Evil Dead : The Musical

3. Acte II

Un rapide coup d'œil dans la salle montre que chacun est pour l'instant comblé par la pièce. Le scénario des films est parfaitement respecté, le rythme est très soutenu (et nous n'avons pas cité toutes les chansons), les comédiens excellent dans des rôles qu'ils ont eu le temps de bien rôder (même si la distribution a souvent évolué au cours des années). Dans le rôle de Ash, Ryan Ward emporte tous les suffrages grâce à son physique évoquant le Bruce Campbell d'il y a 20 ans, tout en modelant intelligemment son interprétation sur les célèbres postures de son modèle. L'humour de la pièce fait toujours mouche aussi bien quand il s'agit de revisiter l'univers des films, de s'amuser avec les astuces brinquebalantes du théâtre " à effets ", ou de se gausser de la comédie musicale cul cul la praline (les chorégraphies sont très inventives et amusantes). Tandis que les assistants sont toujours en train de passer la serpillière sur la scène, une équipe distribue les fameux ponchos en plastique promis par le guichetier. Les débordements sanglants du premier acte n'étaient qu'une mise en bouche visiblement. Les ponchos sont proposés aux premiers rangs de la Splatter Zone mais aussi aux rangées décroissantes. La Splatter Zone est-elle plus vaste que prévue ? Pas le temps de répondre à cette douloureuse question que les lumières s'éteignent pour le deuxième acte.

Retour dans la cabane où Ash, ensanglanté, essaie de convaincre Annie, Ed et Jake que la cabane est possédée par des forces de ténèbres. La possession soudaine de Ed donne un crédit soudain à l'histoire rocambolesque de Ash. " Oui, mais qu'est-il advenu de mon père ? ", s'inquiète Annie. Pendant que Ash tente de la réconforter, le pauvre Ed grommelle en espérant terroriser l'auditoire. Las de n'inspirer aucun frisson, il se lance dans une triste chanson, " Bit Part Demon " (" Je suis le gars que l'on oublie dans tous les films d'horreur car je n'ai même pas trois lignes, si le héros tue une centaine de méchants, je ne suis que l'oubliable numéro 39 "). Une complainte qui attendrit tout le monde, sauf Ash qui achève prématurément la chanson en tirant un coup de fusil sur son interprète. " Maintenant tu as un grand rôle… En enfer !!! ", fanfaronne-t-il en levant le sourcil face à la scène. Le comédien est maintenant possédé par l'esprit du Bruce Campbell de L'ARMEE DES TENEBRES. " Quand même, vous n'êtes pas très gentil de lui avoir tiré dessus ", rétorque Annie. " Gentil… Méchant… Je suis le gars avec le fusil !! ", rajoute Ash sous l'hystérie de la salle. Si EVIL DEAD THE MUSICAL n'adapte pas le troisième opus, cette échange montre que les lignes mémorables du dernier film sont ajoutées quand bien même au spectacle. Une initiative particulièrement prisée par la salle, qui ne manquera pas de reprendre en cœur les célèbres " This is my Boomstick " et autres tirades qui s'inviteront dans la bouche des acteurs.

Alors qu'Annie semble troublée par la subite virilité de notre fier héros, elle se ressaisit à quelques millimètres d'un baiser. Elle n'ose pas céder à la romance car - la musique commence - " All the men in my life keep getting killed by Candarian Demons " (" Mon cœur est systématiquement ca-ca-cassé, car tous les hommes de ma vie sont toujours tué par des démons Candariens "). La fin de la musique est marquée par l'une des séquences les plus hilarantes du show : l'arrivée du fantôme du père d'Annie ! Comment reproduire la spectaculaire surimpression du film ? En mettant un drap blanc sur la tête d'un figurant, une lampe torche lui éclairant le visage par en dessous ! Perché à la fenêtre de la cabane, il a à peine le temps de délivrer son message (les nouvelles pages du Necronomicon que possède Annie les sauvera) que le morceau de décor auquel il est accroché cède pour l'envoyer se viander au fin fond des coulisses. La salle hurle de rire et applaudit à tout rompre !

Mais l'heure est grave : Ash est maintenant possédé ! Un combat avec Jake s'engage alors, et se poursuit à l'extérieur de la cabane, laissant Annie seule et apeurée. Elle empoigne le poignard d'os traînant par terre, et plante accidentellement le pauvre Jake. Ce dernier explose de colère dans une nouvelle chanson " Ode to an accidental stabbing " (" Nom de dieu de putain de bonne femme, est-ce que j'ai l'air d'un putain de zombi !?! "). Gisant finalement à terre, Annie (qui n'a décidemment que de bonnes idées) le glisse près de la trappe où Cheryl possédée végète. Jake est englouti par cette dernière, qui libère alors un gigantesque jet de sang. Celui-ci arrose, entre rires et hurlements, tout le côté gauche de la salle, et ce jusqu'au dernier rang. Ash, toujours possédé, entre dans la cabane et redevient normal " juste en regardant le médaillon de sa copine !! ". Ok, il est maintenant temps de mettre un terme à ce délire démoniaque en lisant les deux formules du livre : la première pour déchaîner le mal, la deuxième pour ouvrir un tunnel à travers l'espace temps pour y renvoyer les démons. Mais avant cela, un peu de bricolage… Ash s'équipe enfin de sa tronçonneuse/poignet tandis que les spectateurs provoquent une vague d'applaudissements sans précédent au son du fameux " Groovy " !...

Première formule, et voici qu'une boulle disco géante s'invite dans le décor de la cabane. Tous les personnages possédés du spectacle (Scott, Ed, Linda, Cheryl, Jake) sautent sur scène pour entamer l'hymne " Do the Necronomicon ". C'est un pur numéro de music-hall alternatif, où les comédiens s'amusent à intégrer de célèbres pas de danse à leur chorégraphie (on notera beaucoup de clin d'œil au clip THRILLER de Michael Jackson réalisé en 1984 par John Landis). A la fin des dernières notes, la boucherie tant promise arrive. Ash va démembrer un à un ses anciens amis, provoquant une douche de sang dans la salle (les arrivées de liquide étant cachées autant sur les acteurs que dans le décor). Difficile de résumer la scène d'anarchie suivante, tant nous devions régulièrement nous réfugier sous notre petite table pour éviter les plus grosses giclettes ! C'est le moment pour Annie de formuler la deuxième incantation, mais cette dernière ne peut la terminer car la main coupée de Ash ressurgit pour la tuer. Tout le monde est aspiré par la porte de la cabane dans le tunnel spatio-temporel, Ash compris…

La dernière scène du spectacle adapte la fin alternative de L'ARMEE DES TENEBRES. Ash, redevenu employé de superette, tente de convaincre une petite cour de ses exploits de tueur de démon. Pour briser le cynisme de ses concitoyens, Ash devra tuer un dernier monstre invoqué entre deux allées du magasin. L'ultime chanson retentit, " Blew that bitch away " (" Est-ce que vous autres têtes de nœuds me croyez quand je vous dit que je peux vous sauvez des démons Candariens ? "). Comme tout bon " musical ", tout est bien qui finit bien. Le rideau tombe sous les applaudissements dithyrambiques des spectateurs, nous compris. Les lumières rallumées, les prévoyants quittent leurs ponchos en plastique, tandis que les téméraires se demandent comment prendre les transports en commun tandis qu'ils sont couverts de faux sang.

Une formidable surprise donc que ce EVIL DEAD THE MUSICAL. Un authentique hommage, une délicieuse parodie, une savoureuse sale blague… le tout noyé sous un talent fou et une énergie emportant tout sur son passage. La fin des représentations approchant, on rêverait d'un DVD qui immortaliserait le show. Malheureusement, pour des questions de droits, la commercialisation d'une captation filmée serait d'une complexité (quasi) insurmontable. Les curieux peuvent toujours se rendre sur le site du spectacle (www.evildeadthemusical.com), et visionner quelques vidéos et extraits de numéros musicaux. Un CD-Audio, reprenant l'intégralité des chansons ainsi que quelques lignes de dialogues mémorables, est disponible depuis le magasin du site. Enregistré lors des représentations à Broadway, le disque est d'une qualité impeccable bien qu'un peu " froid " dans son écoute. Privé du jeu de scène et des hurlements de la salle, l'auditeur n'aura qu'une idée partielle et trop lisse de l'atmosphère de la pièce. Restent nos souvenirs, qui eux ne sont pas près de s'effacer…

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Dossier réalisé par
Eric Dinkian