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Critique du film
CASE DEPART 2011

 

Régis est un conseiller municipal apprécié et conciliant alors que Joël sort de prison pour avoir braqué le sac d'une petite mamie. Tous deux ont connu des destinées très différentes alors qu'ils sont fils d'un même père, chaud lapin antillais aujourd'hui mourant. Contre leur gré, les deux hommes se rendent sur place afin de saluer cet homme qui les a abandonnés tout jeunes... Papa Grosdésir rend alors son dernier souffle et leur laisse un curieux héritage : L'acte d'affranchissement qui rendit la liberté à leurs ancêtres esclaves. Incapables de prendre la juste mesure de la symbolique portée par le document, Régis et Joël le déchire. Leur vieille Tante, une femme dotée de pouvoirs mystiques, expédie alors les deux ignares en 1780, où ils vont goûter les peines de l'esclavage et l'injustice de la condition noire...

Tous deux complices au Jamel Comedy Club, Thomas N'Gijol et Fabrice Eboué auront néanmoins eu des carrières parallèles, faites de spectacles comiques bien sûr, mais aussi d'apparitions ou participations au sein d'émissions, téléfilms et films de cinéma. Leurs routes se seront croisées de manière régulière mais ce n'est qu'en 2010 qu'ils réaliseront le projet commun qu'est CASE DEPART. Pour la rédaction du scénario, N'Gijol et Eboué s'associent à Jérôme L'hotsky, à qui l'on doit l'écriture de GREGOIRE MOULIN CONTRE L'HUMANITE en 2001 et la mise en boite de FOOL MOON en 2008. Peu familiarisés avec la réalisation, le duo se fera également épauler dans ce domaine. Lionel Steketee apportera donc ses connaissances acquises au poste d'assistant réalisateur sur LE PACTE DES LOUPS, HOTEL RWANDA, FATAL et quelques autres métrages significatifs.

Reste qu'objectivement, malgré la multiplication des mains et des expériences, CASE DEPART a tout du premier film, à la photographie sans réelle personnalité et à la mise en scène franchement plate. De même, on ne peut pas dire que le scénario fasse réellement illusion et que l'on fasse dans la dentelle. En fait, bien que le sujet de l'esclavage soit des plus sérieux et finalement peu traité au cinéma, le métrage progresse avec d'énormes sabots, multiplie les clichés et tend clairement à favoriser le rire gras. Certains y verront sans doute matière à reproche ou mépris : Comment peut-on s'amuser aussi lourdement d'un sujet grave, qui plus est profondément ancré dans la mémoire collective antillaise ? La question se sera en réalité posée très tôt, avant même le début du tournage. En raison des réticences de la population locale, le film ne sera ainsi pas tourné en Martinique mais à Cuba et ce sur une durée plutôt courte. La mise en boite sera elle-même suivie de nombreux débats, notamment sur le web, et d'appels au boycott avant même que le film ne soit visible. A contrario, le métrage aura également bénéficié d'une certaine attente et, après quelques jours d'exploitation, d'une bonne fréquentation…

A la vision du film, il semble rapidement évident qu'il convient de prendre un certain recul. Nous l'avons dit, l'humour est potache et, à dire vrai, assez inoffensif. Fonctionnant sur un postulat relativement proche de celui de LES VISITEURS, CASE DEPART joue en réalité du décalage tout autant qu'il parle d'esclavage ou d'intégration. Les deux protagonistes présentent ainsi deux portraits volontairement extrêmes et brossés à la truelle, l'un pliant sous une autorité blanche raciste, alors que l'autre s'avère en constant état de révolte. Dès les présentations, les clichés s'accumulent, plutôt drôles et finalement assez proches de ceux généralement véhiculés par la presse ou les actualités. Le ton est décontracté et enlevé, incitant plus au rire qu'à la critique. Puis c'est au tour de la famille antillaise de passer à la casserole de l'aimable parodie, avec par exemple le papa queutard dressant le bilan de ses conquêtes, et la vieille tante aux pouvoirs magiques. Suivrons ensuite de cinglantes réflexions racistes, une maman africaine dispensant avec entrain les claques à son grand fils, une poignée d'allusions homosexuelles, un running-gag inévitable sur la taille des sexes et l'écorchage en règle d'une certaine bourgeoisie française. Nous resterons toutefois dans des limites gentillettes, familiales et au final très éloignées des comédies trashs américaines.

Loin de se vouloir moralisateur, CASE DEPART n'a ni l'ambition d'être gratuitement moqueur, ni celle de pointer du doigt certains travers de notre société. Le métrage ne se permettra finalement que quelques lueurs d'espoir, présentées sous forme d'une certaine tempérance des comportements. Malgré un second degré constant, les faits historiques sont traités avec le respect et les égards qui leur sont dus, nos (anti-)héros prenant finalement la juste valeur du drame subi par leurs ancêtres.

Au-delà d'une certaine polémique, CASE DEPART remplit donc son contrat agréablement. Celui de divertir modestement sans faire de mal, d'égratigner gentiment sans jamais blesser. Malgré les quelques maladresses de mise en scène déjà citées et une poignée de séquences inégales en terme de jeu d'acteurs, ce premier métrage écrit à trois mains et réalisé à six est par conséquent une comédie estivale tout à fait recommandable. Ne boudons pas notre plaisir, si peu nombreuses étant les comédies françaises pouvant prétendre au même bilan. Gageons que cela suffira à donner les coudées franches à une nouvelle collaboration N'Gijol / Fabrice Eboué...

Rédacteur : Xavier Desbarats
Photo Xavier Desbarats
Biberonné au cinéma d'action des années 80, traumatisé par les dents du jeune Spielberg et nourri en chemin par une horde de Kickboxers et de Geishas, Xavier Desbarats ne pourra que porter les stigmates d'une jeunesse dédiée au cinéma de divertissement. Pour lui, la puberté n'aura été qu'une occasion de rendre hommage à la pilosité de Chuck Norris. Aussi, ne soyons pas surpris si le bougre consacre depuis 2006 ses chroniques DeViDeadiennes à des métrages Bis de tous horizons, des animaux morfales ou des nanas dévêtues armées de katanas. Pardonnez-lui, il sait très bien ce qu'il fait...
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