, répétitif et finalement pas très drôle.

Un autre point négatif : la partition donnée par les inoxydables Guido et Maurizio de Angelis est tout bonnement épouvantable. Dès le générique de début, des couinements électroniques qui s'assemblent en vague mélodie supposément comique qui se hisse à peine au niveau d'un jingle commercial pour une émission TV d'il y a trente ans. Le reste de la partition rend parfois le film insupportable. Et il faut se taper le thème principal au moins une dizaine de fois pendant les 114 minutes du film. Au secours !

L édition DVD disponible via le journal La Gazzetta dello Sport est sortie dans l'ensemble des maisons de presse italienne, dans la collection «Lino Mania», au milieu d'une rafale de titres dont Lino Banfi est le héros. Nouveau fourreau, nouvelle couverture, sous laquelle se trouve en fait l'ancienne version DVD sortie chez Federal Video il y a quelques temps. Autant dire qu'il s'agit d'un strict minimum. A savoir le film au format d'origine 1.85:1 et en 16/9ème, d'une piste italienne en mono encodée sur deux canaux et d'un accès par 16 chapitres. La présence de sous-titres italiens amovibles est appréciable. Les courtes biographies des principaux protagonistes et du réalisateur peut éventuellement apporter un plus pour qui ne connaît pas Sergio Martino ou Janet Agren... mais les amateurs bisseux feront l'impasse. Cela reste à un niveau informatif amateur. Seule la bande annonce originale présente un éventuel intérêt, et on laissera de côté la page fixe «catalogue» de l'éditeur.

La qualité visuelle est juste médiocre. Un transfert pâle qui semble suivre le choix du type de stock 35mm utilisé en Italie pendant la fin des années 70 et début des années 80. Quelques artefacts sont décelables ça et là : poussières et quelques griffures, surtout lors de scènes où le blanc est privilégié à l'écran. Beaucoup de grain, aussi.. il n'y a qu'à faire un arrêt sur image pour se rendre compte de l'étendue des dégâts. La définition est parfois grossière, en rien aidé par la pâleur des couleurs. Rien de bien notable sur la piste sonore, qui sature légèrement lorsque les cris sont ajoutés à la gesticulation (voir le début du segment «Il Mago», avec le public qui hurle sur le plateau télé). Du souffle notable, qui parvient à couvrir quelques lignes de dialogues. Bref : ça n'est pas bien fameux.

L'édition sortie de par la Gazzetta offre cependant en plus un petit livret de 16 pages, contenant les dates de sorties des prochains DVD de la collection, raconte de A à Z la trame du film : pas très intelligent. Le livret fait aussi un focus sur le rôle et la carrière de Janet Agren, également sur le second rôle Corinto Marchialla, tout comme le second segment «Il Mago». Le tout n'oublie pas d'égrener les meilleures répliques du film. Il ne faut enfin pas se fier aux informations au dos de la jaquette, la durée de 119 minutes est inexacte, tout comme a été oublié une partie des bonus.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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Le fait que ce soit mieux que Prisonnières de la vallée des dinosaures, mais les gouts et les couleurs, ça se discute...
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Ca manque d'Edwige Fenech et d'une copie décente
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L'édition vidéo
OCCHIO, MALOCCHIO, PREZZEMOLO E FINOCCHIO DVD Zone 2 (Italie)
Editeur
Federal Video
Support
DVD (Simple couche)
Origine
Italie (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h54
Image
1.85 (16/9)
Audio
Italian Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Italien
  • Supplements
    • Film annonce
      • Filmographies
      • Sergio Martino
      • Lino Banfi
      • Johnny Dorelli
      • Janet Agren
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