Header Critique : MILLENIUM (MAN SOM HATAR KVINNOR)

Critique du film
MILLENIUM 2009

MAN SOM HATAR KVINNOR 

Auréolé d'un spectaculaire succès dans les pays scandinaves depuis le début de l'année 2009, l'adaptation du premier livre de la Trilogie Millenium écrite par Stieg Larsson arrive sur les écrans français le 13 mai 2009. Titré MILLENIUM : LES HOMMES QUI N'AIMAIENT PAS LES FEMMES et réalisé par le danois Niels Arden Oplev (dont il s'agit du sixième long-métrage), le film se devait ainsi de tenir le pari de transformer au cinéma l'énorme succès de librairie remporté par la trilogie.

Une chose de sûre : l'essai est transformé. Reste à savoir comment les spectateurs français vont accueillir cette adaptation fleuve de 140 minutes, assez respectueuse des aventures de Mikael Blomqvist (joué par Michael Nyqvist), journaliste à la revue Millenium. Attaqué pour ses enquêtes sur le milieu de la finance et condamné par la justice suédoise, il est néanmoins engagé par le riche industriel Henrik Vanger (Sven-Bertil Taube) pour retrouver sa nièce Harriet, mystérieusement disparue depuis quarante ans. Ce que Blonqvist ne sait pas, c'est que son ordinateur est piraté par Lisbeth Salenger (Noomi Rapace), jeune hackeuse perturbée qui a enquêté sur Blomqvist pour le compte de Vanger. Et qu'elle suit pas à pas les traces du journaliste sur une découverte des plus horribles.

Le film a ainsi été un événement dans les salles suédoises, danoises et norvégiennes, devenant l'un des plus grands succès de tous les temps. A tel point que les adaptations du deuxième et troisième tome qui devaient être effectuées sous format télévisuel sortiront en fait au cinéma. Si MILLENIUM effectue une performance publique en termes d'entrées en France, il n'y a aucun doute que les deux autres métrages trouveront la voie des écrans francophones. MILLENIUM s'avère un excellent antidote aux adaptations boursouflées et indigestes comme peuvent l'être THE DA VINCI CODE, par exemple. Et le choix de placer sa sortie française le même jour qu'ANGES ET DEMONS (la préquelle du DA VINCI CODE) demeure extrêmement risqué, voire incompréhensible. Même si l'effet de contre programmation parait alléchant sur le papier, cette production scandinave a hélas toutes les chances de connaître un destin de bien moindre importance dans les salles françaises.

La difficulté principale tenait de la transcription à l'image d'un roman touffu, ardu, fourmillant d'intrigues complexes, de la multiplicité de personnages secondaires, de silhouettes fantomatiques. Evacuons la question de la pertinence de l'adaptation ou non, un film n'est pas un livre. Cette chronique parle du film.

Les diverses pistes qui s'offrent aux protagonistes s'explorent en parallèle dans le premier tiers. Du fait de la construction narrative alternant les recherches de Blomqvist et la surveillance de Lisbeth. Une scène de viol particulièrement dure survient et donne à penser au spectateur qu'une gratuité graduelle et voyeuriste prend place. Il n'en est rien : cette scène trouvera sa logique dans le final du film. Les raisons qui motivent le récit tout comme les atrocités perpétrées ainsi que le caractère cru des images et de la représentation picturale demeurent en parfaite adéquation avec les thèmes traités, de la maltraitance aux élans fascisants passés d'une nation.

La progression dramatique s'avère relativement lente, attachée aux détails qui parsèment l'intrigue et tentant de trouver l'équilibre entre un récit riche qui multiplie les points de vue et une adaptation qui se doit de trouver une identité, un ton propres. La tentation de faire un film passe-partout, comme le sont bon nombre de thrillers américains de série A, comme B, était grande. Ainsi, la photographie d'Eric Kress, déjà louée pour un film comme ARN, rappelle le travail effectué par Darius Khondji ou Harris Savides. Mais la direction choisie par Niels Arden Oplev s'avère différente en termes de traitement. La caméra traque l'origine dans un vaste cadre... Une éternité demeure à l'examen d'un coin de photo, suspendue à l'opiniâtreté d'un homme déterminé – miné par son échec professionnel et que rien ne semble retenir. Une photographie tendant sur le gris et le sombre donne aux agressions de Lisbeth un côté délétère, grave. Aux pérégrinations de Blomqvist un air de quête désespérée. Au but recherché, une sensation de nulle part.

En cela, les choix visuels du réalisateur touchent à la grâce scandinave si appréciée dans des récits policiers/thrillers qui sont de plus en plus prisés, voir les récentes adaptations en Norvège de la série VARG VEUM écrite par Gunnar Staalesen, par exemple. Ou en Suède avec DEN TREDJE VAGEN d'Anders Nilsson ou l'adaptation des romans d'Henning Mankell dont le réussi WALLANDER : INNAN FROSTEN de Kjell-Åke Andersson. La grande différence de MILLENIUM est son ambition affichée de jouer au-delà des simples apparences et des jeux de pistes policiers. Sans négliger des aspects sociologiques qui ne sont pas sans rappeler, curieusement, LE CHAT A NEUF QUEUES concernant la génétique.

Le film génère une pression constante, un suspense glacial qui sait ne pas se reposer sur une simple mécanique scénaristique mais sur des personnages fouillés, complexes et torturés. Mais aussi une richesse thématique qui se révèle au fur et à mesure du métrage. Peu de scènes spectaculaires, de trucages numériques dernier cri, d'acteurs au sommet de leurs cachets ou de scénaristes surpayés. MILLENIUM gagne le spectateur qui sera séduit par la patience de l'œuvre. Qui désire le transport créé par la différence. Qui exige une autre vision que celle, préfabriquée, qu'on lui propose à longueur d'année. Qui rejette le manichéisme et une vision binaire de ce monde. Les cascades jusqu'au-boutistes qui masquent l'indigence de certains scénarii ou le manque d'alchimie entre les acteurs principaux. Les thèmes faussement provocants qui génèrent un vide médiatique qui remplit nombre de journaux spécialisés malades d'accords commerciaux.

Ce qui rejoint, tout somme faite, les implications politico-financières abordées en début de métrage. Et couplées aux meurtres rituels, ils transforment MILLENIUM en un curieux kaléidoscope de la société suédoise. Les yeux, la bouche, le corps de Lisbeth Salenger sonnent comme une transformation extrême que la société/les hommes ont fait subir à ses enfants. Le monde virtuel (et réel) de Lisbeth est d'une richesse insoupçonnée, d'une violente liberté de ton et d'action. Certains éléments paraîtront curieux aux yeux des spectateurs français, car spécifiques à la société suédoise. Ce qui n'enlève cependant rien au caractère universel du film et des thèmes mis en images qui font de MILLENIUM un film intriguant et provoquant.

Rédacteur : Arlig Stubbson
55 ans
11 critiques Film & Vidéo
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