6. L'actualité selon "Midi-Minuit"...

En septembre 1963 sort le numéro 7, avec une couverture dédiée à THE OLD DARK HOUSE de William Castle. Cette fois-ci, il s'agit d'un numéro d'actualité. "Midi-Minuit Fantastique" s'éloigne de ses formules thématiques... Par contre, le journal multiplie les entretiens, avec, en l'occurrence, Riccardo Freda et Terence Fisher - ce dernier étant questionné par Betrand Tavernier qu'on ne s'attend pas à retrouver dans "Midi-Minuit Fantastique" !
"Tavernier aimait beaucoup le cinéma. Nous, on était accueillant pour tout le monde. On n’avait pas d’ostracisme."

Quant à la politique consistant à faire de nombreux entretiens : "On ne pouvait pas avoir d’entretiens avec les artistes des années 30. Ils étaient morts ou dans des asiles. Alors, là, on se dit qu’il faut avoir des témoignages de ceux qui sont encore là pendant qu'on le peut. Hé oui, ce ne serait pas dans vingt ans ou trente ans qu'on le pourrait ! Il fallait y aller tout de suite. Moi, j’avais interviewé Edgar Ulmer, par exemple, ou Don Sharp. Il fallait en profiter ! Imaginez que vous vous retrouviez dans le passé. Qu’est ce que vous feriez ? La même chose que moi !".

DR. NO, le premier James Bond, est chroniqué. Cette saga sera toujours suivie par "Midi-Minuit Fantastique". Et, encore aujourd'hui, les magazines de cinéma fantastique français ouvrent régulièrement leurs pages à cette saga.
"DR. NO, c’était un film d’action, un film populaire. Ce n’était pas ma tasse de thé, James Bond. C’était plutôt Michel Caen. Il y avait des scènes cruelles, sadiques. Nous, en fait, on aimait bien l’érotisme. Comme j’ai souvent dit "Je crois aux Fhé." "F" pour Fantastique. "H" pour Humour. "E" pour Erotisme. Et c’est ce qu’on retrouve dans tous les films que j’ai défendus. Il y a au moins une de ces trois dimensions, si ce n’est les trois en même temps. Donc, je pense être cohérent."

Nous trouvons aussi une critique, assez favorable, de L'HORRIBLE DR. ORLOF, le premier film d'épouvante d'un certain Jesus Franco. Metteur en scène dont Jean-Claude Romer n'aime guère le travail... "J’ai trouvé ça nul ! L'HORRIBLE DR. ORLOF, c’était en moins bien ce qu’on trouvait chez Fisher, chez Bava ou ailleurs. J’avais même été interviewé Franco à Bobino et on avait perdu cet article parce que ça n’intéressait personne. Il est fou !"

Et quant à l'engouement que rencontre pourtant ce metteur en scène dans certains cénacles : "Maintenant, chacun cherche un os à ronger ! On manque cruellement de réalisateurs de série Z. Ils sont tous pris en main !".

Nous avons parlé du mauvais accueil réservé au cinéma fantastique chez les élites. Et pourtant, le vent commence à tourner. Ainsi, la Cinémathèque Française s'ouvrait au genre, rediffusant des titres devenus rares, comme THE VAMPIRE, ou LA FELINE. Cet évènement est chroniqué comme il se doit dans les pages de "Midi-Minuit Fantastique".
"Moi, j’étais pour en parler, pour parler des premiers films de vampires, les premiers ceci ou les premiers cela... DRACULA, on ne l’avait pas revu depuis les années 30. Mais c’est le problème des films qui sont vus en dehors du contexte, en dehors de l’époque.
Il faut faire un effort pour s’y replacer. Car on a l’esprit un peu perturbé par tous les imitateurs qui sont venus après. Et l’original, maintenant, peut sembler tout à fait banal si on ne fait pas cet effort. C’est ça qui est triste ! En tant qu’historien, j’ai la volonté de me replacer ainsi. C’est trop facile de ricaner. Moi, je passe mon temps à faire des efforts. Quand je vois des films de 1910, je ne peux pas voir ces films avec la mentalité de quelqu’un de l’an 2000. Ce n'est pas possible ! Aujourd'hui, les gens ricanent quand ils regardent un film muet. En général, les gens ne font pas d’efforts.
Un film comme PLAN 9 FROM OUTER SPACE ne faisait pas ricaner à sa sortie, quand il était montré au public auquel il était destiné. Comme on dit aux Etats-Unis, c’était des films produits, et regardés surtout, "for unsophisticated audiences". Je ne vois pas l’équivalent en français mais ça dit bien ce que cela veut dire. C’est pour des gens simples. Ces gens là voyaient les films de Fred Astaire ou BLOOD FEAST de la
même façon. Vous voyez, il y a un film merveilleux américain qui pourrait d’ailleurs rentrer dans "Midi-Minuit" : c’est HELLZAPOPPIN. Hé bien, vous montrez HELLZAPOPPIN à des jeunes maintenant... Bon !
Mais à l’époque, en 1941, c’était révolutionnaire. C’était extraordinaire. Quand il est sorti après la guerre, il est resté plusieurs années à l’affiche. Alors, c’est un gros effort à faire. Personne ne veut voir un film en noir et blanc maintenant. Ou un film en noir et blanc et muet... Voyez-vous, comment peut-on rentabiliser son poste de télévision en couleurs si on passe des films en noir et blanc ?
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Dossier réalisé par
Emmanuel Denis
Remerciements
Jean-Claude Romer