13. Courts-métrages internationaux

Comme nous l'avions dit, la sélection de courts-métrages français en compétition nous avait laissé franchement dubitatif. On nous reprochera encore d'avoir une démarche anti-française mais il nous apparaît important d'être honnête. Alors, bien sûr, on pourra nous rétorquer que les moyens financiers sont en cause. Et pourtant… Le meilleur court-métrage de la sélection internationale se montre minimaliste, ou presque, dans les moyens mis en œuvre. Il s'agit d'un petit bijou d'écriture et, qui plus est, un pur moment de cinéma fantastique…

Le dimanche 25 novembre, nous avons donc pu assister à la projection de neuf courts-métrages provenant de différents pays. A commencer par l'Australien AT THE FORMAL. Inquiétant de prime abord, ce court nous propose un long plan séquence sur quasiment toute sa durée. Pas de dialogue. Juste une caméra évoluant au sein d'une fête étudiante, passant d'un convive à un autre… Si AT THE FORMAL inquiète, c'est que l'on a un peu de mal à comprendre la démarche du cinéaste. Néanmoins, au bout d'un certain temps, le décalage de la bande-son renvoie un aspect extrêmement sinistre d'une nouba qui devrait pourtant être joyeuse. Au point que l'on peut se demander si Andrew Kavanagh ne cherche pas à nous exposer l'aspect futile de tels ébats festifs surtout que l'épilogue se transforme en véritable sacrifice d'une jeunesse maltraitée. Curieux et surprenant !

Le deuxième court-métrage de la sélection est notre chouchou, celui qui nous a rappelé que le cinéma fantastique, c'était avant tout de l'imagination plus que de la violence, de la subtilité plus que des effets… En provenance de Grande Bretagne, EXIT captive en quelques secondes avec des éléments qui ont tout pour rebuter. Réunissez une demi-douzaine de personnages, assis au coin du feu, sirotant un verre tout en discutant. Avec ce point de départ, EXIT attise le spectateur avec un trouble fête qui s'amuse à égratigner l'assistance puis intrigue par une joute dialoguée au scalpel ! Le résultat touche du doigt la magie et la sorcellerie, des forces qui nous dépassent au point qu'elles sont plus évoquées que réellement montrées. Les effets spéciaux les plus élaborés de EXIT, ce ne sont finalement pas cinquante litres de latex et des heures de calculs numériques. Non, c'est avant tout une mise en scène redoutable de simplicité et d'efficacité mais aussi des comédiens servant leurs dialogues sur des plateaux d'argent avec en tête un imposant Julian Glover.

Du coup, le court qui a suivi EXIT montrait assez vite ses limitations. Le point de vue d'une contre plongée très jeu vidéo sur le personnage principal est pour le moins surprenant. Cela soulève d'ailleurs des questions sur la façon dont les créateurs de GOD VIEW ont pu réussir à réaliser cet effet. Mais assez vite, on comprend que ce court-métrage britannique sert un propos très limité, jouant essentiellement sur l'aspect technique évoqué. Au moins, le plan final joue sur l'ironie, brisant le quatrième mur pour mettre les spectateurs dans la peau de Dieu. Sympathique tout de même !

Le court-métrage OVNI de la sélection était assurément THE INCIDENT qui nous vient du Canada. Prenant la forme d'une sorte de film d'espionnage à l'ancienne, le personnage évolue dans une sorte d'univers hérité de la guerre froide. En réalité, c'est ce que l'on pense de prime abord avec des personnages échangeant des dialogues aussi ineptes que surréalistes. S'agit il de codes utilisés par les espions pour se reconnaître ou s'échanger des messages sans éveiller les soupçons d'un camp adverse ? Le métrage ne répondra pas à cette question et trimballera son étonnant mélange qui donne le sourire à force d'incompréhension. Du véritable non-sens réussi !

Toujours en provenance du Canada, SHHH est un court fortement inspiré par l'univers de Guillermo Del Toro et, quelque part, Tim Burton. Le film se clôt d'ailleurs de manière explicite puisque rendant hommage à Guillermo Del Toro dans le générique de fin. Néanmoins, même sans cette mention, il était difficile de ne pas comprendre avec un personnage principal nommé Guillermo ou encore le mot "CRONOS" égaré sur des documents à la fin du métrage. Fort sympathique mais aussi peut être un peu trop classique pour réellement surprendre, SHHH nous présente un petit garçon martyrisé par sa sœur mais aussi une créature qui le tourmente la nuit.

RECORD/PLAY faisait clairement partie des meilleurs courts de la sélection internationale. Si le sujet n'est pas spécialement nouveau, la mise en boîte était d'une grande efficacité. Un homme écoute sur un vieux magnétophone une cassette où la femme qu'il aime lui livre ses derniers mots avant de mourir. Un bricolage de fortune, pour réparer le magnétophone, va alors lui donner l'opportunité d'aller plus loin. Evidemment, on se retrouve donc avec le schéma déjà vu d'un homme tenant de modifier le passé. Mais ce court réussit à éviter la redondance, trouvant toujours le moyen de ne pas proposer de redite. Une petite réussite dans son genre !

La Corée du Sud nous envoie LIZARD GIRL. Et, là, c'est coréen… Autant dire que même dans un format court, on va insister lourdement, faire durer tant que c'est possible et tant pis si l'efficacité finit par se diluer dans les 17 minutes du métrage. Le tout pour nous proposer le portrait d'une petite fille qui donc un lézard et qui a des soucis avec des créatures venant lui faire des misères. Dit ainsi, cela donne envie ! Sur un écran, c'était malheureusement le début d'une enfilade de courts-métrages largement moins réussis que les précédents.

Avec CROWN, on va s'égarer dans ce que l'on déteste : l'approche artistique fumeuse. Et de fumée, il en sera question puisque dans CROWN, on va découvrir des dealers qui ont ouvert un commerce dans une maison. On suit donc le parcours, dénué de réelle intrigue, d'un homme qui s'égare dans cette fumerie d'opium… Si ce n'est que l'on ne carbure pas aux opiacés mais au cordon ombilical. Pourquoi pas… Mais les dealers ressemblent à des dealers, forcément basanés et membre de gang, alors que les clients sont dénués de ce genre de stéréotypes. On pourrait s'amuser à décortiquer le bidule mais le résultat s'avère surtout chiant !

L'espagnol LLAGAS était le seul court-métrage pour lequel son créateur (et quelques amies) avait fait le déplacement. Pas de bol, il repartira bredouille puisque personne ne lui aura décerné de Prix. Au moins, il aura eu la satisfaction de voir son film présenté sur un écran de taille fort conséquente et dans une salle plutôt luxueuse. Le court ? Ah, oui, il faut en parler aussi… Malheureusement, LLAGAS aura eu un peu de mal à convaincre. Peut être a t'il souffert de passer en dernier, la courbe de qualité ayant gravement chuté sur les derniers courts métrages, donnant un peu l'envie d'aller prendre l'air. De fait, on a donc suivi LLAGAS du coin de l'œil en espérant que ce court ne soit pas trop long. Le métrage suit les affres d'un écrivain qui se bat avec son inspiration, représentée ici sous la forme d'une maladie dévorante et contagieuse. Quelques passages font vaguement penser à LA MOUCHE de David Cronenberg. Au passage, on notera que le cinéaste canadien semble avoir été l'inspiration de plusieurs autres cinéastes des courts proposés. Ainsi, dans CROWN, on pense au FESTIN NU alors que RECORD/PLAY cite, en quelque sorte, VIDEODROME. Mais en ce qui concerne LLAGAS, on retient surtout de longs échanges entre un écrivain et son agent littéraire.

Si les derniers films se montraient plus faibles, il faut bien reconnaître que cette sélection internationale était de bons niveaux et nous a permis de découvrir sur grand écran quelques excellents courts-métrages.

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Dossier réalisé par
Emmanuel Denis, Xavier Desbarats, Christophe Lemonnier & Salomé Costa
Remerciements
Blanche Aurore Duault, Nathalie Iund, Roxane de Quirini, Cyril Despontin ainsi qu'aux organisateurs et à tous les bénévoles du festival