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Critique du film
THE HUNTERS 2010

 

Production franco-luxembourgo-belge tournée en langue anglaise, on se demande comment THE HUNTERS a pu atterrir dans un Festival de Film fantastique comme celui de Gérardmer en 2011. Peut-être est-ce le tournage dans un fort lorrain non loin du lieu du festival ? Mystère ! Toujours est-il que cette histoire de chasse à l'homme dans un endroit clos extérieur était un sujet plus qu'intéressant sur le papier.

Dans un pays anglophone au moment de Noël, un ancien militaire nommé Le Saint (Chris Briant) intègre les forces de police. Cantonné à des travaux administratifs, il déterre de sombres histoires de disparitions inexpliquées. Mais son chef (Terence Knox) lui demande d'assurer le transfert d'un témoin important dans une affaire mafieuse. Sa route va toutefois croiser celles de quatre amateurs de chasse à l'homme dans un fort abandonné.

THE HUNTERS se situe à la croisée d'un nombre important de films ayant déjà écumé ces mêmes rivages. Entre LA CHASSE DU COMTE ZAROFF, LA DIXIEME VICTIME, CHASSE SANGLANTE, LES TRAQUES DE L'AN 2000, QUE LA CHASSE COMMENCE... Tous avaient à cœur un sujet identique mâtiné de réflexion sociale. Les prétentions de l'auteur/réalisateur/acteur semblent se diriger vers les mêmes eaux. Malheureusement THE HUNTERS va rester à quai par manque d'inventivité, un scénario prévisible, confus, brassant trop de thèmes perclus de personnages inutiles, et un manque de charisme total du héros.

Déjà, appeler un film THE HUNTERS pose un problème de taille : celui de la reconnaissance. Un titre porté déjà par nombre d'autres œuvres passées. Entre THE HUNTERS de Dick Powell en 1957 avec Robert Mitchum, celui des CHASSEURS Theo Angelopoulos en 1977, le téléfilm éponyme de Bharat Nalluri (THE CROW 3, TORCHWOOD saison 4) en 2006... la liste est assez longue.

Ensuite, la progression dramatique augure un certain nombre de soucis. Le scénario propose trois intrigues montées en parallèle. Tout d'abord la trajectoire du héros revenu de la guerre et son inévitable cicatrice intérieure qui-fait-de-lui-quelqu'un-à-part. Rien de bien neuf dans la mise en scène des réintégrations de héros dans la société civile. Ensuite, la bluette sentimentale qui semble se développer entre lui et la jeune femme (Dianna Agron) rencontrée lors d'un banal jogging. On comprend bien la velléité d'humaniser le héros, mais cette sous-intrigue ne sert à rien à tout. D'ailleurs, il n'y a qu'à ôter cette partie du film et l'on voit clairement que la narration tient debout, y compris les motivations du héros et sa perception par le public. Peut-être cela aurait-il rendu le film moins léthargique ? Enfin, et c'est ce qu'il y a de plus intéressant, les vies parallèles des chasseurs Ronny et Oliver (Steve Waddington et Tony Becker). Deux hommes ordinaires, qui sont en fait les vrais héros du film : l'un professeur, l'autre réparateur d'ordinateurs. Une vie banale : travail, famille, ennui. Un ennui trompé via des exaltations masculines viriles. Retrouver des idéaux vrais, le sens de la chasse, des codes d'honneurs, de la mise à mort. L'odeur du viking qui sommeille en eux. Une proie ultime : l'homme.

Un autre élément gène terriblement : le côté prévisible des personnages et du scénario. Par exemple, dès l'insistance du chef de police à empêcher le héros à effectuer les recherches qu'il souhaite, on sait que quelque chose ne tourne pas rond. Comme cela intervient dès le début du film, autant dire qu'une partie du suspens apparaît rapidement éventé. Le jeune Stephen (Jay Brown) ne sera vu que comme un jeune violent, dont le poste de serveur dans un restaurant le montrera comme lui aussi oppressé par le vie quotidienne. Cela ne contribue pas à le rendre un tant soit peu attachant. Idem pour l'autre jeune William (Xavier Delambre), à peine dessiné par le scénario. A y réfléchir de plus près, on sent également poindre un élément qui faisait aussi sortir de leurs gonds des hommes à priori sans histoire : HOSTEL, et ses riches hommes venant torturer allègrement de l'humain. Pas de torture porn ici, mais un argument qui y ressemble.

Le film ne semble vraiment sortir de la routine et de l'ordinaire qu'à travers quelques fulgurances fugaces. L'affrontement entre Le Saint et William : dans une pièce macabre remplie de têtes décapitées, William effectue une danse de mort à forte connotation sexuelle. Séduction de la proie, autosatisfaction, simulation de pénétration... la chasse de William passe par une expression narcissique de la sexualité liée à la mort. Ce qui va décupler son agressivité et donner l'un des plus beaux combats du film. On aurait ainsi aimé que THE HUNTERS aille plus loin sur ce terrain de l'ambigu, du malaise. Malheureusement, si l'on retire deux mises morts assez sordides et la découverte des souterrains dédiés aux morceaux de corps, la facture filmique tient dans la majeure partie plus du téléfilm sans audace que de l'œuvre faite pour le cinéma. Faute aussi en partie à une manière excessivement banale de filmer la forêt lorraine qui n'a rien d'exotique ou d'excitant. Autant filmer la forêt luxembourgeoise peut être stylée et génératrice d'un sentiment de peur dans DOG SOLDIERS, autant ici on ne ressent qu'un ennui assez poli.

Et il ne s'agit pas de la faute des trois acteurs principaux. Steve Waddington en tête : une présence indéniable, corpulente et dotée d'une menace permanente. Au fur et à mesure du film, on mesure la gravité des dégâts opérés. Sa mutation en bombe à retardement est une des choses les plus marquantes du film. Il arrive à la fin du métrage littéralement possédé par son rôle. Et son amitié indéfectible pour Oliver (un Tony Becker exceptionnel) reste la meilleure mécanique narrative existante. Elle sert de moteur au récit et nous ferait presque avoir pitié de ces deux humains victimes de leur environnement. L'un brimé par un client irascible (et par trop caricatural, par ailleurs) et l'autre un prof qui semble imperméable à sa mission d'éducation. L'ajout de Terence Knox (excellent dans LES DEMONS DU MAIS 2) en chasseur imperturbable, le seul à garder la tête froide, semble assez curieux. Il sert de ciment social à l'ensemble du groupe dont les raisons divergent plus qu'elles ne rassemblent. Peut-être aussi le pire de tous. Mais l'idée d'intégrer un élément du système supposé gérer l'ordre et la sécurité dans un groupe aux tendances populistes voire d'extrême droite n'est pas non plus nouvelle.

Toutefois, lorsque pointe la fin, on sent que l'articulation des scènes se précipite vers le plus d'action. Quelques mouvements de caméra assez habiles, des gunfights serrés, une violence habilement dosée. Mais il est quelque part trop tard, car le film est déjà commencé depuis trop longtemps et s'est perdu dans des considérations qui ont perdu l'intérêt du spectateur. Car le problème principal du film est qu'il est aussi passionnant que de voir de la peinture fraîche sécher. Typiquement le genre de production qu'on aurait aimé défendre mais dont la vision rend le produit indéfendable, car ne tranchant en rien avec d'autres produits similaires en compétition sur un marché identique.

On ne voit pas bien quelle destinée pourra avoir THE HUNTERS. Le film est strictement insortable au cinéma. Sa dimension de série B passe-partout le destine plutôt à une éventuelle sortie directe en DVD/VOD et à des diffusions sur des chaînes spécialisées en produits bis diffusés à grande échelle comme NT1 ou NRJ12. C'est tout le mal qu'on lui souhaite.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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