Header Critique : DERNIERE FEMME SUR TERRE, LA (LAST WOMAN ON EARTH)

Critique du film et du DVD Zone 2
LA DERNIERE FEMME SUR TERRE 1960

LAST WOMAN ON EARTH 

Martin Joyce, jeune avocat, se rend à Puerto Rico pour y retrouver son client, le milliardaire Harold Gern. Ce dernier, plus intéressé par les petits plaisirs de la vie que par d'éventuelles contraintes juridiques, propose une excursion sous-marine via son nouveau yacht. C'est ainsi que Martin accompagne le couple Gern sous l'eau à l'instant même où, en surface, l'oxygène disparaît mystérieusement. De retour sur le plancher des vaches, les trois individus doivent se rendre à l'évidence : L'humanité vient de mourir asphyxiée et eux seuls ont survécus au drame… Une micro-société tente alors de prendre vie, mais à quoi bon ? Les opinions de Martin et Harold quant à la forme que doit épouser leur avenir divergent bien vite et les tensions ne tardent pas à se créer. Tensions d'autant plus palpables qu'Evelyne, dernière femme sur Terre, semble plus proche des aspirations de Martin que de celles, très directrices, de son orgueilleux époux…

Roger Corman a toujours été un filou et la genèse de LA DERNIERE FEMME SUR TERRE le démontre encore une fois. Ainsi, quand l'homme décide de faire un saut à Puerto Rico, ce n'est pas pour tourner un mais bien deux films d'un coup ! LA CREATURE DE LA MER HANTEE sera ainsi réalisé dans la foulée par le même Corman et ce avec la même équipe. Plus fort encore, l'homme aux casquettes interchangeables va même produire (via sa société The Filmgroup Inc.) un troisième métrage nommé BATTLE OF BLOOD ISLAND dans lequel il poussera le vice jusqu'à tenir un petit rôle. Dans ces trois films, les économies sont bien entendu de mise et pour cela, il existe une première technique imparable : limiter le nombre d'acteurs. Dans BATTLE OF BLOOD ISLAND, nous n'aurons donc que deux hommes traqués par une foule de figurants anonymes. Pour LA DERNIERE FEMME SUR TERRE, le casting se limitera à trois individus, derniers représentant de la race humaine. Parmi ces trois survivants, Robert Towne qui occupera deux postes puisqu'en plus de jouer le jeune avocat Martin Joyce (sous couvert de son pseudo Edward Wain), il sera aussi responsable du script sous son véritable nom. Ajoutons enfin que l'homme tiendra par ailleurs un rôle d'importance dans LA CREATURE DE LA MER HANTEE… Un art du recyclage très présent que l'on retrouve donc à tous les niveaux, y compris à celui du scénario aux forts accents de LE MONDE, LA CHAIR ET LE DIABLE, étrangement sorti sur les écrans en 1959, soit un an seulement avant cette resucée Cormanienne…

Tout comme LE MONDE, LA CHAIR ET LE DIABLE, LA DERNIERE FEMME SUR TERRE nous invite donc à suivre le destin de trois individus (deux hommes et une femme) ayant survécu à une apocalypse. Dans le cas du film de Corman, le chanceux trio était déjà ensemble, ce qui permet bien entendu de gagner du temps et donc de la pellicule (la durée des Corman de cette époque tourne généralement autour de l'heure)… De même, les raisons du drame planétaire n'ont que peu d'intérêt. C'est donc sans le moindre souci de vraisemblance que l'on nous balance au détour d'une réplique que les plantes, génératrices d'oxygène, ont tout simplement décidé de faire une grève fatale de quelques minutes. Le postulat de base est par conséquent très vite posé et le film peut, dès son premier quart d'heure, entrer dans le vif du sujet.

Et l'objectif principal de LA DERNIERE FEMME SUR TERRE est simple : Nous inviter à partager le destin d'un trio d'individus à l'évidence très différents. Ainsi, Antony Carbone (qui jouera aussi le rôle principal de LA CREATURE DE LA MER HANTEE) incarne Harold Gern, un milliardaire à qui tout a réussi, à force de conviction et de travail. Betsy Jones-Moreland interprète pour sa part une épouse lasse, dont le mariage n'avait de sens que dans un cadre social bien précis. L'apocalypse remet bien entendu ce lien d'intérêt en cause et c'est désormais pour l'avocat Martin Joyce que son petit palpitant s'enflammera. Martin est pour sa part un jeune homme dont l'avenir était prometteur mais qui, suite au bouleversement planétaire, en reviendra vite à des valeurs essentielles et très terre-à-terre.

Comment un homme au sommet de l'échelle social, comme Harold Gern, pourrait-il accepter de repartir à zéro et, pis que tout, laisser partir sa femme avec un autre ? C'est là l'idée du métrage, nous montrer l'absurdité d'une attitude battante et écrasante vis-à-vis de ses congénères lorsqu'il n'y en a plus ! L'argent n'a plus de sens, pas plus que le patronat ou la hiérarchie. La loi n'existe plus et la religion même, née de l'esprit humain, semble perdre ici tout son sens… Gern est donc un homme détruit qui, lors de cette «fin du monde», a perdu tout ce qu'il était. Les qualités qui firent jadis de lui un homme hors normes ne sont plus aujourd'hui d'aucune utilité mais c'est avec acharnement qu'il tentera cependant de les faire valoir. En cela, il s'oppose bien vite aux deux autres survivants qui, pour leur part, n'avaient rien et n'ont donc rien perdu. Bien au contraire. Evelyne peut enfin laisser parler son cœur plutôt que sa raison et Martin n'aura pas à trimer pour obtenir ce qu'il souhaite : Il possède dorénavant tout ce qu'aucune vie de travail n'aurait pu lui apporter… Les deux peuvent enfin exister dans un univers désolé, offrant toutefois une liberté à laquelle aucun être vivant ne peut normalement aspirer. Nous avons donc là de graves divergences de points de vue, une chute des barrières sociales, un effondrement de l'autorité et, par-dessus tout, une double attirance pour une seule et même femme. La confrontation entre les deux hommes, annoncée métaphoriquement dès l'introduction via un combat de coqs, semble alors inévitable…

Reconnaissons que Corman, sur base d'un scénario orienté vers la psychologie des personnages, s'en sort plutôt bien. Pas de prouesse ni même de véritable «intelligence» derrière LA DERNIERE FEMME SUR TERRE mais le survol plutôt intéressant d'une microsociété à l'issue plus qu'incertaine. A ce titre, le final a de quoi retenir l'attention et la conclusion, très inattendue, peut laisser perplexe. En mêlant une fatalité hors normes (ceux qui aspirent au bonheur n'y auront pas droit) et une probable allusion religieuse (celui qui est aveugle à la foi ne peut exister), Corman nous livre une vision particulièrement pessimiste du monde et des hommes. Tout semble immuable, tout semble joué d'avance et seul les êtres «méritant» peuvent exister… Un final particulièrement étrange et dur donc, s'inscrivant toutefois dans la lignée de ce que le réalisateur ose montrer à l'écran. Ainsi, alors que nous sommes en 1960, l'homme n'hésite pas et s'attarde plusieurs secondes sur le cadavre d'une fillette étendu en pleine rue. Un moyen comme un autre de confronter le spectateur à l'horreur sans pour autant avoir recours à une montagne de cadavres (encore une fois coûteuse !). La scène est efficace et remplit bien entendu son rôle, faisant presque oublier l'absence (ou la très faible quantité) de corps inertes dans les rues.

Notons par ailleurs la résonance encore une fois religieuse du personnage d'Evelyne. Son nom tout d'abord, dont le diminutif (utilisé dans le film) est «Eve», nous ramène bien entendu au personnage de l'ancien Testament, à cette femme qui fut à l'origine de tout et bien entendu seule sur Terre en compagnie d'Adam… Elle fut aussi celle par qui l'équilibre fut rompu et qui engendra le chaos. Chaos concrétisé dans le film par l'opposition de deux hommes et la mise en péril de ce qui semblait pourtant être un Paradis.

A l'image de l'ancien Testament toujours, la femme émancipée et égale à l'homme (nommée Lilith, première femme d'Adam avant Eve) ne peut exister et seule une femme subordonnée à celui-ci (Eve, créée à partir d'une côte d'Adam) le peut. Evelyne, libérée de son époux, devenue son égal et ainsi libre de ses actes et de ses pensées sera donc «remise à sa place» et redeviendra, lors de la dernière image du film, une femme soumise à l'homme qui lui est destiné. Evelyne tente donc de devenir une «Lilith», une tentatrice sexuelle à la volonté assumée, avant de redevenir par la force des choses une simple «Eve», résignée à son destin de femme…

Un message et une portée bien étranges pour un film a priori mineur dans la carrière particulièrement chargée de Roger Corman. Si nous n'avons clairement pas à faire ici à une perle, reconnaissons toutefois que LA DERNIERE FEMME SUR TERRE n'est pas dénué d'intérêt et que le film mérite clairement d'être découvert. Faux raccords, raccourcis scénaristiques et facilités visuelles sont ainsi le prix à payer pour une oeuvrette agréable et plus lourde de sens qu'il n'y parait.

Le métrage est disponible via l'éditeur français Bach Film. Nous sommes très loin d'une première mondiale puisqu'il était déjà possible de mettre la main sur LA DERNIERE FEMME SUR TERRE via de nombreuses éditions américaines. En effet, il se trouve que la copie noir et blanc du film est à l'heure actuelle libre de droits. Entendez par là qu'il n'y a aucune somme à débourser pour obtenir les droits du film et l'éditer en vidéo… Mais pourquoi évoquer une copie noir et blanc alors que le métrage ici chroniqué est en couleur ? Tout simplement parce que le film de Roger Corman dispose d'une petite particularité… Tourné en couleur (via le procédé Eastmancolor), le film affichait à sa sortie en salles une durée approximative de 64 minutes. Cette durée fut à l'époque jugée un peu courte pour une diffusion «classique» à la télévision. LA DERNIERE FEMME SUR TERRE fut donc rallongé artificiellement de sept minutes, tournées pour l'occasion. Comme il s'agissait là d'un passage télé (alors exclusivement en noir et blanc), Corman n'a pas jugé bon d'offrir la couleur aux quelques minutes supplémentaires. Le but était bien entendu pour notre cher harpagon de vendre les droits en occasionnant un minimum de coûts annexes. Pari réussi et c'est ainsi que l'ensemble du métrage fut basculé en noir et blanc… Il existe donc aujourd'hui deux versions du film : Une couleur (originale) de 64 minutes et une autre (télévisuelle), en noir et blanc, de 71 minutes environ.

Le disque Bach Films nous propose de profiter de la version d'origine parée de ses couleurs. L'image est au ratio 1.85 (semblant naturel), encodé toutefois en 4/3. La copie n'est malheureusement pas exempte de défauts (rayures, scratches, poussières) et se voit de plus handicapée par une compression plutôt voyante. Un défaut difficilement acceptable lorsque l'on constate que le DVD, pourtant simple couche, n'est utilisé qu'à 75% de sa capacité… Nul doute qu'un encodage moins violent aurait permis d'éviter les nombreux amas de pixels visibles de manière assez régulière… Sur le plan sonore, rien à dire puisque le spectateur aura le choix entre la version originale anglaise et le doublage français, tous deux proposés dans un mono clair et propre.

En terme de bonus en revanche, nous restons quelques peu sur notre faim et seules sont présentées quatre bandes annonces de l'éditeur, toutes proposées en version originale non sous-titrée. Le spectateur pourra ainsi se faire une idée de l'amusante fumisterie que peut être LA CREATURE DE LA MER HANTEE ou encore se laisser envoûter par L'INVASION DES FEMMES ABEILLES dont la bande-annonce, débutant par une poitrine délicatement pétrie, se montre particulièrement racoleuse. Nous noterons par ailleurs un léger problème avec le disque Bach Films dans le cas d'une vision en version française : Au lieu de retourner au menu en fin de film, le disque saute et s'arrête tout simplement, nous renvoyant directement à la mire de notre lecteur DVD. Une sortie quelque peu brutale qui nous obligera à relancer le disque si l'on veut consulter les distrayantes bandes annonces…

Rédacteur : Xavier Desbarats
Photo Xavier Desbarats
Biberonné au cinéma d'action des années 80, traumatisé par les dents du jeune Spielberg et nourri en chemin par une horde de Kickboxers et de Geishas, Xavier Desbarats ne pourra que porter les stigmates d'une jeunesse dédiée au cinéma de divertissement. Pour lui, la puberté n'aura été qu'une occasion de rendre hommage à la pilosité de Chuck Norris. Aussi, ne soyons pas surpris si le bougre consacre depuis 2006 ses chroniques DeViDeadiennes à des métrages Bis de tous horizons, des animaux morfales ou des nanas dévêtues armées de katanas. Pardonnez-lui, il sait très bien ce qu'il fait...
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L’image proposée en 4/3 et mal encodée
On aurait aimé disposer en plus de la version noir et blanc
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L'édition vidéo
LAST WOMAN ON EARTH DVD Zone 2 (France)
Editeur
Bach
Support
DVD (Simple couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h04
Image
1.85 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
      • Bandes annonces
      • La créature de la mer hantée
      • Dracula au Pakistan
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