Header Critique : KILLER MUST KILL AGAIN, THE (L'ASSASSINO E COSTRETTO AD UCCIDERE ANCORA)

Critique du film et du DVD Zone 1
THE KILLER MUST KILL AGAIN 1973

L'ASSASSINO E COSTRETTO AD UCCIDERE ANCORA 

Présenté abusivement comme un Giallo, THE KILLER MUST KILL AGAIN est la traduction quasi littérale du second titre italien de ce thriller de Luigi Cozzi L'ASSASSINO E COSTRETTO AD UCCIDERE ANCORA. Second car le destin de ce film demeure particulier. Tourné en 1973 sous le titre IL RAGNO (L'Araignée), il ne fut distribué que deux ans plus tard et ce à la sauvette sous un titre plus accrocheur. Un des nombreux autres titres est DEATH IS DARK'S FRIEND.

Cette coproduction italo-française demeurera cependant inédite de ce côté des Alpes… et c'est bien dommage car elle se révèle être le film le plus réussi de Luigi Cozzi. Le réalisateur de STARCRASH et de CONTAMINATION a réuni à l'écran un casting de choix : George Hilton, alors star du Giallo (LA QUEUE DU SCORPON, L'ETRANGE VICE DE MME WARDH) mais également Cristina Galbo (MAIS…QU'AVEZ-VOUS FAIT A SOLANGE ?, LE MASSACRE DES MORTS VIVANTS), la sexy Femi Benussi, Alessio Orano (LISA ET LE DIABLE, TESTIMONIO OCULARE) et, accords de coproduction oblige, l'inquiétant Michel Antoine (Antoine Saint-John).

L'architecte Mainardi (George Hilton) assiste par hasard à une scène où un tueur sans nom (Michel Antoine) précipite un corps dans une voiture dans un canal. Avec un peu de chantage il passe un accord avec le tueur afin de se débarrasser de sa trop jalouse et très riche femme (Teresa Velasquez). Les détails réglés, sa femme est tuée mais au moment où le tueur met le cadavre dans une voiture, celle-ci disparaît au profit de deux voleurs (Cristina Galbo et Alessio Orano). Décidant de voir la mer et trouver une vieille maison où abriter leurs ébats, ils se voient pris en chasse sans le savoir par le tueur.

Le film est en effet beaucoup plus un suspense à la Hitchcock qu'un Giallo. La structure narrative révélant le tueur dès la première image, on se trouve à mille lieues du traditionnel Giallo qui déferlait sur les écrans italiens à cette époque. THE KILLER MUST KILL AGAIN joue principalement sur deux aspects. D'abord l'humour noir, qui joue sur l'ironie des situations et la mise en danger constante des protagonistes. Montée crescendo du suspense (vont-ils se faire prendre par la police ? vont-ils se faire tuer ?) puis retombée de la pression afin de reprendre leurs routes respectives. Ensuite, la peur de l'enlèvement car il s'agissait d'un événement courant en Italie dans les années 70. Le film exploite cette peur et il est crucial, concernant ces éléments sociologiques, de bien replacer le film dans son contexte de l'époque.

Le scénario s'avère plus complexe qu'à l'accoutumée. Il s'inspire d'abord délibérément du téléfilm IL VICINO DI CASA que Cozzi tourna peu de temps avant pour la série produite par Dario Argento LA PORTA SUL BUIO. Une scène s'y retrouve pratiquement de manière similaire, lorsque l'une des victimes se trouve bâillonnée et ligotée et essayant d'échapper au tueur qui rode dans la maison où elle se trouve enfermée. Luigi Cozzi cède aussi une nouvelle fois à l'auto-citation en reprenant un extrait de son premier film expérimental IL TUNELLO SOTTO IL MONDO (1969) qui se trouve projeté dans le cinéma où se rendent George Hilton et Michel Antoine. A noter que le héros de ce film expérimental n'est autre que Alberto Moro, le monteur du film chroniqué ici-même. Une affaire de famille, en somme.

Ensuite, les influences Hitchcockiennes ( on songe à L'INCONNU DU NORD EXPRESS, immanquablement) ne s'arrêtent pas là pour autant. La construction renvoie un peu à celle de PSYCHOSE, où le récit se concentre pendant un tiers du film sur l'héroïne pour la voir disparaître elle et l'argument de base (le vol). Ici, c'est la préparation du meurtre de Teresa Velasquez et la relation entre le mari et le tueur qui s'évanouissent pour mieux se concentrer pendant le reste du métrage sur la chasse des deux voleurs de voiture par l'assassin. Dommage que le script patine au bout d'une heure et, cherchant un nouveau souffle, apporte un personnage secondaire inintéressant (Femi Benussi) et se dirige vers une fin contrainte à la mollesse. D'autres références et hommages se retrouvent ça et là, notamment lorsque le tueur montre son briquet marqué des initiales «D.A»… comme Dario Argento. Le mentor sert de catalyseur indirect à l'histoire.

Côté mise en scène, Luigi Cozzi s'avère être quelqu'un de très classique. Citant dans son commentaire John Ford ou Raoul Walsh comme ses influences, il argue qu'un cadre classique passe mieux les affres du temps. C'est en effet le cas ici : le cadre est très soigné, les couleurs naturelles et la réalisation ne cède pas à la facilité ni au tape à l'œil. Malgré des plans de coupes inutiles qui ralentissent l'action et des flash-backs insistants et trop démonstratifs, il existe une grande cohérence entre le script et les images. Le film égrène les scènes se répondant les unes aux autres, soit par opposition ou par complétude. Les lieux où se déroulent les meurtres : la maison ultra-moderne bardée de jaune –giallo- des Rainardi versus la baraque de bord de mer abandonnée et délabrée. Ensuite, le meurtre de Mme Rainardi est constamment interrompu par des images de la fête où se trouve son mari et sa mort culmine avec un toast général de l'assemblée. Le classicisme vole cependant en éclat pour rappeler au spectateur mâle moyen qu'il se trouve bien dans un film d'exploitation qui lui est destiné. Ainsi le viol de Cristina Galbo est-il monté en parallèle avec une scène d'amour très déshabillée entre Femi Benussi (qui trouve toujours un moyen pour se retrouver nue devant la caméra !) et Alessio Orano. Ainsi le quota de chair féminine aura-t-il été respecté pour le cahier des charges.

Il n'existe aucun personnage pour rattraper l'autre. Les hommes restent tous des : violeurs meurtriers (Michel Antoine), sexistes de base (Alessio Orano), manipulateurs sans morale (George Hilton). On n'y croise pas mieux chez les femmes, entre la jalouse hystérique, la nymphette écervelée et la stupide blonde obsédée. Cette galerie peu reluisante est néanmoins la plus intéressante du lot, les autres acteurs demeurant sans relief, Eduardo Fajardo en tête, avec son rôle d'inspecteur de police sûr de son fait.

L'un des aspects les plus réussi de cette histoire est sans conteste le tueur sans nom. Michel Antoine, au faciès dur et anguleux, donne dans l'inquiétude perverse. Mais révèle au fur et à mesure une facette plus humaine, presque empreinte de compassion après le viol de Cristina Galbo. Une étincelle dans le regard, une hésitation et il apparaît comme choqué et horrifié de ses propres crimes, comme apeuré par sa nature véritable. La violence du film se trouve la plupart du temps hors de l'écran car l'important est ailleurs. Cozzi indique avoir voulu faire un film violent mais sans représentation graphique . Il détestait le mythe du tueur ganté de noir dont l'identité est connue à la fin. En effet, le seul meurtre où le sang apparaît demeure très en retrait de ce que le thriller transalpin a fait jusque là. Difficile ainsi de croire l'argument avancé que la censure rejeta le film en 1973 pour cause de violence et de nudité. Elle sont toutes deux en quantité bien moindre par rapport à d'autres films de la même époque.

Dommage que Cozzi ne sache pas terminer son film et se sente obliger de coller un final mou, improbable et d'une facilité morale déconcertante. Ce qui tranche avec le suspense noir qu'il a su pratiquement maintenir tout du long. Le générique final offre enfin le titre d'origine IL RAGNO («L'araignée» tissant sa toile autour de ses victimes) et on y remarque Patrick Jamain, réalisateur de LUNE DE MIEL, crédité comme «co-scénariste pour la version française», si cela veut bien dire quelque chose… Ce qui semblerait logique, Patrick Jamain ayant travaillé sur L'AFFAIRE CRAZY CAPO la même année, aussi produit par la société de Sergio Gobbi (qui coproduisit le film de Cozzi)… à moins qu'il ne s'agisse que d'obscures raisons de coproduction, les mêmes qui virent créditer Bertrand Tavernier au générique d'ORGASMO alors que celui-ci n'y participa jamais !

La copie présentée comme complète, et venant du négatif original, offre le respect du format anamorphique d'époque (le film fut tourné en Techniscope 2.35:1) avec un transfert 16/9. Force est de reconnaître la beauté du télécinéma opéré, sans grain apparent ni griffure aucune. Les scènes intérieures sont lumineuses, avec des couleurs chaudes. On remarquera les gros plans sur les yeux bleus d'Alessio Orano, à la manière dont Sergio Corbucci demanda d'illuminer ceux de Franco Nero dans COMPANEROS : on ne voit qu'eux, hypnotisant le spectateur de leur lumière iridescente, ajoutant une pierre d'angle à leur personnalité vénéneuse. Au contraire, les scènes d'extérieurs paraissent bien fades, comme surexposées par moments. On y décèle même un peu de flou (20mn58) et parfois une zone plus sombre sur le côté droit de l'écran.

Le DVD offre une piste sonore italienne (Mono sur un canal) qui se révèle la plus dynamique et la plus claire. La piste anglaise stéréo sur deux canaux n'apporte rien de plus sinon une tonalité décevante et une faiblesse en intensité. Le film offrant des sous-titres anglais, il est recommandé de s'attacher à la piste italienne.

Du côté des bonus, c'est mieux que chez Swann. Outre le commentaire très instructif du réalisateur et les anecdotes sur le tournage et les conditions parfois délicates, Mondo macabro frise l'overdose en présentant trois documentaires («Featurettes»). Le premier «The Road to the killer» voit Luigi Cozzi retracer sa carrière jusqu'au film. Le deuxième «Initials D.A / Cozzi On Argento» hésite entre la redite du premier mais Cozzi y approfondit ce qu'il doit à Argento et ajoute quelques anecdotes sur les trois premiers gialli qu'il tourna, jusqu'à sa collaboration sur 4 MOUCHES DE VELOURS GRIS. Enfin ? Le troisième «Death Walks at Midnight and The Giallo genre» se trouvait déjà sur le DVD Zone 2 du film DEATH WALKS AT MIDNIGHT de Luciano Ercoli. Il s'agit d'une vision globale du Giallo par Adam Smith, auteur du livre Blood and Black Lace. Ces trois documentaires sont en anglais non sous-titrés.

Viennent ensuite quelques biographies très (trop) rapides du réalisateur et des principaux protagonistes, la bande annonce originale, 27 photographies de tournage et 11 affiches/lobby cards.…puis enfin un teaser présentant les produits Mondo Macabro déjà disponibles (ASWANG, THE LIVING CORPSE…).

Mondo Macabro a réalisé un très bel objet éminemment complet qui plaira sans aucun doute aux amoureux du cinéma de genre italien. Le choix de sortir une copie uncut de cet excellent film de Luigi Cozzi est judicieux, de par la rareté du film mais également par sa qualité jusque là insoupçonnée. Ce DVD lui rend justice

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
1233 news
397 critiques Film & Vidéo
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Un DVD superbement réalisé, un suspense hitchockien réussi
On n'aime pas
Des bonus non sous-titrés
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L'édition vidéo
L'ASSASSINO E COSTRETTO AD UCCIDERE ANCORA DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Mondo Macabro
Support
DVD (Simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h30
Image
2.35 (16/9)
Audio
Italian Dolby Digital Mono
English Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Anglais
  • Supplements
    • Commentaire audio de Luigi Cozzi
      • Featurettes
      • The Road to the Killer (16mn20)
      • Initials D.A / Cozzi On Argento (9mn46)
      • Death Walks At Midnight and the Giallo genre (17mn22)
    • Bande Annonce d’époque
    • Générique de début d’origine
      • Biographies
      • Luigi Cozzi
      • George Hilton
      • Cristina Galbo
      • Femi Benussi
    • Photos de tournage
    • Affiches & photos d’exploitation
    • Teaser des autres produits Mondo Macabro (2mn30)
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