Header Critique : LOST, THE

Critique du film et du DVD Zone 2
THE LOST 2005

 

Ray Pye (Marc Senter) est un adolescent totalement instable, masquant de profondes tendances sociopathes derrière une allure de rocker gominé. Un soir de glande avec deux autres amis, Ray perd les pédales en croisant par hasard deux jeunes filles naturistes. Avec un fusil, il tue la première et plonge dans le coma la seconde. Cette dernière décèdera quatre ans plus tard. Quatre ans durant lesquels la police n'aura cessé d'affiner ses soupçons sur Ray.

Si THE LOST est le premier long-métrage (professionnel) de Chris Sivertson, le jeune metteur en scène avait déjà co-réalisé le film d'étudiant ALL CHEERLEADERS DIE avec son camarade de classe Lucky McKee. Quand McKee parvient à réaliser le vénéneux MAY l'année suivante, il demande à son ami Sivertson d'en assurer le montage. Si les deux compères ne collaborent pas ensemble sur les films suivant de McKee, le segment SICK GIRL pour l'anthologie des MASTERS OF HORROR et THE WOODS, McKee produit en revanche THE LOST qu'écrit et réalise Sivertson. Le pied ainsi mis à l'étrier, Sivertson se verra confier deux ans plus tard le film de studio I KNOW WHO KILLED ME avec une Lindsay Lohan en pleine tourmente people. Bénéficiant d'une pauvre réputation, le film détient le triste record des «Razzie Awards» (les anti-Oscars) accordé à un seul film. Affublé du titre de «pire réalisateur de l'année», le jeune Sivertson peine aujourd'hui à se remettre en selle. Il a néanmoins produit et (ré)écrit le survival WICKED LAKE de Zach Passero.

Lucky McKee n'est cependant pas le plus gros «nom» affilié à THE LOST. Car ce film est une adaptation du célèbre (aux Etats-Unis) romancier Jack Ketchum (de son vrai nom Dallas Mayr). L'homme est en effet connu pour ses livres où la violence la plus hardcore vient s'inviter dans une réalité des plus banales. Son ouvrage le plus populaire, Une fille comme les autres (The Girl Next Door), raconte comment une jeune fille est séquestrée et torturée par sa tante et ses cousins. Insoutenable pour beaucoup, la prose de l'auteur est saluée par Stephen King en personne faisant rentrer le nom de Ketchum dans la cours des grands noms de l'horreur littéraire au côté de Clive Barker ou encore de Dean Koontz. Si les premières publications de Ketchum datent de presque 30 ans, il faudra donc attendre THE LOST pour enclencher les adaptations de l'écrivain au cinéma. Bien entendu, THE GIRL NEXT DOOR de Gregory Wilson suivra en 2007 puis RED en 2008 réalisé par Trygve Allister Diesen et (surprise) Lucky McKee. Dernière adaptation en date, OFFSPRING de Andrew van den Houten nous racontera l'assaut d'une maison bourgeoise par un groupe de sauvages cannibales.

THE LOST nous emmène deux heures durant dans l'une de ces toutes petites villes américaines où il devrait faire bon vivre mais où l'ennui fini par pousser aux attitudes les plus intolérables. Avec sa démarche empruntée de cow-boy et son look gothico-rock'n roll, Ray Pye est un inadapté social prêt à exploser sous l'effet de la monotonie. Beau garçon, grande gueule, il multiplie les conquêtes féminines non pour le goût du rapport sexuel (il est un piètre amant) mais par narcissisme. Pour le plaisir aussi d'un jeu de la séduction aux allures de chasse au sens propre du terme. Les jeunes filles tombent une à une dans ses filets, conditionnées par l'ennui ou par le vivifiant sentiment de danger que leur inspire l'adolescent. Le début du film nous montre Ray craquer en cédant à ses pulsions les plus ultimes alors qu'il découvre deux campeuses nues en train de s'embrasser (dont la fameuse Misty Mundae). Cette scène le choque au plus profond de sa pauvre personne car il s'aperçoit que son image de loubard viril ne fera aucun effet à ces jeunes filles qu'il fantasme déjà de posséder. Il les possèdera alors avec son pénis de substitution, son fusil, pour un meurtre sauvage exécuté avec une bonne humeur glaçante devant sa petite amie et un copain. Après avoir fait le pacte de se taire sur cet incident, les trois adolescents reprendront le cours de leur existence comme si de rien était, sans le moindre remord.

Passée cette première séquence fondatrice dans la personnalité de Ray Pye, THE LOST va jouer la carte de la chronique adolescente sans véritablement s'intéresser à l'enquête policière menée par Michael Bowen (second couteau ayant brillé en flic dans JACKIE BROWN de Tarantino ou encore en père tyranique dans MAGNOLIA de P.T . Anderson). Ray et ses ami(e)s glandent, font la fête, se droguent sans que le moindre souvenir de l'accident des campeuses ne vienne les perturber. Bien entendu, cette petite communauté est assise sur une bombe à retardement : le caractère sociopathe de Ray qui ne demande qu'à exploser de nouveau. Quand Ray pètera-t-il les plombs ? Quelle sera l'ampleur de la catastrophe ? C'est tout l'enjeu de THE LOST, un film qui prend d'ailleurs tout son temps jusqu'à son final en multipliant les personnages secondaires (dont une Dee Wallace-Stone en mère effondrée).

Une jeunesse perdue dans un trou paumé représentée via une adolescence déjà conditionnée par les sensations extrêmes liées à la drogue ou au sexe, on a déjà vu ça de nombreuses fois au cinéma. Beaucoup chez Larry Clark, dont les personnages de BULLY font régulièrement écho à ceux de THE LOST. Malheureusement, Chris Sivertson n'a pas du tout la maturité du «regard» d'un cinéaste comme Clark. THE LOST déroule sa narration de manière extrêmement plate tout en ayant les plus grandes difficultés du monde à faire exister ses personnages autrement que par la caricature. Dans le rôle de Ray Pye, le comédien Marc Senter en est le triste exemple. Parfois très juste, Senter part régulièrement en roue libre dans une prestation qui confond intensité et cabotinage hystérique (profitant d'une petite ressemblance, le comédien en vient même à «piquer» quelques mimiques à Christian Bale version AMERICAN PSYCHO). Une performance qui fait illusion en surface mais qui n'atteint à aucun moment la profondeur que mériterait un personnage tel que Ray Pye.

Malgré des qualités (notamment formelles) évidentes, malgré un rendu solide et carré pour un tout petit film indépendant, malgré une bande son utilisant de nombreux morceaux du génial musicien norvégien John Erik Kaada, THE LOST est un ratage. Un ratage qui ne parvient jamais à se mettre au niveau du drame qui se joue réellement dans le crâne de son anti-héros. Les deux heures de métrage peuvent ainsi paraître longues pour un spectateur qui se demande jusqu'au bout où le film veut en venir. Sivertson n'a pas encore dépassé le stade de «l'effet» de mise en scène et se contente juste d'une poignée de «trucs» pour tenter de s'immiscer dans l'univers de Jack Ketchum et le mental de Ray (comme l'utilisation d'un bruitage de bourdonnement de mouches lorsque Ray est énervé, ou encore l'utilisation de filtre «Super 8» lorsque ce dernier s'auto-fantasme). Cette incapacité à dépasser la surface explose dans le final, terriblement propret et «confortable» malgré les atrocités commises. Par contre, si Sivertson se montre bien gauche dans sa représentation de la violence, il brille en contrepartie par son bagout en terme de nudité féminine. Le premier plan du film montre d'ailleurs frontalement une Misty Mundae dans le plus simple appareil. Certains trouveront que c'est déjà pas si mal. Quoi qu'il en soit, THE LOST s'est distingué en festivals, notamment au denier festival de Gerardmer où il concourait dans la compétition des inédits vidéos (c'est l'espagnol TIME CRIMES de Nacho Vigalondo qui remportera in fine le prix).

Techniquement, le DVD français est de très bonne tenue. Rien à redire sur l'image qui se montre parfaitement à la hauteur du scope utilisé sur le film. Les pistes sonores sont également très efficaces, utilisant régulièrement les effets de spatialisation tout au long du film (comme le fameux bourdonnement des mouches qui arrive insidieusement par les enceintes arrières). Question bonus, l'éditeur fait un louable effort même si l'intérêt n'est pas toujours au rendez-vous. Une première vidéo nous immisce dans la salle d'auditions / répétitions où les comédiens principaux apprivoisent le texte. Curieusement, ces quelques minutes se terminent par un figurant croquant frénétiquement dans un fruit non identifié sur le plateau. Cela doit être un gag. Trouvant déjà le film trop long, c'est avec une certaine appréhension que nous nous dirigeons vers les scènes coupées. Plus que des séquences réellement inédites, cette section est un véritable fourre-tout n'hésitant pas à intégrer des plans de bêtisier (comme l'entrée ratée de Misty Mundae dans le film). Le plan final nous montrera Jack Ketchum, qui joue un petit rôle de barman dans le film, amusé par l'équipe lui souhaitant un bon anniversaire surprise. Outre la présence du story-board issu des premières séquences avec les campeuses, le disque nous propose une dernière surprise : le faux court-métrage JACK ET JILL réalisé par Chris Sivertson pour MAY de Lucky McKee. Parodie de film d'étudiants dégénérés, JACK ET JILL était à l'origine l'œuvre de l'adolescent fan d'Argento joué par Jeremy Sisto. Très drôle, ce petit film nous permet de quitter le disque sur une bonne note.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
48 ans
1 news
287 critiques Film & Vidéo
On aime
La première adaptation au cinéma de Jack Ketchum
On n'aime pas
Un film trop long et peu maîtrisé
RECHERCHE
Mon compte
Se connecter

S'inscrire

Notes des lecteurs
Votez pour ce film
Vous n'êtes pas connecté !
-
1 votes
Ma note : -
L'édition vidéo
THE LOST DVD Zone 2 (France)
Editeur
Free Dolphin
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h55
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Jack et Jill, court-métrage (2mn11)
    • Auditions (6mn52)
    • Scènes coupées (16mn13)
    • Storyboard (3mn25)
    • Bande-annonce
    Menus
    Menu 1 : LOST, THE
    Autres éditions vidéo