Header Critique : MEUTE, LA (THE PACK) : FRANCIS BARBIER

Critique du film
LA MEUTE 2010

THE PACK 

Le dernier film de genre français a avoir été produit fin 2009/ début 2010 était attendu au tournant. Les résultats des sorties récentes (LA HORDE, MUTANTS, VERTIGE…) ont été des échecs publics aussi bien que critiques. Le caractère risqué d'une telle production semble indiquer une certaine opiniâtrété de la part des personnes derrière le film, tout comme (apparemment) un marché international en demande de ce type de produits à la «french touch». Aussi, le fait de voir un film de genre français se retrouver en projection au Festival de Cannes 2010 avait de quoi réjouir. Malheureusement, la vision du métrage provoque plus de désolation, de tristesse et de déception qu'autre chose.

Charlotte (Emilie Dequenne) prend en autostop Max (Benjamin Biolay). S'arrêtant dans un bar tenu par la Spack (Yolande Moreau), elle s'inquiète de ne pas voir son compagnon de voyage ressortir des toilettes. Las, elle revient la nuit tombée mais se fait capturer par la tenancière qui s'apprête à la jeter en pâture à des goules.

Le film démarre plutôt bien. Casting-choc, promesses de goules, ambiance «autre», road-movie déglingué... Les premières minutes bénéficient de quelques idées de mises en scène bienvenues (celle des CD devant la voiture, par exemple), qui démontrent un vrai point de vue de cinéaste. A l'arrivée des bikers, on sent hélas que tout va se gâter. Dès lors, le film va verser dans la caricature la plus grossière pour ne s'en sortir que dans de très rares moments. Ce qui semble être d'ailleurs un travers typiquement français dans les films de genre récents. Impossible de pouvoir produire/réaliser un film en France sans sombrer dans un mode d'expression outrancier et caricatural dans les personnages et les situations rencontrées. Voir les sorties de routes des SHEITAN, FRONTIERE(S) ou LA HORDE pour ne citer qu'eux. Ce qui va jusqu'au t-shirt XXXL porté par Philippe Nahon «I fuck on the first date». Très drôle.

Revenons aux bikers. Avec de superbes dialogues comme «ma bite a rendez-vous avec son cul» et la tentative de viol de Benjamin Biolay contre un flipper, on sent plus encore le terrain franchouillard qui gêne les écrans de cinéma depuis quelques temps. En même temps, comme LA MEUTE décide de s'installer en pleine plouquitude ch'ti tendance MASSACRE A LA TRONCONNEUSE version terril et baraque à frites, ça ne dépare pas vraiment.

Le film souffre tout d'abord d'un souci d'écriture. Des incohérences assez grossières parsèment cette meute. Qu'il s'agisse du personnage de Benjamin Biolay qui d'abord piège Charlotte puis, de manière totalement incompréhensible, décide de l'aider dans sa fuite. Comme s'il manquait une scène au beau milieu du métrage avant leur échappée du bar vers les terrils. Des choix de mise en scène qui plombent l'ambiance du film, comme l'instrument de torture sorti tout droit de LA MAISON DE CIRE afin de gaver les victimes potentielles de colza. Pourquoi ? Parce que ! Cette scène n'entre absolument pas en adéquation avec le ton du film et semble plaquée gratuitement. Idem pour tout ce qui se déroule lorsqu'Emilie Dequenne se retrouve en cage. Ce qui ne sert à rien, si ce n'est de participer à un certain remplissage du métrage, voire de répondre à un cahier des charges horrifique ?

Le film dévie alors vers un schéma de torture-porn de niveau DTV américain. Puis nouveau changement d'ambiance avec l'attaque de la baraque où se trouve les bikers, réalisée en dépit du bon sens. Citons encore un flash-back lourd et totalement inutile sur la mort de Chinaski : pourquoi recourir à un tel stratagème alors que la simple vision de Yolande Moreau transportant le cadavre dans sa brouette suffisait à comprendre ce qui c'était passé ?

L'ensemble peine par ailleurs à avancer. Le rythme mou couplé à une narration hésitante et, une musique qui rappelle du John Carpenter façon 80's (hommage ? hasard ?) et des choix artistiques parfois contestables. On passera sous silence l'inévitable séquence d'explication du pourquoi du comment des goules, là où la poésie macabre de la terre nourrie de sang aurait du l'emporter.

La direction d'acteurs demeure elle aussi assez curieuse. Si le choix du casting parait osé (Biolay et Moreau dans un film d'horreur, ça a de la gueule), le résultat à l'écran l'est moins. Benjamin Biolay traverse le métrage tel un zombie, Yolande Moreau refait un sketch des Deschiens, les bikers surjouent, Emilie Dequenne fait ce qu'elle peut mais son côté «je suis une rebelle» du début semble trop forcé. Ce qui laisse une impression bizarre de roue libre, y compris l'inévitable Philippe Nahon, un peu plus plan-plan qu'à l'habitude. Le pire dans tout cela, c'est qu'à aucun moment on ne s'attache aux personnages. Le film navigue entre des dialogues et une ambiance Z, contrebalancé par une certaine velléité d'élaborer une atmosphère inquiétante, y parvenant seulement à de maigres reprises.

LA MEUTE réserve en effet quelques beaux moments qui laissent à penser qu'avec plus de temps et quelques réécritures, le film aurait pu être tout autre. Les superbes maquillages des goules, quelques éclairages de nuit et des plans disséminés ça et là. Mais ça reste bien peu par rapport au naufrage du film. Il y a de quoi être désolé par l'ensemble surtout que l'on aurait aimé l'apprécier. Mais le manque d'enjeux, de véritable ligne directrice et d'écriture carrée empêche toute adhésion. Ce qui donne un métrage rigoureusement sans intérêt. Le vrai choc du film de genre français, ce n'est pas encore pour maintenant.

On se pose quand même la question quant aux choix, la capacité et la gestion des producteurs derrière LA MEUTE. Après les échecs d'HUMAINS ou encore de A L'INTERIEUR, comment est-il possible d'avoir pu produire un script pareil, manquant autant de liant et de cohérence ? Les deux fins présentées bout à bout laissent perplexes : volonté du réalisateur ? des producteurs ? des deux ? hasard ? 36e degré ? Clin d ‘œil ? On ne saura probablement jamais. Cette indécision semble une cruelle marque de fabrique du film.

Au final, malgré un point de départ qui aurait pu être intéressant, le film arrive avec quelques TGV de retard sur un terrain archi-connu et pratiqué déjà par beaucoup d'autres. On se dit aussi qu'avec un budget annoncé comme étant de 2 millions et demi d'euros, il y aurait pu avoir quelque chose de plus soigné au final. Une chose demeure pratiquement sûre : malgré ses atouts de base, LA MEUTE s'apprête à rencontrer un échec public - probablement pire que celui de LA HORDE ou de MUTANTS sur les écrans français. Espérons pour le réalisateur et l'équipe que le métrage saura se vendre à l'étranger, et que le terrain de la video lui sera profitable. Car il ne faut pas espérer d'émeute dans les salles.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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