Un point sur The Walking Dead

2. Partie 2

Walking Dead, le comics, nous propose de suivre les péripéties de Rick Grimes, policier gravement blessé lors d'une arrestation musclée, qui se réveille d'un long coma pour réaliser que tout a changé autour de lui. Le monde n'est plus que chaos, les morts marchent dans les rues et dévorent les vivants. Persuadé que sa femme et son fils sont toujours en vie, il va les chercher dans un premier temps avant de s'intégrer à la petite communauté de survivants qui les avaient recueillis, eux et Shane, son coéquipier et meilleur ami. Pourtant, Rick comprend très vite que la clé de leur survie est l'adaptation, qu'il doit laisser ses concepts moraux derrière lui s'il veut vivre une journée de plus et que, dans un monde en perdition, il devient quasiment impossible de garder toute son humanité. Ainsi la bande dessinée s'articule autour du parcours de la caravane menée par Rick à travers ce monde désolé où chaque erreur peut-être fatale. En plus de proposer un scénario à rebondissements ultra efficace et des péripéties toujours plus terribles, Walking Dead, le comics, est avant tout une étude de caractère, une réflexion sur la société actuelle, sur la définition d'un être humain et la valeur d'une vie au profit d'une communauté. Il rappelle en cela John Carpenter et son incroyable INVASION LOS ANGELES et bien sûr George Romero (enfin, celui de ZOMBIE quoi, pas celui qui depuis quelques films repasse inexorablement son Bac Philo sans jamais l'obtenir). D'une fatalité implacable et ne connaissant aucun tabou, Walking Dead, le comics, permet une identification parfaite à cette grille de personnages (Rick en tête), met la plupart du temps le lecteur dans une position très inconfortable, bousculant aussi bien ses principes que ceux des protagonistes. Rien n'est épargné, la série est épuisante, magistrale.

THE WALKING DEAD reprend les grandes lignes du comics, le principe de l'histoire, la caravane, quelques personnages et…euh…c'est tout. On n'attendait évidemment pas une adaptation fidèle à la case près, impossible tant certains passages sont extrêmes ou beaucoup trop onéreux pour une série télé. Mais on espérait quand même que l'histoire soit un minimum respectée. Las, dès le second épisode, les attentes s'étiolent face à une galerie de personnages et de situations inventés pour l'occasion. Qu'il s'agisse de Michael Rooker jouant un survivant raciste, ou alors cet ancien hospice occupé par des personnes A PRIORI malfaisantes, ou encore ce scientifique étudiant l'épidémie dans son complexe souterrain, ces ajouts alourdissent considérablement le propos, d'autant qu'ils sont le moyen pour la chaîne de faire passer des messages douteux. Effectivement, là où la bande-dessinée annonce clairement qu'il ne faut pas rester accroché aux vieux schémas et que la clé de la survie se trouverait dans l'adaptation et dans un semblant de société à une échelle plus confidentielle, la série clame haut et fort ses valeurs plus que conservatrices lorsque, la plupart du temps, les conflits moraux n'ont même pas trait à l'apocalypse qui se déroule sous nos yeux. Nous apprendrons donc que le racisme c'est mal mais qu'il faut pardonner et ne pas condamner (probablement parce que le raciste est quelqu'un qui se trompe de colère. Mince), qu'une personne contaminée a quand même droit à sa dignité d'être humain et tant pis si ça met les autres en danger, qu'en période de crise il faut écouter un représentant de l'autorité ou du gouvernement (Rick et Shane sont flics), qu'il n'y a rien de plus important que de préserver sa famille (voir la pathétique triangulaire Rick-Lori-Shane) et que l'enfant est un être innocent qui ne doit pas se confronter à la violence du monde (les lecteurs du premier volume de la version dessinée rigoleront doucement à cette dernière affirmation). Bref, on n'est pas loin du "there's no place like home" du MAGICIEN D'OZ, et ce gloubi-boulga trop sucré risque de nous peser sur l'estomac. L'exemple du représentant de l'ordre est à ce titre éloquent.

Dans le comics, Rick porte son uniforme pour en partie se rassurer et ne pas affoler ceux qu'il risque de croiser, mais aussi parce qu'il a besoin d'avoir un repère s'il doit se jeter dans la fosse aux lions, mais on comprend très vite que l'uniforme ne signifie plus rien, il s'en détache rapidement pour ne rester qu'un homme qui se bat. Dans la série, Rick tient beaucoup à son uniforme, au point que récupérer son chapeau devient une action importante. Sans cela, il n'est plus lui-même, il n'est plus flic, il n'est plus rien. Comment pourra-t-il guider les autres, s'il n'arbore pas sa petite étoile à la poitrine et son grand chapeau ? Dans le comics, Rick devient un meneur par défaut, il n'en a pas particulièrement envie, mais les autres, voyant qu'il fait partie de la police, se disent qu'il pourra prendre les bonnes décisions au bon moment et surtout il est le symbole d'un ordre perdu, une espèce de dernier rempart au chaos. Pas un choix personnel mais plutôt une conséquence qui, au-delà de lui mettre une sacrée responsabilité sur les épaules, va lui causer préjudice de nombreuses fois. Dans la série, par contre, Rick devient naturellement le leader justement parce qu'il fait partie de la police, parce qu'il est juste et réglo. La question ne se pose même pas, cela va de soi. On n'est donc carrément pas sur le même plan thématique.

On pourrait penser à du pinaillage mal intentionné, mais pourtant cet exemple peut s'adapter à n'importe quel personnage ou situation rencontrés au fil des épisodes. Et il apparaît que le Rick du comics trouve son pendant dans la série sous les traits de Shane, l'homme que les scénaristes vont nous forcer à détester. Choix étonnant puisque par cette décision, c'est tout le propos et le fond de l'histoire qui s'en trouvent chamboulés. Mais la débâcle ne s'arrête pas là, puisque les autres personnages emblématiques de la caravane (Dale, Glenn, Andrea ou Lori) ont subi un lavage plus blanc que blanc et se trouvent réduits à de simples archétypes : le vieux sage moralisateur, la pleureuse, la femme aimante qui cherche à redynamiser son couple après avoir commis un adultère. Bref, que des choses un peu trop DAWSON'S CREEK dans l'esprit et qui n'ont absolument rien à faire dans cette histoire d'apocalypse. Encore plus fort, la série est construite sur du vide, sur de longs dialogues insignifiants et redondants qui ne font absolument pas avancer l'histoire mais perpétuent cette dimension "soap-opera" embarrassante et contribuent au final à minimiser la menace qui les poursuit. Plutôt dommage qu'une invasion de zombies soit réduite à une séance de tir aux pigeons alors qu'une femme répète une nouvelle fois à son amant un brin buté que "non, c'est pas possible, t'es pas mon mec, d'ailleurs c'est de ta faute, t'as profité de ma faiblesse, t'es un salaud, tu m'as menti, dégage."

La catastrophe ne s'arrête malheureusement pas là, puisqu'en choisissant de se détourner de l'histoire originale, THE WALKING DEAD s'embourbe dans un lot d'incohérences qui relève quasiment de l'amateurisme. Outre le fait de nous asséner un récit inconsistant prenant sa source dans tous les clichés bien-pensants que comptent le cinéma et la télévision, la série multiplie les moments exaspérants où l'on en vient à souhaiter que la horde de zombies arrive enfin à choper cette belle bande de crétins pour qu'on en finisse. Passons très rapidement sur le rythme inégal de chaque épisode, le casting à tendance mollusque (pas un acteur ne semble à son aise, ni ne donne un minimum l'impression de s'intéresser à son rôle) et concluons ce paragraphe en disant que THE WALKING DEAD est une insulte à tous les fans de la bande dessinée et aux aficionados de ce genre d'histoires.

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Dossier réalisé par
Christophe Foltzer