2. Partie 1

Marija Nielsen : Il est intéressant de mélanger l'horrible réalité du film de guerre avec les notions plus abstraites de l'inconnu (LA TRANCHEE). Comment cette idée vous est-elle venue ?

Michael J. Bassett : L'horreur est un genre que j'ai toujours apprécié parce qu'il couvre un si grand terrain. Cela va des histoires de suspense à caractère psychologique jusqu'à la dernière vague de "gore pornographique" où l'unique but semble être le démembrement et les litres de sang déversés. Ayant tout ceci à l'esprit pendant l'écriture de LA TRANCHEE, je pensais pouvoir trouver un équilibre entre l'horreur explicite, les éléments psychologiques et une certaine ambiance autour de prestations d'acteurs intéressantes et d'un contexte captivant.
Mon grand-père possédait des livres sur la première guerre mondiale avec des photos qui présentaient essentiellement des soldats morts dans les circonstances les plus terribles. En regardant ces photos étant enfant, j'ai vite compris que la vraie horreur se trouvait là. Plus tard, en tant que réalisateur, j'ai voulu créer quelque chose qui capturait la vision du monde et de l'horreur de leur situation par les soldats eux-mêmes. J'ai lu des lettres et des poèmes écrits par des soldats et j'ai essayé d'incorporer ces horreurs dans la charpente de mon film.
LA TRANCHEE était mon premier long métrage alors il n'est peut-être pas à la hauteur de ce qu'il aurait pu être mais en le revoyant quelques années plus tard, il me semble qu'il comporte pas mal de bonnes choses et je pense que c'est l'un des films d'horreur récents les plus intéressants.

C'est un premier projet très ambitieux. Avez-vous eu des problèmes pour convaincre les investisseurs ?

Il m'a fallu œuvrer dur pour convaincre les investisseurs que j'étais le bon réalisateur pour le film. Mon avantage était d'avoir écrit moi-même le scénario que je refusais de leur vendre à moins de le réaliser également. Ils m'ont alors demandé de tourner quelques scènes pour leur prouver que je savais ce que je faisais et que j'étais capable de diriger une équipe afin de leur livrer ce qu'ils en attendaient. Alors je suis allé voir un fermier local pour lui louer son champ pendant quelques jours et le transformer en une tranchée de guerre. Je l'ai rempli de fils barbelés, de caisses de munitions et de tout un tas d'autres accessoires et puis j'y ai emmené les acteurs. Je pense que les producteurs ont surtout été impressionnés par ma détermination de rendre le tout crédible et mes efforts fournis.
Mon pitch était le suivant : " Il y a neuf types dans un trou dans la terre - ça ne peut pas être si compliqué que ça ? " Eh bien, j'ai découvert exactement à quel point ça l'était quelques mois plus tard.

Où a eu lieu le tournage et combien de temps avez-vous eu pour la pré-production ?

On a tourné sur une base militaire à une heure de route de Prague. Et comme c'est toujours le cas avec une production à petit budget, l'emploi du temps était très serré. La bonne chose était qu'il n'y avait qu'un seul décor. Nous avons creusé la tranchée, habillé le décor et commencé à tourner. La pré-production a duré environ six semaines.

Le tournage a dû être harassant, par moments. Comment était l'ambiance sur le plateau et les relations entre vous-même et les acteurs ? Et comment cela s'est-il passé avec une équipe étrangère ?

A l'époque, j'avais trouvé cela très dur et tout le monde m'a dit qu'en effet, c'était le tournage le plus harassant sur lequel ils avaient travaillé. C'était de ma faute vu que je voulais que la tranchée soit aussi authentique que possible. Il y avait de la vraie boue et de la vraie pluie, des températures glacées et de vrais rats. Et croyez-moi, BEAUCOUP de pluie, quelque chose comme 60.000 litres qui tombaient tous les jours. Vous ne pouvez imaginer ce que c'était. Et avec l'arrivée de l'hiver tchèque, le vrai froid s'installait. Parfois, il nous a fallu casser la glace recouvrant la boue. Evidemment, ce n'était rien comparé à la réalité mais cela nous a quand même donné une assez bonne idée des conditions réelles.
J'avais un casting de jeunes acteurs merveilleux prêts à braver la pluie et la boue. Jamie Bell avait seulement quinze ans quand il a tourné LA TRANCHEE mais il n'y avait rien qu'il n'avait pas envie de faire et l'encouragement des autres acteurs a créé un vrai lien entre eux tous. Je sais à quel point c'était dur pour eux et il y a bien eu quelques montées de tension mais le plus important était la solidarité entre nous tous qui a fait qu'on s'en soit bien sorti et je crois que cela se ressent dans le film. On avait l'impression de voir un vrai groupe de soldats désillusionnés, chacun gérant la situation à sa façon.

Il me semble que vous n'ayez pas eu droit au montage final de votre film. Y a-t-il eu des coupes que vous regrettez ? Et est-ce que ces coupes changent quelque chose à votre vision du film ?

Le montage final est un peu le sacré graal d'un réalisateur mais dans la réalité, quelqu'un d'autre a toujours un peu plus de contrôle que soi-même. C'était bien sûr moi qui avais le plus de choses à dire sur la forme que devait avoir le film et c'est aussi clairement mon nom au générique donc je n'essaierai pas de blâmer quelqu'un d'autre pour d'éventuelles failles. L'aspect et l'ambiance du film correspondent vraiment à ce que j'avais en tête et l'ont même excédé, à certains niveaux. Le plus important pour moi était l'ambiance avec la pluie, la brume et l'environnement ainsi qu'une excellente bande son et tout est là. A d'autres niveaux, j'aurais voulu avoir plus d'expérience ou de temps pour obtenir ce que j'avais en tête. Bien qu'il y ait deux trois choses que je changerais aujourd'hui, ça ne sert à rien de s'en plaindre. Il y a quelques scènes qui ont été tournées différemment et que je n'ai jamais aimées parce qu'elles perdaient ainsi tout leur sens mais cela a été fait pour amener plus d'action au début. Aujourd'hui, j'aurais insisté davantage pour faire les choses à ma façon.
Je crois que certaines personnes (en particulier, les distributeurs ou les fans de genre purs et durs) ont eu un problème avec le film parce qu'ils ne savaient pas vraiment ce que c'était - un film d'horreur ou de guerre ? Ils voulaient un film d'horreur pure alors que j'essayais surtout de trouver une combinaison intéressante entre les deux. Je sais que certains spectateurs ne trouvent pas le film assez gore ou horrifique alors je suppose que le film les a déçu. Je regrette de ne pas avoir eu assez de moyens financiers pour compléter certaines séquences d'effets spéciaux qui en auraient profité mais c'est la vie. J'ai coupé un peu autour, trouvé des alternatives ou simplement abandonnées. C'est la vie…

L'un des personnages, le caporal Bradford, est un homme très croyant mais à part lui, l'aspect religieux ou spirituel du film n'est pas très évident. Etait-ce intentionnel ou avez-vous dû couper certaines choses ?

Il faudrait regarder de plus près, alors, parce que je pense que ces aspects sont bien présents, tout comme le symbolisme. Le personnage de Bradford est, bien sûr, le vrai croyant qui croit entendre la voix de Dieu mais il y a aussi la question de savoir qui est réellement le soldat allemand et ce qu'il représente ou pas. Tous les personnages ont été conçus pour offrir une façon alternative de gérer les horreurs de la guerre - le Doc qui est très humaniste, l'humour pour McNess, l'introspection pour Hawkstone, la rage vicieuse de Quinn, etc. En creusant, tout est là mais j'aime bien entendre les différentes façons qu'ont les gens d'interpréter l'histoire ou les personnages. Si un film d'horreur au petit budget peut provoquer un débat philosophique ou spirituel tout en égouttant du sang et vous faire frissonner, ça ne peut être qu'une bonne chose.

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