Header Critique : GOD'S PUZZLE (KAMISAMA NO PAZURU)

Critique du film
GOD'S PUZZLE 2008

KAMISAMA NO PAZURU 

Dernière éruption cinématographique en date du très prolifique et touche à tout Takashi Miike, nous avons donc droit à un curieux mélange de romance adolescente dans le milieu de la physique quantique sur fond de sushi et de rock'n'roll attitude rebelle avec GOD'S PUZZLE. Adapté du roman éponyme de (et par) Shenji Kimoto, l'intrigue met en scène Kenichi Endo joue le rôle de deux jumeaux. L'un, le bon garçon de la famille, qui décide de partir en Inde pour un voyage initiatique. L'autre, bon à rien et rocker, va former un couple contre-nature avec la jolie Mitsuki Tanimura. Génie précoce et très renfermée, elle a inventé un accélérateur de particule géant qui va lui permettre de prouver qu'il est possible de créer un univers contredisant ainsi l'existence de dieu.

Pour un film de Miike, on peut d'ores et déjà annoncer une relative accalmie sur le mode de filmer. Cela reste terriblement sage comparé à des opus comme VISITOR Q, AUDITION ou encore THE HAPPINESS OF THE KATAKURIS ce qui ne dénote en rien avec la richesse des éléments développés. Il y a quantité de choses, en effet. Peut-être trop, la profusion des sujets desservant le film. GOD'S PUZZLE oscille constamment entre : les histoires d'amour lycéennes des deux jumeaux, les déceptions sentimentales du héros, la difficulté d'adaptation de l'héroïne au lycée du coin, la fécondation In Vitro et son impact sur l'héroïne, la physique quantique, l'origine de l'Univers, les sushis, l'existence de Dieu, la découverte de l'Inde, apprendre à jouer de la cithare, le rock'n'roll, les accélérations de particule, j'en passe et des meilleures. Ce n'est pas tant les nombreuses histoires que le scénario prétend couvrir qui posent problème mais les choix délibérés optés par le scénariste (et par ricochet, le cinéaste). Il faut subir près d'une heure de cours lycéen sur la physique quantique. Serait-ce l'heure de trop que le film possède ? Le rituel des projets lycéens est certes un des sujets du film, mais pourquoi s'attarder autant sur un tel point pendant près d'une heure et, pire encore, en simple champ / contre-champ ? Il faut vraiment s'accrocher raide à son fauteuil pour suivre les démonstrations et autres batailles d'experts sur... la physique quantique, comprendre la portée des enjeux et la logique du raisonnement. Rude. C'est d'autant plus incompréhensible que le film commençait de manière spectaculaire sur le fameux accélérateur de particule supposé créer un univers et des effets spéciaux numériques grandioses, parfaitement intégrés au récit. Il retombe ensuite dans une bluette lycéenne maintes fois rabâchée. Le loser rebelle et la grosse tête qui ne peuvent s'encadrer et qui finissent par… vous avez compris. Les teenagers japonais ont ainsi les mêmes soucis que Sophie Marceau il y a 25 ans dans LA BOUM, c'est rassurant.

L'histoire du voyage initiatique du premier jumeau ne sert strictement à rien. Il suffit de la retirer de la narration afin de comprendre à quel point le film souffre de ces ajouts inutiles qui envahissent le métrage. Si l'antagonisme des jumeaux peut se comprendre quant à la psychologie du héros, pourquoi continuer dans cette voie ? Ceci ne fait que ralentir le rythme déjà bien pénible du métrage. Pendant 90 minutes, les velléités de chef cuistot du héros vont se télescoper avec son apprentissage des lois physiques et affronter les moqueries de ses camarades quant au retard pris dans ses études. Et puis, curieusement, le film change de braquet pour son dernier tiers. On bascule brutalement de ce fait dans la science-fiction d'action, la jeune génie décidant de mettre en branle le gigantesque accélérateur de particule afin de créer un univers à part entière. Et de devoir aspirer la totalité de l'énergie du territoire japonais pour prouver sa théorie. Exit les affres romantiques de chacun et le blabla scientifique, place à l'action. Et là, Miike s'en donne à cœur joie. L'importance du budget alloué aux effets spéciaux (réussis) donne une pleine mesure à l'ampleur de ce qui est supposé se dérouler. Le rythme va crescendo et les personnages prennent une autre dimension que celles de simples pantins à dialogues. Ils deviennent humains, réactifs et enclins à prendre des décisions. Une déferlante de cascades et quelques points intelligents quant à la mise en scène. Une histoire de parallélisme à rebours expliquant certains fondements de la physique quantique se trouvent ainsi mêlés au thème de la gémellité. Mais également dans le parallélisme de scènes d'action entre les deux jeunes hommes se battant pour tenter d'arrêter l'accélérateur. Une caméra très mobile alliée à une partition musicale solide qui emmène le spectateur au coeur de l'action. Mais pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Pourquoi s'être attardé près d'une heure sur des dialogues sans fin, abscons et sans enjeu?

Les amateurs de Miike seront peut-être déçus du peu d'audace visuelle et du sujet. Probablement que les enjeux financiers reposant sur ses épaules ont du calmer ses excès de violence ou de forme narrative mais il avait tout de même déjà prouvé auparavant qu'il était à même de manier de gros budgets avec, par exemple, THE GREAT YOKAI WAR. On retrouve un certain non-sens et le goût du refus de la logique dans l'intervention musicale du dernier quart, où le héros sautant du haut d'une passerelle, défonce un toit, atterrit devant un micro et entame une version rock de l'Hymne à la Joie avec des paroles bien à lui. Excellent ! Hélas, cette folie momentanée retombe illico pour reprendre le chemin d'un final bien trop sage.

Maintenant, quant à l'existence de Dieu… Pas de réponse non plus. On aurait bien aimé que le processus aille à son terme, mais pour des raisons encore très floues (manque d'audace ? panne d'inspiration ? refus de répondre ?), ce n'est pas encore avec GOD'S PUZZLE que nous aurons la réponse. Quant à l'Impact du film, là aussi nous demeurons perplexes… si une sortie japonaise est réglée pour le 7 juin 2008, ce mélange de comédie romantique teenager, de science fiction et de science tout court a très peu de chances de trouver de débouchés ailleurs. Les fans de Miike s'y retrouveront probablement, les autres seront déroutés, amusés et agacés par la multitude d'historiettes bricolées dans une durée trop importante quant aux sujets traités.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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